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but d'en établir la fynonymie & : d*en pouvoir apprécier
les avantages ou les défavantages, fous les
rapports de la qualité du vin, de Ton abondance, de
fa durée , fous ceux de la moindre aétion de la G e-
lee , de.la Plu ie , de la Séch eres se, & c. &c.
( v o y e ^ ces mots & celui C oulure.), pour enftiite
en aller faire l'application dans les vignobles de
toute la France.
Ayant été placé depuis à la tête de cet établif-
fement, j’ai mis tout le zèle dont j’etois capable,
à remplir le but de fa formation; mais après cinq,
à fïx années d’études opiniâtres, j’ai été obligé de
m’arrêter, par l’impofl'ibiiité de reconnc ître & de
redreffer, comme je l’avois d'abord cru les erreurs
fans nombre de la collection, de forte qu’a-
piès avoir étudié prefque toutes celles qui ont
fruCtifié, après avpir décrit, avec des incertitudes
continuelles fur leur nomenclature, cinq cent cinquante
variétés & en avoir fait figurer cent,
j’ai dû defirer aller fuivre leur étude dans les
vignobles mêmes, ce que j’ai d jà exécuté pour
les départemens du nord 6c de l’elt, ce que je vais
continuer, d’abord pour ceux du centre & du midi,
enfuite pour ceux du fui-oueft & de l’oueft.
La collection du Luxembourg renferme plus
de deux mille variétés ' de raifins, les doubles
emplois fous des noms diffévens pouvant être regardés
comme compenfés par les doubles emplois
fous le même nom. Je n’ ai pas encore vifité un
vignoble fans y trouver plufieurs variétés qui ne s’y
trouvent pas, parce que MM. les préfets , qui ont
été chargés d’ordonner les envois, fe font adreffés
à un feul propriétaire, & que chaque arrondifîe-
ment, même chaque canton, en contiennent qui
ne fe voient pas dans les autres.
Pour faciliter mon travail, j’ai compofé un tableau
fynoptique des variétés dont les caraCtères
ont été tirés, relativement au fruit : i°. de fa
couleur 5 1 ° . de fa foune ronde ou ovale; $°. de
fa groffeur, qui eft de plus ou de moins de quinze
millimètres de diamètre; 40. de/a faveur, qui eft'
fucrée, douce, âcre. Relativement aux feuilles,
qui font : i° . hériffées, ou cotonneufes, ou glabres
en deflbu5 ; 2°. très-divifées où peu divifées;
50. p anes ou bullées; 40. d’un vert foncé ou d’un
vert clair ; dont l’altération en rouge, en jaune &
en noir, ont lieu fous certaines lois; dont les
pétioles font ou tout rouges, ou tout verts, ou
ftriés dé rouge. Ces cara&ères, combinés les uns
avec les autres, me donnent moyen d’établir cent
cin.|uante-fix divifions, dans lesquelles fe placent,
d’ une manière un peu incertaine , à la v é r ité ,
toutes les variétés pofiîbles de railîn, & cil je puis
trouver, fouvent en peu de moméfls, celle de
ces variétés qui eft fous ma main.
Les caraCtères fecondaires qui entrent dans mes
defcriptions, font: i°. les bourgeons, c ’eft-à-dire,
les poulies de l’année au moment de la maturité
du fruit, époque où iis fe font plus ou moins co-
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forés, plus ou moins tachés-, où leurs noeuds font
plus ou moins écartés, où leur diamètre eft plus ou
moins considérable 2 0 . les grappes qui font cylindriques
ou coniques, fimples où accompagnées de
grapillons, roides ou pendantes, dont les grains
font ferrés ou écartés, font plus ou moins fujets à
couler, fe confervent plus ou moins long-temps
fans fe pourrir, & c . L’époque de la maturité des
grains, eft encore une confidé ration importante, y
ayant, dans le même lieu, une différence de plus
•ta’ un mois, de variété à variété.
J'ai publié le plan du travail ci-deffus, dans les
A n n a l e s a A g r i c u l t u r e , tom. XXXII.
