
CHAPITRE IX.
A. LE CIEL. — TIVIIS.
a) C o n c e p tio n e t a t t r i b u t i o n s d e T i v u s c h e z le s S c y th e s .
§ SB. Conception du dieu Tivus. — Lorsque les peuples
primitifs, qui, eu se différenciant et en se séparant de leur souche
commune, ont formé plus tard les membres de la famille iafétique,
ne s’étaient pas encore spécialisés, mais ne formaient encore qu une
seule et même nation de nomades et de pasteurs, ils adoraient
tous le ciel, l’objet physique principal qui frappait sans cesse leurs
regards, attirait leur attention, la nuit comme le jour, par ses
phénomènes merveilleux et sublimes, et leur inspirait, par ses
influences bienfaisantes, l’idée et le respect religieux d un Être
surhumain, puissant et généralement bienveillant. Dans l’origine,
on ne concevait un dieu, objet de la nature physique, autrement
que comme un être vivant (gr. zôon, animal), doué d une puissance
surhumaine, et ayant précisément la forme qu’on lui voyait dans la
Nature. Comme le Ciel n’avait pas de figure humaine, on ne put le
concevoir d’abord que comme un animal gigantesque, comme un
dieu zoomorphe. Ce qui frappait surtout à la vue de ce dieu ioo-
morphe, c’était le soleil, la lune et les étoiles, qui en étaient les
ornements brillants. Or, comme, dans l’origine, ces astres n’étaient
pas encore considérés eux-mêmes comme des êtres vivants divins
ou comme* des divinités distinctes du dieu Ciel, mais seulement
comme des parties intégrantes ou'comme des ornements de-ce
dieu, l’idée caractéristique primitive, dans la conception du Ciel
comme dieu, était naturellement l’idee de Brillant, et par conséquent,
le mot par lequel on désignait le dieu Ciel, signifiait proprement
Brillant (Tivus)1. Les Scythes et leurs descendants ont
1 D’après ses éléments-consonnes, le th èm e T a V a signifie r é p a n d r e , repeindre
de la lu m iè r e . Voilà pourquoi en seythe Tavus- (cf. Targiiawus) signifie r é p a n d
a n t de la lu m i è r e , b r i l la n t ; cf. gr. ta ô s (p. ta v o s , brillant, p a o n ) . Comme la
voyelle radicale a détermine la signification a c tiv e e t la voyelle radicale i la signification
p a s s iv e au neutre (voy. P o èm e s i s l., p. 377), le thème T iV a , déjà
grammaticalement plus déterminé que T a V a , exprime l’idée de ê tr e b r illa n t.
T iv u s signifie donc q u i e s t b r illa n t, et c’est la la forme p r im iti v e par laquelle
on a désigné, dans l’origine, 1 e rC ie l. Plus tard les Hindous ont changé eu p h o -
gardé, le plus longtemps de tous les peuples iaféliques, le nom de
Tivus sous sa forme primitive, et plus tard seulement, sans doute
au troisième siècle après notre ère, les Germains méridionaux,
lorsque leur idiome eut subi l’influence de celui des Keltes(v. § 81),
ont changé le nom de Tivus en celui de Ziu.
§ 90. lit* Ciel fl*! as vieux ou Orageux ; Tivus Pirku-
nis. — Le berceau primitif des peuples iafétiques se trouvait sur
le plateau au sud de celui qui est appelé aujourd’hui le Turkestan.
Comme l’air y est généralement chaud et sec, ces peuples comptaient
parmi les principaux bienfaits du dieu Ciel, la pluie qui arrose
et féconde la terre, le vent qui rafraîchit et purifie l’air, et l’orage
qui amène à la fois la pluie et le vent. Aussi le Ciel était-il adoré
comme Père de la pluie, du vent et de l’orage. Comme Père de
l’orage qui amène la pluie fécondante, le Ciel fut surnommé Pluvieux
ou Orageux; et ce qui prouve qu’il avait déjà ce nom lorsque
les peuples iafétiques ne s’étaient pas encore différenciés les uns
des autres, c’est que sortis du berceau primitif ces peuples ont
conservé ce nom, chacun dans sa langue respective. En effet, chez
les Hindous ce nom se retrouve dans celui de Pardjanias (Pluvieux,
Orageux), qui plus tard est devenu l’épithète du dieu du ciel Indra;
chez les Kiméro-Keltes, c’est le nom de Vercunus ou Tarcanus ou
Taracnus (v. p. 161)1 ; chez le Grecs, c’est celui de Keraunos (p.
niquement T iv a s en D ia u s (p. D iva s), les Grecs en Z e v s (p. DiEs), les Latins en
Dius (cf. D iu - p a te r , Ciel-Père, J u p i te r ; su b d iu ) , et les Scythes en T iv u s . Hér
o d o t e , qui donne les nom's s c y tK e s 'de toutes les divinités scythes, avec leurs
équivalents grecs, ne donne cependant pas le nom de T i v u s , mais seulement
l’équivalent Z e v s . Évidemment il connaissait le nom seythe T iv u s .et il en reconnaissait
parfaitement l’identité avec Z e v s ; mais, initié qu’il était aux Mystères,
il ne voulait pas énoncer le nom seythe de T i v u s , de peur qu’on ne prît
Zevs pour un dieu em p r u n té aux Scythes.
1 Dans la race k a m a r e , les tribus de la branche k im r iq u e préféraient, dans
les mots, la consonne initiale la b ia le et les tribus de la branche g a é l iq u e , la
consonne initiale g u ttu r a l e . Ex. armoricain p em p (cinq), gaël. c u ig . Aussi dans
l’idiome de la branche k im r iq u e , le nom du Ciel pluvieux ou orageux avait-il la
forme de V e r c u n u s ou B e r e c u n u s , et dans l’idiome de la branche g a é liq u e il
avait les formes de T a r c a n u s , D e r k u n u s , T a r a c n u s , T a r â n u s .. Les Grecs, qui
étaient en rapport avec les Kimro-Keltes, ont adopté d’eux le nom de V e r c u n u s
qu’ils ont changé en I l e r k u n o ÿ , sans s’apercevoir que c’était le même mot que
le grec k e r a u n o s . Les Sicanes ou Sicules, qui étaient d’origine lig u r e (voy. L es
Peuples p r im iti fs , p. 32), ont adopté des Kimméries Pélasges le nom de V e r c u n
u s qu’ils ont changé en H e r c u n u s , V irg u lu s et H e r a k u lo s . Ce dernier nom a
passé aux Latins (H e r c u le s ) et aux Grecs (H é r a k lè s ). De V e rg u lu s dérive sans