
Je ne connois pas les vignobles de ces départen
t ns 5 ainfi je ne puis en parler avec connoiffance
de caufe.
Le d é p a r t em e n t d e l a G i r o n d e , qui fournie les
vins fi connus de Bordeaux, renferme plus de
100,000 hectares de v ig n e s .
Celles des environs de Bordeaux font divifées
en cinq cantons.
Les côtes, fituées entre les rivières, e n t r e d e u x
m e r s , comme on dit vulgairement, dont le fol
eft marneux, & où les variétés rouges & blanches
font mélangées. C e fontdë s v i g n e s b a jf e s ou v ig n e s
p l e in e s qu'on y voit.
Les Graves, où le fol eft graveleux, &: où on
ne cultive que des variétés à raifins rouges. C'eft
la culture en treille haute qui y eft préférée.
Le Médoc, où le fol eft également graveleux,
&■ où les variétés à raifins rouges font encore préférées.
C ’ eft la culture en treille baffe qui feule y eft
connue.
Les Palus , produits par l’alluvion des rivières, '
dont le fol eft une argile furchargéé de fable, &
où on cultive également des variétés rouges &
blanches. Ce font des v ig n e s hautes & en j o a l l e s §
qui s’y trouvent.
Dans ces quatre cantons, les vignerons font
dans laperfuafion qu'il eft utile de cultiver beau- i
boup de variétés pour avoir du bon vin ; feulement
ils plantent celles dont la maturité eft précoce
en terrain froid, & celles dont la maturité*
eft tardive en terrain fec. Je ne fuis pas de leur avis,
dans le premier cas , mais bien dans le fécond.
Les boutures fimples, appelées a r t e s & f l è c h e s ,
font préférées dans le vignoble d e s c ô t e s ou d 'e n t r e
d e u x m e r s y aux crocettes & aux chevelus, & on ■
les fiche en terre à trois ou quatre pieds de dif-
t;nce, au moyen d'un plantoir. On en met en
même temps un certain nombre en pépinière
pour remplacer, l’année fuivante, celles des premières
qui ont manqué.
Le plant provenant de ces dernières s'appelle
b a r b e a u .
Il ne faut pas économifer les labours aux v ig n e s
nouvellement plantées, parce qu’ ils les fop.tprof-
pérer. On les taille à un ou deux yeux.
Une v i g n e faite qui offre des places vides, eft j
regarnie, ou avec des boutures, ou avec du plant
enraciné, ou en couchant les ceps entiers (pro- :
v in s) , ou un de leurs farmens (marcotte), & on
la fume abondamment. Lorfqu’elle ne produit
plus fuffifamment, on l’arrache.
D é b a r d e r l a v i g n e , c’ eft couper fes racines fuper-^
ficielles. Cette opération fe fait tous les cinq ans,
& eft toujours accompagnée d’ un apport de terre
ou de fumier à fon pied.
Les marchands de vin fe plaignent de l'exagération
avec laquelle on fume aujourd’hui les
v i g n e s aux environs de Bordeaux.
On M a r n e auffi de loin en loin.
Ne tailler la v ig n e que lorfque la fève entre en
mouvement, la préferve fouvent des dernières
gelées du printemps, en retardant, par la perte
de fa fèv e, le développement de fes bourgeons j
mais quelquefois auffi on*empêche les raifins d’arriver
à complète maturité, car par-là on affoiblit
les ceps.
Lorfqu’ on ne laiffe que deux ou trois yeux au
farment taillé, .on l'appelle c o t e ; quand on en
conferve davantage, c’ eft un t i r a n . Dans le dernier
cas, lorfqu'on courbe un farment dans un
feul fens, c'eft un a r t e , & en plufieurs, une t ir e t t e .
Chaque fois qu'il fort un bourgeon de la fouche,
on le conferve pour rabaiffer la fouche immédiatement
au-deffus.
On aime mieux faire un trou en terre pour
placer une grappe trop baffe, que d'élever les
fouches, parce qu'il eft de fait que plus elle eft
près de terre, & mieux elle mûrit, & meilleur eft
le vin qu'elle donne.
Il y a beaucoup de v ig n e s qui rampent.
C'eft la f o l l e b la n c h e qui domine dans ce vignoble
, mais on y voit auffi le f e m i l t o n , la m ù f c a -
d e l l e y le p r u n e la & le h la n c -v e r d e t .