Ce grand nombre de variétés , qui exiftent dans
les Vignobles de France, n’eft que la plus petite partie
de celles qui exiftent dans l’Univers; tous
les pays de vignobles fe comportant de même à
cet égard, à îaifon de ce q ue, ainfi que je l’ai
déjà fait v ir aux mots Race &c V ar iété, l’époque
où la culture de la v ig n e a commencé, fe
perd dans la nuit des. temps. Chaque femis qu’on
en fait donne des variétés nombreufes nouvelles,
& c e , d'après lés principes reconnus par Van-
Mons, de Bruxelles, 6c d’autant plus qu'on femtra
des pépins de variétés plus nouvellement acquifes
&r plus perfectionnées. Ce chimille a.ainfi obtenu
une variété de raifin que je n’ai point vue, mais
qu’ il annonce-être de là groffeur d’une forte prune
de reine-claude, mûrir dans la première quinzaine
d’août, produire beaucoup, & offrir un fuc
très-confiftant & très-doux.
Le raifonnement & l’expérience fe réunifient
pour faire croire que chaque variété, qu'on appelle
Plant, ou Cépage , tou C omptant ,
doit donner, lorfqu’elle eft cultivée avec d’autres
dans le même climat, à la même expofition, dans
le même terrain, par les mêmes procédés, un vin
particulier; cependant la différence des vins eft
prefque généralement attribuée , par les propriétaires
des bons vignobles, par les confommateurs
des villes, à celle des terrains & des expofi-
tions.
Sans doute cette opinion eft fondée fur ce que
certaines v i g n e s plantées en femblables variétés,
féparées des autres par un fimple fentier, donnent
du vin deux ou trois fois fupérieur. Je m’occupe
en ce moment de rechercher la caufe ou lés caufes
de ce fa it, & je crois être fu r ia voie , mais
il me faut encore bien des obfervations. avant de
pouvoir pre nonce r.
Un réfultat fur lequel on s’accorde aujourd’hui
bien plus qu’autrefois, quoique l’auteur des Géo-
poniques en reconnoifie J’exa&itude, c’eft que,
pour avoir du bon v in , il faut que le raifin foit
arrivé au plus haut degré de fa maturité; or,
chaque variété y arrive à une époque différente.
Ainfi, cultiver enfembie beaucoup de variétés,
fous prétexte que l’ une donnera une-bonne récolte
fi l’autre manque par la gelée, la couiure, & c ,, eft
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une pratique très-’vicieufe, quel«.) ’ ’e générale qu’elle
foit encore. Auffi, les bonnes v ig n e s de la Champagne
& delà Bourgogne font-elles exclufivement
plantées en pineau, une des variétés les moins
productives , mais la plus fucrée, la plus fufeep-
tible de mûrir au point convenable. On procède
de même dans que’qu.s vignobles du Midi.
* Je dis au p<dnt convenable ; parce qu'il eft de
fa:t que les fruits qui mûriflent les premiers &
ceux qui mûriflent les derniers, dans les climats
froids, font, moins fucrés que les autres. Dans ;
célui de Paris, il faut donc rejeter, pour la fabrication
du vin , |%s variétés de raifins qui ,
comme la magdèlaine, mûriflent au commence- .
ment d’août, 5s celles qui, comme le plant de
lune, ne peuvent être récoltées qu’ à la fin d'octobre.
L’ influence de la variété fur la qualité du vin ,
quoique niée, comme je l’ ai dit plus haur, par
les propriétaires des bons vignobles & par les con*
fommateuis, étoit îeconnue par Caton chez les
Romains, par Columelle chez les Arabes, par
Olivier de Serres chez les Modernes; tous les
vignerons des vignobles que j'ai vifités en font
pénétrés; suffi, partout, ces derniers préfèrent
les variétés tonllamment abondantes, aux bonnes
variétés, & plantent partout le gamet, qu’un ancien
duc de Bourgogne appeloic in f â m e , que la
ville de Metz faifoit jadis arracher des v ig n e s de fa
banlieue , par cela feul, à l’excellent pineau, déjà
cité.
