bien çonfidérable, & donneroit lieu à de grandes
dëpenfes, fi, comme le propofe M.’ Van-Recum ,
on écabliffoit autant d’écoles qu'il y a voit alors de
confervations. Il eft vrai qu’on pourroit confier
des places de profeffeurs aux infpeéieurs les plus
inftruits, qu’on çhargeroit de l'enfeignement de
l'économie foreftière, & à des arpenteurs pour le
deffin , le levé des plans & même pour les mathématiques,
& que ces agens étant déjà rétribués
par le Gouvernement, n’auroient droit qu’à
une indemnité pour ce furcroît de travail. Quoi
qu'il en foie, je nepenfe pas qu'on doive établir
un fi grand nombre d’agens enfeignans. Trois profeffeurs
feroient peut-être fuffifans; favoir, un
pour l e s f c ie n c e s n a t u r e l le s , un pour l e s m a t h é m a t iq
u e s & to u t ce q u i i y a r a p p o r t , & le troifième pour
Y é c o n om ie forefiiere & l e d r o it f o r e f i ie r . Il y a même
des écoles en Allemagne où un feul profeffeur enseigne
toutes les parties de la fcience.
Mais reprenons l’expofé des connoiffances flé-
ceffaires dans le fervice f o r e f i ie r .
§. 2. —- D e s c o n n o if fa n c e s fo r e f t ié r e s , & d e s c a u f e s
q u i e n o n t r e t a r d é l e s p r o g r è s .
Il réfulte dé ce que nous venons d’expofer
fur l’importance des connoiffances en matière
foreftière, qu’on auroit dû en fentir toute la né-
ceflité & qu’elles auroient dû faire de grands
progrès. Cependant il n’en eft point ainfi, &
l’art de bien adminiftrer les bois eft encore loin
de la perfection à laquelle il peut être porté.
Quelles peuvent être les caufes qui ont en
quelque forte rendu ftadonnaire un art utile,
au milieu du mouvement général des fciences
& des autres arts? D’abord les bois ont été
long-temps aboudans,& à vil prix, & pendant tout
ce temps on ne s’eft point occupé de la manutention
raifonnée des forêts. En fécond lieu, il n’en
eft point de l’art A u f o r e f i ie r comme de celui du cultivateur
: le premier ne fe perfectionne que par
des expériences féeulairès, tandis que la révolution
d’une année eft Couvent fuffifante pour rectifier
la théorie du fécond & apprendre au cultivateur ce
qu’il doit craindre ou efpérer de Ces effais.
C e n’eft que lorfque les défrichemens, les pâturages,
les coupes arbitraires & une confommation
déréglée eurent amené la dégradation des forêts
& confidérablement réduit leur étendue, qu’on
fentit la néceffné de les foumettre à un régime
confervateur. Alors le Gouvernement & les particuliers
voyant que le prix du bois augmentoit
chaque jour, apprécièrent la valeur de ce genre
de propriété & cherchèrent les moyens de l’améliorer.
On traça quelques règles fur la manière
d’exploiter les forêts, fur les faifons les plus convenables
de le faire, fur les réferves à conferver,
tant pour favorifer le repeuplement des coupes,
que pours’affurer des pièces de fervice pour l’avenir
; mais ces premiers préceptes le reffentoient de
l'ignorance & des préjugés du. temps. Il fufKt,p01]r
s ’en convaincre, de lire nos anciens réglemeiis 8c
les premiers ouvrages écrits fur l’économie foref
tière. Ils confacrent des pratiques que réprouvent
aujourd’huU’expérience & la laine phyfique.
L’ art du f o r e f t ie r t e i l a long-temps dans l’enfance
& d’autant plus de.tempis que la vénalité des emplois
les plaçoit fouvent dans des mains inhabiles
Il ne commença à fe développer que Vers la fin du
17e. fiècle, époque où furent publiés les ouvrages
de M. Detroidour. Cet auteur célèbre fignala une
foule de pratiques vicieufes dans l’aménagement &
l’exploitation des bois ; mais fi la grande expérience
qu’il avoit acquife comme praticien lui a fajc
découvrir beaucoup d’abus, le défaut deconnoif.
fance des principes de la phyfique lui en a voilé
un plus grand nombre encore.
