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Les membres d’une tribu étaient donc originairement unis entre
eux par les liens de la parenté, laquelle se perdait naturellement
de plus en plus, à mesure que la tribu s’agrandissait. L’ensemble
des tribus formait la Nation (scytb. lavili; germ. lent), dont les
membres, appelés Tivuthides ou Teuliskes (v. p. 75), avaient pour
preuves de leur commune origine, des moeurs, une religion, des
Les différences sociales qu’on remarqua plus lard dans la nation,
provenaient de celles qui s’étaient déjà manifestées dans les
tribus. C’est ainsi, par exemple, que la différence qui s’établit
entre les Nobles et les Hommes libres, ne provenait, dans l’origine,
ni de la convention, ni de la violence, ni de la ruse, ni de la supériorité
morale et intellectuelle des premiers sur les seconds; mais
elle était le résultat, sinon rationnel, du moins naturel, de l’extension
et de la continuation de l’ordre hiérarchique tel qu’il était
établi et observé dans la famille. En effet, de même que le père
était le maître des enfants, et que les frères aînés étaient les supérieurs
de leurs frères plus jeunes, de même aussi les familles les
plus anciennes de la tribu, issues des frères aînés (cf. lat. majores
gentes), jouissaient d’une plus grande autorité que les familles plus
jeunes ou issues des frères cadets (lat. minores gentes). Le rapport
des Nobles ou patriciens aux Hommes libres ou plébéiens, était
donc, dans l’origine, un rapport d’autorité, de tutelle et de protection,
comme celui qui existait entre le père et les fils. Mais ce rapport
purement moral mit peu à peu entre les mains de la Noblesse
les distinctions, les richesses, et par conséquent tous les moyens
d’exercer le pouvoir, et par suite l’oppression. Car d’abord, quant
aux distinctions, les chefs des plus anciennes familles nobles devinrent
également chefs de tribus (Hérod., IV, 66; gr. nomarchoi-,
skeplouchoi ; norr. hofdingiar), et comme tels ils devinrent aussi
quelquefois chefs de bande ou de troupe (norr. fylkir), et chefs dans
la guerre (si. wojevoda) ; enfin, comme ils rattachaient leur famille
à quelque souche divine (v. p. 80), ils devinrent, comme descendants
des dieux, encore chefs des affaires religieuses (Dtar, divins)
et juges (v. Jornandès : judiees — reges) dans les affaires judiciaires.
Quant aux richesses, les Nobles avaient toujours l’avantage de leur
côté, car la propriété terrienne étant en proportion avec le nombre
des manoirs (v. p. 94), les anciennes familles nobles, qui avaient de
grands et de nombreux manoirs, reçurent, dans les partages qui
se firent, un bien plus grand nombre de „lots que les petites familles'
plébéiennes. Il s’établit donc une différence sociale, de plus en plus
tranchée, entre les Nobles et les Hommes libres; et à ces deux
classes qui formaient la société, vint se subordonner une troisième
classe qui était celle des serfs.
e) Les Serfs, les Hommes libres et les Nobles.
§ 6®. €>i*igii»e et comlition tles serfs. — Chez les Scythes
et leurs descendants, les serfs', ne faisant point partie de la famille,
n’appartenaient par conséquent non plus à la tribu, ni à la nation;
c’étaient des étrangers qu’on avait achetés ou enlevés, ou des prisonniers
de guerre qu’on n’avait pas voulu sacrifier ou dévouer
(v. § 18), mais qu’on avait épargnés ou réservés (cf. lat. serons,
sauf, épargné; sansc. sarvas, sauf, entier; lat. salvus; gr. holos),
pour le service (lat. servire, dérivé de servus) des Hommes libres
et des Nobles. Les serfs, n’étant pas des Hommes libres ou domiciliés(
manants), n’étaient pas non plus 'propriétaires; ils étaient, au
contraire, propriété, et comme telle à la discrétion des maîtres.
Les Scythes nomades avaient l’habitude cruelle d’aveugler leurs
serfs (Hérod., IV, 2), afin, disaient-ils, qu’ils ne fussent pas distraits
dans leurs travaux, pour lesquels, d’ailleurs, à ce qu’on prétendait,
ils n’avaient pas besoin de la vue. Mais le véritable motif de celte
mutilation barbare était d’empêcher la fuite ou la révolte de ces
esclaves. Cet usage atroce cessa complètement, ou du moins fut
fort restreint chez les Scythes agriculteurs, dont les serfs, employés
aux travaux des champs, n’auraient pu s’y livrer s’ils
avaient été privés de la vue. Cependant asservir et aveugler étaient
deux choses si étroitement liées dans des idées des Scy thes que, dans
leur langue, fils d’aveugle était synonyme d’esclave (Hérod., IV, 20);
et chez les peuples de l’Asie occidentale, qui peut-être, en cela,
ont été les imitateurs des Scythes, les rois vainqueurs faisaient
aveugler les princes vaincus, afin d’indiquer par là, d’une manière
symbolique, qu’ils entendaient faire d’eux leurs esclaves. Ainsi, Nébu-
kadnézar, le roi des Chaldéens, fit crever les yeux au roi Zédékiah
après l’avoir fait charger de chaînes (<Jérêm., 5, 2, 11). L’histoire
des Perses et des Persans présente surtout de nombreux exemples