Après la variété, le climat & l’expofitiôn, mais
feulement fous le ranport de la force du v in , font
les premiers à confidérer. En effet, c’eft la complète
maturité qui fait développer le fuc dans
le raifin > & cette complète maturité s’effe&ue
mieux dans les pays chauds, dans les expofitions
méridionales; de forte que le vin des v ig n e s de
ces expofitions contient plus d'alcool, eft plus
chaud , plus agiffant fur ceux qui en boivent, &
fe conferve mieux que celui de celles qui ne jouif-
fent pas de ces avantages. Cependant il y a des
bons vins à toutes les expofitions, comme le prouvent
ceux de la côre de Reims, ceux d’Eper-
nay, dans la Marne, & ceux des Arcures dans le
Jura, de S.iumur dans Maine & Loire , tous provenant,
dans des climats froids, de v ig n e s expo-,
fée? au nord.
Une très-grande quantité d’excellens vignobles
font à l’expofition du levant dans toutes les latitudes
de la France où ,1a v ig n e peut croître. Il
fuffit de citer celui de la Côte-d’O r , qui fournit
les vins de Bourgogne.
Il en eft également de très-eftima'bles à l’expofition
de l’oueft, tels que ceux de l’Etoile, de
Salins, de Poligny, d’Arbois, 8tc. & c . , dans U
Jura.
En général, |* puis certifier que je n’ai pas
vifité un feul vignoble d<î quelqu’ étendue, où je
a’aie vu , à toutes les expofitions, des v ig n e s don-
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nant de bons vins, quand on les comparoit à
d’autres provenant d’expofitions oppofées.
Les coteaux les plus rapides font ceux qui reçoivent
le plus directement, dans les pays du
Nord, les rayons du foleil; là , ils font donc à
p.'éferer pour la culture de la v i g n e , malgré que
les pluies en falient defeendre très-rapidement la
terre, ce qui oblige de la remonter de temps en
temps, & occafionne par conféquent une grande
augmentation dans fes frais de culture. J’ai vifité
des vignobles, tels que ceux de Bar-fur-Orna in ,
de Cerdon & d’autres lieux, dont rinclinaifoa
n’étoitquede do à 70 degrés à l’horizon, & où e
ne pouvois grimper qu’obliquement en me retenant
aux ceps.
• .Des abris dans les pays froids, de quelque nature
qu’ ils foienc, favorifent la culture de U
v i g n e .
J’ai Vu, fur les montagnes de l’île de Léon,
cultiver avec fuccès la v ig n e dans des efpèces’
d’entonnoirs évafés, creufés de cinq à fix pieds
de profondeur. On la^cultive, dans les environs de
Chartres, dans des folles analogues.
Lorfque l’entre-deux de* cal line s tournées au
levant ou au midi eft planté en v ig n e s , ces v ig n e *
étant abritées du vent du nord, de l’eft & d®
l’oueft, pouffent de meilleure heure & amènent
plus rôt leurs fruits à maturité.
Plus les vallées font profondes, & plus la culture
de la v ig n e peut fe prolonger du côté du
nord, comme le prouvent celles de laMofelle 6c
•du Rhin.
Il eft généralement reconnu que la partie
moyenne des coteaux donne le meilleur v in , 6c
cela, parce que les v i g n e s plantées dans le haut
font refroidies par les vents, & que celles plan-
tées dans le bas le font par les eaux qui delcen-
dent & s’accumulent autour de leurs racines.
Dans les environs de Paris, une plantation ferrée
favorife, au dire de M. de Jumilhac, la'maturité
des raifins, parce qu’elle rend l’air ftagnant
autour d’ eux. C ’eft tout le contraire plus au
midi.
Les terres légères & fèches, ainfi que les terres
noires, abforbent plus facilement les rayons du
foleil que les autres, & font par conféquent plus
propres à la culture de la v ig n e .
On vend plus cher, fur les bords du Rhin , les
v ig n e s plantées en terrain Volcanique . uniquement
pour cette dernière caufe. V o y e z ce mot.
Ces rayons de foleil accumulent dans la terre,
pendant le jou r, leur chaleur, laquelle remonte
dans l’air lorfque les nuits commencent à devenir
longues S c froides. C'eft cette chaleur qui fait
mûrir lçs raifins les plus bas placés fur les ceps,
plus tôt ou plus complètement que les plus élevés.
V o y e z Chaleur.
Mais la terre a une chaleur propre émanant du
foyer central (v o y e z T erre 6c V olcan), qui