Il étoic réfervé aux Duhamel, aux Buffon, aux
Réaumur, de pofer les principes de la fcience fo-
reftière ; mais les belles expériences de ces hommes
célèbres ne répandirent leurs clartés que
dans le cercle des favans & des académiciens, &
on ne voit pas un feul réglement auquel elles aient
fervi de baie. La pratique fut long-temps abandonnée
aux préjugés & à l’ ignorance. La fcience
étoit dans les livres, & h routine aveugle admi-
niftroit les forêts; l’inftrudtion i toujours fi lente'
à fe répandre quand on n’en fait point un devoir,
n’alloit point jufqu’auX f d r e f t i e r s , ou du moins lî
quelques-uns de ces rayons venoient à frapper &
à éclairer un petit nombre de praticiens, iisétoient
perdus pour la foule; i! étoit même dangereux de
chercher à la propager, tant la force des préjugés
maîtrifoit la pratique. Cèt état de chofes n’a point
ericore totalement difparu, & l’on peut dire qu'il
ne difparoîtra abfolument qué'lorfquel’ inftrudfioa
fondamentale fera devenue une condition ex-
preftè de l’admiffibilité aux emploisf o r e f i ie r s . Alors
feulement les profondes inftru&ions de Duhamel,
deBuffon, de Réaumur, de Vaténné de Fenille,
de' Perthuis, de Burgfdorf, de Hartig, de Lau-
rop & des autres favans f o r e f i ie r s de la France &
de l’Allemagne, fortiront de la claffe des propoli-
çions théoriques, pour fe répandre dans tout le
fyftème des opérations pratiques.
Nous venons d’indiquer quelques unes des caufes
qui ont retardé la marche des connoiffances
foreftiéres. Elles ne font point les feules. En effet,
il ne fuffifoit point que les élémens de la fcience
exiftaffent, il falloit les réunir, les coordonner,
en former un corps complet de doctrine ; il falloit
furtout que la loi impofâc l ’obligation d’examiner
les alpirans aux places foreftiéres, fur les principes
ainfi déterminés de l’état qu’ ils vouloient em-
braffer; mais aucun réglement n’a fixé l’inftruélion
qu'on devoit exiger, & cet oubli a été l’une des
premières caufes du défaut d’ inftru&ion des anciens
prépofés à l’adminiftration des bois. L'ordonnance
de it$é9 a fait tout ce qu’il étoit poffi-
ble qu’elle f ît alors $ & on ne peut imputer à fes
tédaôfeUrs de n’y avoiy pas introduit des princî-
1 plus développés fur l’économie foreftière. Ils
^’ont pu y renfermer que des difpofitions corref-
ndahtesau degré de connoiffances alors exiftan-
j-eS Cette ordonnance, confidérée comme un ré-
plement de police, eft un des beaux monumens
la légiflation j niais fi nous l’envifageons fous lé
rapport de la partie phyfique & économique des
bois, fon ir.fuffifance fe'manifefte de toutes parts.
EUe exige bien que les officiers des forêts conseillent
les difpofitions judiciaires & adminiftrati-
ives qu’elle renferme, & qu’ ils foient inftruits d u
\ fait des e a u x & f o r ê t s (1). C ’eft c e f a i t d e s e a u x &
[forêts, cette matière, qu’ il eût été à defirer qu’elle
(fixât, ainfi que l’examen à faire des candidats,
j fur les fciences phyfiques & mathématiques utiles
à la fcience. Quant aux gardes, ces furveilians
continuels qui, par leurs obfervations, feroient
à portée de donner d’utiles renfeignemens aux
officiers fupérieurs, & de faire ou propofer des
améliorations raifonnées, s’ils avoient un certain
degré d’inftruétion, l'ordonnance exige feulement
qu’ils fâchent lire & écrire (1). Onfent toute
l’infuffifance de ces difpofirions, quoiqu’on doive
croire qu'il eft dans Tefprit de ce réglement, que
îles emplois ne foient réellement conférés qu’ à des
hommes inftruits.