Le vignoble de Saint-Emilion , qui donne
des vins rapprochés de ceux de Bourgogne, fe
cultive comme celui d’entre deux-mers, ainfi que
j’ai pu m'en affûter en allant de l'un à l’autre.
Les plaines hautes des côtes font plantées en
joalles de deux rangs, avec des intervalles de fix
pieds. Les ceps font écartés de trois à quatre
pieds, & on ne les laifte pas monter de plus de
deux.
On taillé ces ceps fur un ou ou deux.yeux, &
on leur donne un ou deux artes, félon leur force.
Ces v ig n e s fe labourent profondément & fe
binent deux ou trois fois.
Du refte, leur culture ne diffère pas de celle
des côtes de l'entre deux mers dont je viens de
parler. |
Les v ig n e s baffes des côtes , remarquables par
leur grand produit, fe voient fur le bord de la
rivière, près Saint-Macaire. Elles.font en joalles,
dans deux ou trois rangs, après lefquels ie laiffe
un intervalle qui fe cultive en céréales & en
légumes.
Les ceps font plantés à la barre, efpacés de trois
à quatre pieds, élevés d'autant, & fouterius par
de forts échalas du double de hauteur. .
A la taille on leur laiffe plufieurs côtes, plufieurs
artes, & aux vigoureux des t i r e t t e s de neuf à
quinze pieds de long, & qui vont s’attacher à des
échalas plantés dans les efpaces vides.
Le refte de la culture ne diffère pas de celle des
côtes.
A la vendange, les raifins fe portent dans la
cuve, & . lorfque la fermentation a ceffe, on tire
le vin pour fouler les marcs, puis on remet le vin
qui fermente de nouveau. Ces vins font plats, ce
qui n'eft pas difficile a croire, mais leur quantité
eft de vingt-huit barriques par arpent métrique,
& la culture d e f v i g n e s qui les fourniffent ne oQilte
qtie cent cinquante francs.
Le v ig n o b le d u M é d o c eft généralement placé fur
des pentes douces peu fertiles. Il offre ,■ à un ou
deux pieds de profondeur, une pierre ferrugineufe
appelée, a l t o s , qui gêne beaucoup dans les plantations.
Les ceps font plantés à la b a r r e ( c'eft-a-dire,
comme les précédens, avec un plantoir), efpacés de
deux ou trois pieds, & rigoureufement alignés.
Iis font tenus très-bas ( dix à douze pouces)
fur deux bras inclinés dans le fens des lignes,
auxquels on laifte de deux à huit yeux, dont les
bourgeons confetvés font attachés à des perches
appelées la t t e s , fixéés à des pieux appelé c a r a jf o n s ..
A in fi, chaque rang forme un contr’efpalier auffi
long que la pièce.
Les labours , au nombre de quatre, fe font avec
l'araire attelée de deux boeufs Dans le premier,
on déchauffe les ceps, & la terîè reftée ^n arrière
eft enlevée à la houe. Au mois d’avril on reporte la
terre fur leurs racines} deux autres fe font de
même, mais auparavant on a ébourgeonné ( é p a m -
p r é ) avec rnefure, & attaché les bourgeons confer-
vés contre la latte, fans cela les boeufs ne pour-
roient pas paffer. On ramaffe le chiendent, qui eft
toujours abendanr.
Le c a b e rn e t eft la variété la plus cultivée dans
le Médoc, celle qui donne la fupériorité à fes
Vins.On y voit auffi le c a rm e h o t , le p e t it v e r d o t , le
m a n im , le m a lb e c , la c a rm é n è g r e , Y e m b a lo u ^ a t , la
p a r d e ou o e il d e p e r d ’ i x &.la p i l e a v e n i le . Cette dernière
eft la plus mauvaife.
On égrappe plus ou moins dans ce vignoble,
félon le degré de maturité.
Le produit de ces v ig n e s eft d'environ fix barriques
par arpent métrique. Leur culture & la fabrication
du vin s'élèvent à 4PP francs, également
par arpent métrique. Les pampres font coupées au
tiers de leur longueur, après la vendange, pour
être donnés aux beftiaux, foit verts, foit fecs.
