
l’Antiquité, la guerre ou le combat, à cause du tumulte et de la
fureur qui l’accompagnent, était assimilé à un orage (goth. dvulms,
fureur, et gr. polemos, p. tpolemos guerre; cf. norr. thrymr, v. p. 39,
note). Celte nouvelle attribution de livus comme dieu de la
guerre, bien qu’elle ne fût en aucun rapport avec sa nature primitive
comme Ciel, devint cependant l’attribution principale du Chef
des dieux chez les Scythes et chez leurs descendants, de sorte que
les historiens anciens, considérant le dieu suprême des Scythes,
des Goths, des Germains et des Slaves, principalement comme dieu
de la guerre, le désignaient aussi sous les noms équivalents grec
et latin de Arès et de Mars (Hérod., IV, 59; Tacit., Hist., 4, 64;
Am. Marc., 31, 2; Jornandès, 53). Parce que Tivus, le dieu des
combats, était aussi le dieu suprême, il eut, le premier et le seul
de tous les dieux scylhes, l’honneur d’être représenté par un signe
symbolique ou emblématique. Ce signe était un dard ou une lance
fichée en terre sur la butte de l’assemblée (Hérod., IV, 62) ou sur
le tertre du tribunal (cf. norr.log-biorg, màl-biorg). D’après ce
symbole, Tivus eut lui-même le surnom de Dard (scylh. kaizus;
kimmér. gaisus; kelt. hésus; gr. gaisos; goth.-gaïs), ou de Lance
(scyth. kaztus; goth. gazds; sansc. hastas; mède kasl, kùrd; lat.
hasta; slav. gast).
C’est ainsi que, chez les Scythes, Tivus, originairement le dieu
Ciel, devint encore le dieu Fécondateur ou l’époux de Terre (Apia),
le dieu de l’orage fécondateur (Pirkunis), le dieu des vents [Valus),
le Père des dieux et des hommes (Pappaïus), le Chef des dieux ou le
dieu suprême, et enfin le dieu des combats (Kaizus, Kaztus). Ces différentes
attributions furent toutes rattachées, dans la tradition mythologique
des Scythes, au seul et même dieu Tivus. Mais les différentes
tribus firent ressortir peu à peu dans le culte de ce dieu
telle ou telle de ces attributions de préférence aux autres, de sorte
que Tivus, en se dédoublant, produisit plusieurs dieux représentant
chacun de préférence telle ou telle attribution de l’ancien dieu primitif,
et passant tous, dans la suite, pour autant de dieux distincts.
b) T i v u s , s e s d é d o u b l em e n ts e t se s h é r i t i e r s d a n s l a r e l i y i o n d e s p e u p l e s gètes.
§ »3. Tius- — Déjà chez les Scythes, par suite du développement
logique de leurs conceptions mythologiques, Tivus, de dieu
zoomorphe qu’il avait été dans l’origine (v. p. 154), devint de plus en
DIVINITÉS ADORÉES. — TIVUS.
plus dieu anthropomorphe. Dès lors on ne put plus sentir ni concevoir
l’identité entre ce dieu anthropomorphe, et l’ancien dieu
zoomorphe, puisqu’on se les figurait, l’un et l’autre, d’une manière
si dissemblable. Or, comme d’un côté Tivus était considéré, d’après
la tradition religieuse, comme le Ciel, et que de l’autre on se le
représentait comme.un dieu anthropomorphe, il se forma naturellement
une conception intermédiaire entre la conception zoomorphe
et la conception anthropomorphe. Tivus, au lieu de rester
ce qu’il était primitivement, le dieu Ciel considéré comme un être
gigantesque zoomorphe, devint maintenant le dieu du ciel, c’est-à-
dire un dieu anthropomorphe, présidant au ciel envisagé simplement
comme firmament. Aussi longtemps que, dans la langue
scythe, le mot Tivus signifiait ciel, l’attribution de Tivus, comme
dieu du-ciel, était facilement reconnaissable. Mais à peine Tivus
fut-il devenu dieu anthropomorphe, que le mot tivus ne fut plus
employé pour désigner le ciel comme firmament. Pour désigner le
firmament, on substitua à l’ancien mot tivus (brillant, ciel) le mot
«roi (cercle, voûte, ciel; sansc. svar, v. § 106), qui existait dans
la langue scythe, dès son origine, ou du moins dès le huitième
siècle avant notre ère; car, ce qui le prouve, c’est que les dérivés
de ce mot se rencontrent également et dans les idiomes de la
branche sarmate, et dans ceux de la branche getefy. p. 35), Dès
lors le mot tivus changé en tins ne se maintint plus que comme
nom propre du dieu Tins, et l’on oublia complètement que le nom
de Tius, l’ancien Tivus, avait signifié autrefois ciel.
Les descendants des Scythes, les peuples de la branche gète
reçurent avec la religion de leurs pères, le culte de Tivus qu’ils nommèrent
Tius. Le dieu traditionnel Tius était pour eux' déjà un dieu
anthropomorphe, ayant les attributions traditionnelles de Père des
dieux et de Dieu des combats. On ne savait plus qu’il avait été autrefois
le dieu Ciel, et bien que quelques mythes le représentassent
encore comme Dieu du ciel, on ne comprenait plus 1 ancienne signification
symbolique de ces mythes auxquels on ne donnait plus
qu’une signification purement épique. On se rappelait d autant
moins l’ancienne attribution de Tius comme Dieu du ciel, que non-
seulement le mot tius ne signifiait plus,ciel, mais que même le mot
ml, qui lui avait été substitué, fut à son tour remplacé par le mot
himins (goth. himins) pour désigner le ciel.