Une autre caufe a , dans ces derniers temps ,
porté une atteinte funefte au defir de l’ inftruc-
■ tion, en même temps qu’ à l’émulation. Les emplois
fo re f iie r s furent exclufivement réfervés pour
récompenfer des fervices, bien recommandables
fans doute , mais qui n’avoient aucun rapport
avec le fervice f o r e f i ie r . Un ufage femblable s'é-
toit introduit en Pruffe ; il a été réformé par
une ordonnance du fouverain, qui, à fon avènement
au trône, déclara que les emplois feroient
conférés dans le feul intérêt des forets, &
non exclufivement à titre de récompenfe. Et en
effet, dit à cette occafion M. de Burgfdorf,
le fouverain d’un pays riche & fîoriffant manque-
t-il de moyens plus convenables & moins dangereux
j e récompenfer de fidèles fujets qui ont
paffé leur vie au fervice militaire ?
Il exifte un autre obftaeîe à l’amélioration de
& la loi du 28 feptembre 1791 veulent qu’on ai
vingt-cinq ans actomplis pour être admis à un em
;ploi f o r e f iie r , même à celui de fimple garde. ]
réfulte de cette difpofition, que la difficulté d’at
teindre un âge auffi avancé pour fe faire un état
détourne ceux qui auroient du goût & des difpo
fitionspourla partie foreftière, & qu’ il fe préfent
: lèvent, pour remplir les places, des hommes qu
des circonftances ont privés de leur première pi c
b). Titre Ier, article 16,
(3) Titre X , article a,.
& ticre I I , article
feffion, &r qui Ont par conféquent paffé une partie
de leur vie dans des occupations étrangères à
celles qu’ils embraffent. Or, il eft bien difficile à un
homme quiji’a aucune idée des fon étions dont il
fe charge à 25 , 30 & 40 ans, d’y acquérir de U
capacité. Il eft plus préfumable qu’il reftera étranger
, indifférent même aux connoiffances d’ un
emploi qu’ il n’à recherché que par befoin ou par
défoeuvrement ; Tes penfées fe reporteront toujours
fur fes premières occu; ations, car il n’appartient
qu’au zèle de la jeuneffe & à une é d u c a t io n
f p é c ia l e d’imprimer ce goût , cette paffion dû
m é t i e r , qui fait furmonter les premières difficultés
& embraffer toutes les parties de fon art. Il faut:
une activité d’efprit bien rare pour fuppléer à
cette condition.
La vérité j e ces’'obfervarions & leur appFca-
tion à la partie foreftière, ne peuvent être con-
teftées.
§. 3. — D e l a n ê c e jjt tê d e f o rm e r d e s f u j e t s p o u r l e s
e m p lo is f o r e f i i e r s .
Nous avons dit que le feul moyen de former
des fujets inftruits, étoit d’établir des écoles foref-
tières, parce que la pratique , fi elle n’eft bafée fur
les principes de la théorie, n’eft fouvent qu’une
routine & un tiffu d’erreurs , & nous avons vu
qu’ il exiftoit des écoles pour un grand nombre
de fervices publics, auxquels le fervice f o r e f i ie r
! peut être affimilé par fon importance & les connoiffances
qu’il exige.
Nous avons auffi rapporté les opinions de ceux
| qui ont combattu le projet de ces écoles. Us ont
dit qu’ il étoit de la nature de la fcience d’enfanter
des fyftèmes, & ils fe font appuyés de cette opinion
pour foutenir qu’en l’ incroduifant dansTad-
miniftration des fo iê ts , on y introduiroit à la fois
un efprit dangereux d’innovation, Us ont penfé r
' d’ailleurs, que les écoles foreftiéres pourroient
être fuppléées par les écoles ordinaires,, où l’on
enfeigne les fciences naturelles , les mathématiques
& le droit. Enfin, ils veulent que la- leélure
* des bons ouvrages f o r e f i i e r s , & un noviciat dans
; les forêts auquel on foumettroit les afpirans,
puiffent remplacer les cours publics.
Il eft facile de réfuter toutes ces opinions.
La fciçnce eft bien moins nuifible que l’ignorance,
dans tous les cas poffibles; fi elle s’égare
quelquefois , la voix de l’expérience & de la rai-
fon la ramène bien vite , tandis que l’ignorance
eft fourde , & que la préemption, fa compagne
ordinaire H applaudit toujours à fa marche.
Les.écoles publiques ne peuvent pas fuppléer
au défaut d'écoles foreftiéres, parce que les élèves
feroient obligés de parcourir un cercle beaucoup
trop étendu.. L’art du f o r e f i ie r ne fe compofe que
de quelques portions des fciences , & il faudroit,
pour les acquérir, fuivre des cours entiers dans
chaque genre.. D’ ailleurs, il n’y a point d’école