
On peut choisir en tre ces versions d iv e rse s; mais
quelle que soit celle que l’on adopte, il faudra reconn
a ître une époque de dépopulation produite soit par
la stérilité d ’un sol dénudé, soit p a r le refroidissement
successif de la tem p ératu re, suivi d’une période de glace
p endant laquelle la neige, couvrant la te rre , y a rrê ta it à
la fois la vie végétale et la vie animale ; soit enfin par
l’inondation produite p a r la fonte de cet amas glacé et le
long séjour des eaux su r un fond durci p a r le froid.
Si l’on ne croit q u ’à un cataclysme unique, on pourra
d ire que les p rem iers flots du to rre n t ayant entraîné
to u t ce qui se tro u v a it su r la superficie et en ayant formé
le premier banc, c’e st-à -d ire le plus profond, celui des
gros silex, des os et des haches, le second devait n a tu rellement
en être dépourvu ou en co n ten ir moins, et le
troisième et le quatrième n ’en plus contenir du tout.
C’est, en effet, ce qui a rriv e à Menchecourt, à P a ris et
d an s tous les bancs analogues. Néanmoins à l ’aspect du
te rra in , on comprend dificilement que les couches a rg ileuses
et limoneuses et plus encore celles de silex et de
craie roulée aient pu être formées p a r la même eau qui
a déposé su r la craie les gros silex, les gros os et les
haches, c a r ces gros silex, ces os, ces haches si peu
fatigués et su rto u t ces coquilles fluviales encore entières
semblent av o ir été mis là p a r une eau presque calme, si
même ces coquilles ne sont pas nées su r place ; tandis
que les couches supérieures d ’argile, de limon, de silex
brisés, de craie roulée, n ’ont pu y être poussées que
p a r un co u ran t impétueux et venant de loin.
Mais qu’il y ait eu, comme nous l’avons dit, une période
glaciale accompagnée de neige et suivie d ’avalanches
et de to rre n ts ; que ces to rre n ts a ien t été impétueux ou
d’une rap id ité moyenne et la stagnation des eaux qui
leur a succédé plus ou moins longue, il est c ertain qu ’a-
près ce g ran d bouleversement qui a non seulement formé
de nouveaux b an cs, mais creusé des vallées et élevé des
collines, ce sol, inondé dans ses bas-fonds et dépouillé,
sur les pentes, de ses végétaux et même de sa te rre végétale,
a dû être in h ab itab le p endant un temps bien lo n g :
on sait combien il en faut pour la reproduction de
l’humus, notamment su r les coteaux et les sites élevés.
Ce sont les déjections de quelques oiseaux de passage
et les dépôts insensibles de la poussière atmosphérique
qui rép an d en t, su r la superficie arid e, les premiers éléments
de végétation et fournissent les moyens de se
développer à ces germes répandus dans l’a ir, à ces lichens
dont les d é tritu s vont former le g rain de te rre au qui
donnera naissance à la première m ousse, puis au premier
brin d ’h erbe. Mais de ce g rain à la masse nécessaire pour
faire c ro ître un chêne, il y a loin encore.
Ici, l’absence des végétaux explique celle des a n imaux
(1).
(1) Les eaux douces et salées ont été, je n’en doute pas, habitées
bien longtemps avant la terre; et ceci parce que la végétation
sous-marine et sous-lacustre a commencé avant la végétation
terrestre. Toutes les matières solaires ou atmosphériques propres
à constituer un dépôt fécond ont d’abord été entraînées pai les
eaux, et ces eaux elles-mêmes contenant une substance nutritive
ou productrice ont eu aussi leurs dépôts. 11 y a donc eu des
plantes fluviales et lacustres avant les plantes terrestres, et des
forêts sous-marines avant nos forêts de la terre, dont, sous les
eaux, nous retrouverions, si nous cherchions bien, les germes
primitifs, comme on y retrouve les types originels de tous nos
mammifères.— La tourbe a ainsi précédé l’humns, et avant la