
Comme la Divination se confondait souvent avec l’Incantation (v.
p. 151), les devins de Skalmoskis se livraient également aux pratiques
de l’enchantement et de l'incantation, surtout pour guérir
les maladies. Aussi Skalmoskis présidait-il à la Médecine et il avait,
principalement en cette qualité, le nom de Gebleïstis (Bénédiction).
Plalôn, dans le Charmidès, fait dire à Sôkratès, revenu du
camp de Potidaïa, qu’il y avait rencontré un médecin de Zalmoksis,
et avait appris de lui une formide curative ou .une bénédiction (cf.
ail. Heil-Segen).
§ 119. S k a lm o sk is Dieu «le la P o é sie e t Seigneur
des T ré p a ssé s. — De même que chez les Grecs le Dieu du soleil
Apollon était aussi le Dieu de la poésie, de même Zalmoxis était
considéré comme présidant à l’inspiration poétique. Les peuples de
la branche gèle attribuaient à la poésie une double origine. Voyant
que l’ivresse, en produisant une certaine exaltation morale et intellectuelle,
rendait les hommes éloquents, ils croyaient qu’on devenait
poêle en goûtant d’un breuvage divin, soit vin, soit hydromel.
D’un autre côté ces peuples, comme en général les Anciens, attribuaient
à la parole, prononcée sous forme de prière, d’invocation,
de bénédiction ou de malédiction, une foree magique qu’on appelait
énergie (sansc. brhas; norr. bragur; v. Chants de Sol, p. 70).
C’est celte énergie qu’on considérait comme la source delà poésie,
et comme la poésie elle-même. Or, de même que cette énergie
avait été personnifiée chez les Hindous dans Brehas-pati (Le Seigneur
de l’Énergie), de même elle fut personnifiée, chez les peuples
de la branche gète, dans Bragus ou Bragi, qui n’était qu’une spécialisation
ou un dédoublement de Skalmoskis, le Dieu du soleil.
La Musique et la Danse étaient étroitement liées à la Poésie (v.
p. 127). Aussi y avait-il un mode musical et poétique, et une danse
particulière, qui, l’un et l’autre, portaient le nom de Zalmoxis (v.
Hésgeh., s. v.).
Le plus puissant effet magique ou la plus grande Energie était
attribuée aux incantations qui étaient prononcées pour consacrer
les hommes au service des dieux (v.§ 181), c’est-à-dire pour les ren
dre immortels. Aussi les Grecs rapportaient-ils, non sans une ironie
sceptique, que les devins des Gèles avaient la prétention de pouvoir
immortaliser (gr. apothanatizeïn) les hommes. Dans l’origine cette
prétention parut exagérée aux Gèles eux-mêmes. Comme tous les
DIVINITÉS ADORÉES. — THALÈS.
peuples de l’Antiquité, ils admettaient bien que l’homme, après sa
mort, continuerait à vivre, dans un autre Séjour, d'une vie à peu
près semblable à celle qu’il venait de quitter; mais ils ne croyaient
pas qu’il pourrait revenir dans celte vie terrestre, ou qu’il pourrait
renaître. C’est pourquoi la tradition evhémérisle rapporte que Skalmoskis
prit, lui-même, la peine de prouver aux Gèles cette renaissance
(Hérod., 4, 94). Depuis que cette démonstration leur eut été
fournie, les Gètes crurent à cette espèce d’immortalité. C’est pourquoi
il est dit dans Euslathius (ad. Borner., IX, 65) qu’instruits par
Zalmoxis, les Gètes sacrifiaient, c’est-à-dire, dévouaient ou consacraient
les morts aux dieux, et banquetaient, c’est-à-dirc, faisaient
le repas funèbre (v. § 185) en l’honneur des trépassés, dans
l’idée que ces morts renaîtraient un jour, ou reviendraient dans
celte vie.
§ 130. Skalmoskis surnommé T h a ïe s. — Comme Père
de la nation, Skalmoskis recevait chez lui, après, leur mort,.ses
fils et ses adorateurs (cf. p. 187). Il passait donc pour être le Seigneur
des Trépassés, comme l’avait probablement déjà été antérieurement,
chez les Scythes, son prédécesseur Targilavus. Aussi les
Gètes croyaient-ils que ceux qui mouraient allaient trouver leur dieu
Skalmoskis ou Gebleislis (Hérod., IV, 94). Comme Skalmoskis était aussi
un dieu guerrier (cf. p. 180), les guerriers, après leur mort sanglante,
devinrent ses Compagnons d’armes (cf. norr. Ein-heriar) ; et, dans
certaines circonstances, on croyait sans doute entendre, dans les
airs, le passâge de cette Troupe bruyante, conduite par le Seigneur
des Occis. En sa qualité de Seigneur des Occis , Skalmoskis avait le
nom épilhétique deKvaleis(sansc. Kalyas, v. p. 213nole), qui plus tard
s’est changé en Vali (p. Hvalii). Or les langues thràkes et keltiqucs aimaient
le changement des gutturales en dentales et des gutturales en
labiales; c’estainsi,p.ex., que le nom kelte .du.,Dieu de l’oragg Tarac-
mis-ou Dercunus était identique avec le nom kimméro-thrûke Vercunus
(v.p. 155, note). Aussi, par 1'inlluence de la langue ihrâke, quelques
dialectes gèles changèrent-ils Kvaleis, non pas, comme d'autres, en
Valîs, mais en Tvaleis, de la même manière que le nom scytlie kvarkus
(Nain, v. § 167) s’est changé, dans quelques dialectes gètes, en kvairgs,
et, dans d’autres, en dvairgs, et que le mot larandus (renne; norr.
thrândr, verrat) a eu pour correspondant, dans le vieux-allemand, le
molvarannio (étalon, v. p. 190). Ce nom de Tvaleis, les Grecs 1 ont