
fusion des deux races kelte et gèle s’est opérée déjà dans les premiers
siècles avant notre ère, de sorte que, déjà du temps de
César, il était impossible de décider si telle ou telle tribu'était plutôt
kelûque ou germanique. C’est ainsi, par exemple, qu’à 1 orient de
la Germanie, les Gothines, qui certainement étaient d’origine gote
ou germanique (v. p. 62), se sont confondus de bonne heure avec
une tribu chalde des Karpathes, au point qu’ils parlaient un idiome
clialdique ou gallique (Tarit., Gerin., ch. 43). A 1 ouest de la Germanie,
sur le Rhin, habitaient, au premier siècle avant notre ère,
les Trévirs (cf. les Trevings, p. 29) et les Nervies (cf. Nèvres, p. 28),
qui étaient d’origine germanique ; et cependant saint Jérôme, qui
savait le gallique, affirme positivement que les Trévirs parlaient
un idiome kelte. Il résulte de là que les Trévirs et les Nervies
étaient du nombre de ces tribus germaniques qui, de bonne heure,
s’étaient mêlées à des tribus keltes, au point d’adopter leur langue,
bien que, dans certaines circonstances, elles aient rappelé avec
orgueil, et même avec passion, leur origine germanique (Tacit.,
Germ., 28). Chose curieuse! ce mélange des tribus germaines, et
particulièrement des Trévirs et des Nervies, avec des tribus keltes,
fut indirectement la cause qui détermina le choix du nom de Germains
pour désigner l’ensemble des tribus de la branche gète qui
s’étaient établies, après les Keltes, dans les contrées de l’ancienne
Kellique.
§ 46. lie nom etlmi«ine de Tentislies- — Les émigrés
qui, après s’être séparés de la branche gèle, sont allés s’établir dans
la Kellique (Germanie), ne formaient plus seulement des familles
distinctes, mais s’étaient déjà groupés en tribus et en nations. Chacune
de ces tribus portait un nom particulier qui, le plus souvent,
comme chez les Scandinaves (v. p. 60), était emprunté au nom du
dieu dont cette tribu se disait issue (v. Tacit., Germ., ch. 2). Ces
tribus ou ces nations n’étaient pas encore unies entre elles par un
lien politique, et, par conséquent, ne formaient pas encore un peuple
(v. p. 13). Aussi n’y avait-il pas non plus de nom de peuple ou de nom
général désignant toutes les tribus, toutes les nations unies ensemble.
Mais bien que ces tribus et ces nations ne fussent pas encore
constituées comme peuple, politiquement parlant, elles sentaient
cependant qu’elles appartenaient à une même souche, par
suite de la communauté de leur langage, de leurs moeurs, de leurs
S traditions et de leur religion.’Toutes se disaient, par conséquent,
issues de la même nation (teut), et c’est pourquoi, de même que
leurs ancêtres les Gèles s’étaient donné le nom national de Thivutides
| (v. p. 34), de même aussi les descendants de ceux-ci se donnaient le
| nom national de Teuliskes (Nationaux, Fils de la Nation; cf. Svediskes,
\ p. 61) que plus tard les Allemands ont changé en Deutsche ou
[ Teutsche1, et les Français en Tudesques. C’est par ce nom que les
; Allemands d’aujourd’hui se désignent à la fois comme peuple et
1 comme race. Dans l’Antiquité, le nom national de Teuliskes n’était
I connu que des Nationaux, et employé seulement pour désigner la
î nation ou la race. Dans ses rapports avec d’autres tribus, soit na-
I tionales, soit étrangères, chaque tribu se désignait par son nom de
| tribu. Les peuples étrangers, voisins des Teuliskes, n’ayant jamais
I affaire au peuple tout entier, mais seulement à quelques tribus
1 tudesques, n’avaient pas besoin de connaître et d’employer le nom
■ national; ils pouvaient se contenter de désigner celles-ci, comme
'1 ils le faisaient, par leur nom de tribu. Les noms des tribus les
I plus voisines servaient également, dans certains cas, à désigner
I les tribus plus éloignées, et même à désigner la race entière.
I C’est ainsi que le nom de la grande tribu kelto-germaine des Ale-
1 mans, 'la plus voisine des Franks et des Burgondes, fut employé
'La question de savoir si aujourd’hui, en allemand, il faut dire deutsch ou
I teutsch| n’a aucune valeur au point de vue de la philologie. Les deux formes
■ dütsch et tütsch ont été employées successivement dans les pays de la haute Al-
■ lemagne et dans ceux de la basse Allemagne. Le vieux haut-allemand, tel, du
I moins, qu’il s’est constitué historiquement, est un idiome grossier dont les con-
■ sonnes n’ont pas eu une prononciation nette et invariable, de sorte que la forme
■ thiotisk appartient tout aussi bien au vieux haut-allemand que la forme diotisc;
1 les dialectes du bas-allemand admettent également la forme dhiotisk et dutch.
■ D’ailleurs la forme deutsch fût-elle, ce qui n’est pas, une forme essentiellement
I haut-allemande, que cela ne prouverait pas que deutsch doive être aujourd’hui
I préféré à teutsch. Car il n’y a pas de raison pour désigner le peuple allemand,
■ qui se compose aussi bien de Bas-Allemands que de Haut-Allemands, par un
I nom haut-allemand plutôt que par un nom bas-allemand. Mais une chose est
I certaine, c’est que les formes les plus anciennes (scyth. taviti; gète thipud; goth.
■ thiuda; norr. thiod) se rapprochent plus de teutsch que de deutsch. Dans le patois
■ allemand de Strasbourg, qui, comme la plupart des patois populaires, prononce les
■ consonnes initiales tantôt comme consonnes dures, tantôt comme consonnes
■ molles, selon que celui qui parle les accentue avec plus ou moins d’énergie et
■ de passion, on dit, par exemple, dans le parler ordinaire er kann didsch (il sait
■ 1 allemand) et dans le langage passionné : i happ’s em titsch ksaït (je le lui ai
i .1 rondement).