Les vins de Lafitte, de Château-Margau'x, font
les vins les plus eftimés de ceux du Médoc.
Dans le v ig n o b le d e s G r a v e s , les ceps font placés
Irrégulièrement, & à trois ou quatre pieds les ans
des autres, fur 'des billons de quatre à cinq mètres
de large. Ils ne s’élèvent qu'à deux pieds, &
font pourvus de deux, trois, quatre bras, auxquels
on ne laiffe qu’un cot lorfqu'ils fontfoibles,
mais qu'on charge d’artes lorfqu'ils font vigoureux.
On labour*, bine & ébourgeonne comme dans
l’entre deux mers.
Les variétés de raifins qui s'y remarquent, font :
la g r a n d e S i la p e t it e v i u d û r e , la v iu d u r e f a u v i g n o n e ,
Y e jl r a n g e y & l’ e n r a g e â t n o i r .
Les vins du Haut-Brion font les plus eftimés de
ceux des Graves.
Le produit moyen de ces v i g n e s eft de douze
barriques, & leurs frais de culture de deux cent
cinquante francs, le tout par heélare.
L’humidité étant le plus grand ennemi des
v ig n e s des Palus, celles qui font expofées prefque
au nord font les plus recherchées, parce qfte
c'eft lé vent de ce côté qui eft le plus deffechant.
Avant de planter une v i g n e , on laboure le loi
& on le divife par des rigoles écartées de cinq
pieds, plus ou moins profondes, pour favorifer
l'écoulement des eaux.
On plante dans de petites foffes avec du plant
enraciné.
Les ceps y font difpofés en quinconce & efpacés
deux pieds. Leur végétation eft prodigieufe.
On les tient à la hauteur de trois pieds, & on
leur, laiffe trois bras, dont les deux latéraux font
inclinés, & l ur taille fe fait fur deux farmens,
auxquels on conferve fept à huit yeux.
Les bourgeons font attachés à de forts échalas..
On donne trois binages peu profonds.
L'ébourgeonnement fe fait au moyen d un
croiffant, c'eft-à-dire , qu’on tond les bourgeons
comme une charmille.
Les vins des Palus ont beaucoup de corps & de
couleur. Ils s’améliorent fur mer. Les principales
des variétés qui les fourniffent, font : en rouge,
le v e r d o t } le b e lo u ^ e t & le m a n c e in y en blanc, le
b la n c a u b a , X e f e m i l lo n , le f a u v i g n o n , la b la n q u e t t e ,
le c h a lo j f e , la m a l v o i f i e , la c o jf e -m u fq u e t t e ou m u f -
c a d e l l e .
On preffeles marcs pour en faire de la piquette.
Le produit moyen de ces v i g n e s eft dix-huic
à vingt-barriques par arpent métrique, & leur
culture coûte deux cent cinquante francs, même
rnefure.
Queries eft le feul canton des Palus qui produire
du vin recherchée
Les vignobles de S a n t e r n e , de B a r % a c , de P r e i -
g n a c & de L a n g o n , qui produifent de fi excellens
vins blancs, font fur la rive gauche de la Garonne,
à quelques lieues au-deffus de Bordeaux. Je n’ai
point de renfeignemens fur leur culture, mais
mon malheureux ami Genfonne, qui y poffédoic
quelques v i g n e s , m’a rapporté qu'on ne les ven-
dangeoit que lorfque le rajfin étoit arrivé au
dernier degré de maturité, qu'on prenoit les
foins les plus minutieux pour la fabrication du
vin , & qu'il étoit rare que fa vente payât fes frais.
Les vins communs de Bordeaux , qu’on offre fur
toutes les tables du Monde où il y a des Européens
, font compofés avec ceux des Graves , des
Palus, des côtes, mélangés avec ceux, plus
chauds, de Bergerac , de Clairac, d 'Auch, &c.
Que d’argent ils amènent en France!
On diftille auffi beaucoup de ces vins, dont on
vend les produits fous le nom d ’e a u - d e - v i e d e
C o g n a c . 7
Il fe trouve près de 19,000 hectares de v ig n e s
dans le d é p a r t em e n t d e s L a n d e s , qui, à quelques
cantons près , produifent du vin médiocre. C'eft
en hautins qu'on les cultive le plus ordinairement.
L ’infériorité de ces vins, au refte, eft compenfée