
CINQUIÈME PA R T IE ,
les Romains, les Gèles delà Mysie immolèrent un cheval devant leur
armée et jurèrent de sacrifier à leurs dieux le général romain qu’ils
espéraient faire prisonnier (Florus, 2, 26).
§ 18©. lies Compotations. — Les Scythes et leurs descendants
faisaient toujours le plus grand cas des sacrifices sanglants.
Cependant, comme tout festin consistait non-seulement dans le
manger mais encore dans le boire, on faisait aussi des sacrifices de
boissons ou des libations (v. Lucien, Toxaris, 45), Comme les Scythes
et leurs descendants étaient de grands buveurs, au point que les
Grecs, pour dire boire beaucoup, disaient boire comme un Scythe
(Arist. Probl., III, 7; Anakr. Ode, 55), les festins ou Repas de sacrifice
dégénérèrent facilement en banquets appelés Compotaiions
(norr. dnjkkior). Ces Compotations avaient lieu principalement à la
Grande fête de l’année, c’est-à-dire à la fête du Solstice d’hiver ou
à la fête de la Roue ou du Char (cf. slav. koli, char; norr. hiul,jul,
Noël). C’est à celte fête que les Nomarques scythes ou les Chefs de
district donnaient des festins à leur Prince, comme le faisaient plus
tard encore les larles elles tfmesjscandinaves. Dans ces festins on
faisait une grande consommation de vin (Hérod., IV, 66; VI, 84);
et les femmes y prenaient part comme elles le faisaient plus tard
encore chez les Scandinaves (Strabon, XI, c. 8; Plat., De Legibus, 1,
c. 9). Dans les Compotations qui accompagnaient les Sacrifices aux
grands jours de fête, les Nobles scythes, comme plus tard les Nobles
Scandinaves, avaient 1 habitude de boire, à la mémoire de leurs
pères, ce qu’on appelait la Rasade commémorative (norr. minnis-
full) et de faire des voeux solennels, soit de subir telle ou telle
aventure périlleuse, soit de vaincre ou de tuer quelque ennemi
redoutable, soit enfin d’apporter au roi la tête ou le scalp (Svidas,
s. v. aposkulhizeïn) de leur ennemi vaincu (cf. Florus, 2, 26), afin
d acquérir ainsi, selon 1 usage des peres, le droit de participer au
butin qu on faisait dans 1 année (Herod.,. IV, 64). Enfin pour que
tout dans ces festins a la fois religieux et guerriers rappelât les
combats et les exploits, on aimait surtout boire, à cette occasion,
dans une tasse (norr. skala) faite du crâne (cf. ail. Jiirn-sc/ia/e) de
l’ennemi qu’on avait vaincu et tué (v. p. 112).
§ 181c lies C o n sécratio n s. — Les Consécrations différaient
des Sacrifices en ce que dans celles-là les victimes immolées n’étaient
pas des animaux mais des hommes, parce que ces victimes
humaines étaient immolées, bon pour servir de repas au Dieu-hôte
et'aux gens de la tribu assistant au sacrifice, mais afin que ces
hommes, ainsi dévoués ou consacrés, après avoir été mis à mort,
pussent aller au ciel auprès de la Divinité pour entrer à son service
ou pour lui porter quelque message. Ces Consécrations tenaient
donc, d’un côté, de l'Offrande, en ce que la victime humaine était en
quelque sorte un don fait à la Divinité dans la personne d’un nouveau
serviteur, venant se joindre, au ciel, à ceux qui 1 y avaient
déjà précédé; d’un autre côté, elles ressemblaient, extérieurement
du moins, à des Sacrifices, parce que l’homme qu’on dévouait ainsi
à la Divinité pour être son serviteur dans l’autre monde , était mis
à mort comme les victimes immolées dans un sacrifice. Ces Consécrations
étaient usitées dans l’Antiquité chez tous les peuples qui
croyaient à la continuation de l’existence après cette vie (cf. Ezé-
chiel, 39, 18 ; Bhagavat-Pouranam, éd. Burnouf, II, p. 281); elles
étaient en usage chez les Scythes, et se maintinrent encore plus tard
chez les, Gèles et chez les Scandinaves. Comme elles étaient des
actes religieux, elles eurent lieu ordinairement aux grandes Fêtes
nationales (Hérod., 1,216 ; Mêla, 2, 1 ; Solin, 15, 2, 3). C’est probablement
à la fête du Solstice d’hiver ou à la Fête de la Roue que
les Scythes consacraient au Dieu du soleil ou au Dieu de la guerre
(Kaizus, v. p. 157), quelque prisonnier désigné par le sort parmi
ceux qu’on avait pris dans le cours de l’année , et dont ordinairement
un sur cent (Hérod., IV, 62) revenait au Dieu , ou devait lui
être consacré comme sa part au butin, ou comme sa récompense pour
la victoire qu’il avait accordée à la tribu dans le cours de l’année.
Ce prisonnier de guerre ou l’esclave ainsi consacré au Dieu était
considéré, chez les Scythes, non-seulement comme dévoué au service
de cette divinité-, mais aussi comme un messager envoyé au
ciel pour y porter les voeux et les prières des hommes de sa tribu.
La consécration ou la mise à mort de ce serviteur était donc regardée
presque comme une faveur qui lui était faite ; et comme il
avait été jugé digne, par le Destin, d’aller servir dans le ciel la Divinité,
on crut aussi devoir [’honorer d’avance en le traitant comme un
Noble ou un Roi pendant les jours de fête qui précédaient sa consécration
ou sa mise à mort. Les autres prisonniers de guerre, réservés
(cf. lat. servus, réservé, v. p. 103) pour le service des hommes, se
livraient également, dans cette fête, à toutes sortes de réjouissances.