
existait probablement depuis bien longtemps quand le
torrent diluvien vint balayer tout ce qui couvrait la superficie.
Il n’entraîna pas d’hommes, puisque leur race
s’y était éteinte et que leurs ossements même, épars sur
la terre, y avaient été décomposés par l’effet alternatif
du soleil et de l’humidité, ou broyés sous les pieds des
colosses qui la foulaient sans cesse. Mais sur ce sol restaient
d’autres traces de ces hommes, et celles-ci avaient
résisté aux saisons et aux pieds des mastodontes comme
à la dent des carnassiers : c’étaient ces mêmes haches,
ces mêmes outils, ces mêmes signes en silex, témoignage
du long séjour qu’y avaient fait ces peuples morts depuis
si longtemps.
Ce que je dis ici des Gaules et spécialement de notre
pays, je ne prétends pas l’appliquer à la terre entière ;
dès-lors je n’en maintiens pas moins ce que j’ai avancé
ailleurs, qu’on trouverait un jour quelque immense dépôt
de débris humains. Remarquez bien que dans les grandes
crises, l’instinct de presque toutes les créatures d’une
même espèce est de se réunir en troupeaux et de subir
un sort commun, comme l’ont prouvé ces plaines jonchées
d’os d’éléphants et ces collines composées de ceux
de deux ou trois autres familles.
Ces vastes ossuaires ont dû se former de deux manières
: les uns par l’effet d’un cours d’eau chariant des
débris d’êtres morts ailleurs; les autres par l’entassement
subit de leurs cadavres tombés à l’endroit même où
nous les retrouvons, frappés par une cause imprévuç,
ensevelis sous la neige ou les sables soulevés par la tempête,
ou tués par une trombe ou un courant électrique,
enfin morts de soif ou de faim, comme ces caravanes
dont le Sahara nous offre trop souvent les tristes restes.
De toutes ces causes, quelle est celle qui a détruit ces
grandes espèces dans les Gaules ou qui les a forcées à
émigrer? C’est ce qu’une étude approfondie pourra nous
révéler un jour. Mais ne nous arrêtant ici qu’aux faits
locaux et à nos dépôts ossifères de Menchecourt et de
Saint-Acheul, tout annonce qu’ils se composent de débris
d’animaux ayant vécu à peu de distance des lieux où
l’on retrouve leur charpente osseuse, et qu’ils furent engloutis
sinon vivants, du moins encore en chair, comme
l’indiquent ces agglomérations sabloneuses imprégnées
d’une sorte de gélatine qui les a solidifiées et qui doit
provenir de la décomposition des parties charnues dont
elles rappellent les contours.
D’un autre côté, si l’on considère leur pêle-mêle dans
un pnême lit de sable avec des silex bruts et taillés offrant
un même état de frottement ou de conservation, on ne
peut guère douter qu’os, haches et cailloux aient été entraînés
ou déposés ensemble dans la position où on les
trouve.
Jusqu’ici tout est clair et, sur ce point, la question
semble résolue; mais on pourrait demander si les hommes
qui ont fait les haches vivaient encore lorsque les éléphants
dont on trouve les os furent engloutis, et si les
haches charriées avec les silex bruts et qu’on ramasse
avec eux dans les bancs, n’étaient pas aussi anciennement
sur le sol que ces silex mêmes, c’est-à-dire depuis
le jour où les unes et les autres furent jetés là par suite
d’un premier cataclysme? Ceci présente quelque probabilité
quand on reconnaît que, taillés ou non, tous ces
silex ont la même teinte, que leurs angles ont subi les
mêmes chocs, et qu’on peut distinguer sur un certain
nombre, à travers la couleur due au contact du sable di