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c h a n g é e s en dures. Aussi, si l’on compare l’idiome g è t e à l’idiome
s c y lh e dont il est sorti, on remarque : 1° que toutes les labiales
d u r e s initiales se sont changées en a s p i r é e s ; 2° que beaucoup de
gutturales et dentales d u r e s se sont changées en a s p i r é e s ; 3° que
beaucoup d’anciennes consonnes d u r e s , à l’exception des labiales,
se sont maintenues, ainsi que les m o lle s qui s’étaient déjà formées
antérieurement dans l’idiome s c y lh e . Comparé au sanscrit, au grec
et au latin, l’idiome g è t e , après avoir subi l’influence des langues
ih r â k e s et k e l t iq u e s , s’est éloigné généralement, quant aux consonnes,
des formes p r im i t i v e s , plus que ne l’ont fait le s a n s c r i t , le
g r e c et le l a t in ; mais il s’en est éloigné moins que les langues
k e l t iq u e s , et que quelques-unes des langues slaves1.
1 M. Jacob Grimm a, le premier, montré quelles sont les consonnes homorga-
niques qui se correspondent dans les mots correspondants en grec, en gothique
et en vieux haut-allemand. Il a montré que la consonne dure en grec correspond
généralement à une aspirée en gothique, et à une molle dans le vieux haut-
allemand ; que Y aspirée en grec correspond à une molle en gothique, et à une
dure dans le vieux haut-allemand; que la molle en grec correspond à une dure
en gothique, et à une aspirée en vieux haut-allemand. Ces correspondances sont
suffisamment démontrées, et il n’y a pas à douter de la vérité du fait ainsi constaté.
Mais il ne suffit pas de constater les phénomènes, il faut encore les représenter
sous leur véritable jour en les expliquant; et la manière dont M. Grimm représente
le fait en question nous semble en rendre toute explication historique et
philosophique impossible. Sa théorie diffère complètement de la nôtre, et cette
différence repose sur les points suivants : 1° Nous croyons que la différence entre
les consonnes qui se correspondent dans les différentes langues iafétiques n’existait
pas dans l ’origine, lorsque ces langues étaient encore confondues dans la
langue-mère, mais qu’elle s’est établie postérieurement par suite des changements
qui ont modifié les consonnes primitives. M. Grimm, en donnant aux correspondances
en question le nom de Lautverschiebung (déplacement des consonnes),
indique par là qu’il s’agit, selon lui, d’un changement général, d’une
mutation systématique, qui s’est opérée dans Yensemble des consonnes du grec
par rapport à l’ensemble des consonnes du gothique ou du vieux haut-allemand.
Selon cet illustre savant, il y a donc changement; mais changement des langues
soeurs les unes par rapport aux autres, et non changement des langues soeurs
par rapport à leur langue-mère. 2° Nous croyons que, dans la langue-souche, les
consonnes dures ont prédominé par le nombre et que les langues iafétiques dérivées
ont modifié les consonnes primitives d’après la loi ou la tendance des
.langues d’adoucir de plus en plus les consonnes dures en les remplaçant par
des aspirées ou des molles. M. Grimm, concevant les correspondances comme étant
le résultat des échanges réciproques et en quelque sorte circulatoires (voy. Ge-
schichte d. d. Sp., p. 393) qui ont eu lieu entre les langues iafétiques, ne saurait
rattacher le Lautverschiebung à aucune loi ou tendance euphonique quelconque;
car nulle de ces langues ne tend, d’après cette théorie, soit à renforcer,
soit à aspirer, soit à adoucir les consonnes, puisque toutes abandonnent également
leurs consonnes dures, aspirées et molles pour les reprendre dans un autre
Une forme de mots qui semble n’avoir pas encore existé dans
l’idiome s c y lh e , mais qui a pris naissance seulement dans l’idiome
g è le , ce sont les substantifs et les participes composés avec la particule
prépositive g a (k a , g i ) . Ex. G e -n u k la (v. p. 39); g a - v a ih tu s
(v. p. 47); g e - b l e ï lh t i s (v. § 118). Cependant celte composition
n’a pas été usitée dans tous les dialectes g è l e s , et la preuve, c’est
que d'abord, dans l’idiome g è l e , à côté de la forme composée
(ex. g e - b l e i t h t i s ) , s’est maintenue la forme primitive s im p l e (ex.
p le is ta i) ; ensuite dans les idiomes g e rm a n iq u e s et S c a n d in a v e s , qui
sont sortis de l’idiome g è t e , il y a des dialectes qui ne font jamais
usage de la composition avec g a , du moins dans le participe passé
(ex. angl. b r o k e n , ail. g e - b r o c h e n ) 1.
L’idiome g è l e , au moment où les idiomes g e rm a n iq u e s et S c a n d inaves
en sont sortis, avait déjà des d i a l e c t e s , parmi lesquels le
g o th iq u e est le mieux connu de tous. Le g o th iq u e et le g é p id e
paraissent avoir conservé, mieux que le g è l e et le d à k e , l’ancienne
prononciation s k o lo t e ; aussi n’y trouve-t-on que peu de
consonnes c h u in ta n te s . Le g è t e et le d à k e , qui étaient plus exposés
que le g o th iq u e et le g é p id e à l’influence des langues th r â k e s et
s a rm a te s , où les consonnes chuintantes étaient plus nombreuses,
possédaient aussi un plus grand nombre de consonnes de cette
espèce. Il est cependant à remarquer qu’on aurait tort d’attribuer
aux idiomes g è le s toutes les consonnes c h u in ta n te s qüi figurent
dans les mots que les G re c s nous ont transmis comme appartenant
ordre. Si, comme je l’espère, l’explication naturelle que je donne des correspondances
est la véritable, le Lautverschiebung n’est plus un phénomène inexplicable
et singulièrement mystérieux, mais un changement qui rentre dans les
lois ordinaires du développement des langues.
1 La particule prépositive ga (ka), qui correspond au latin co-ti, au grec su-n,
au sansc. sa-ma, exprime l’idée de ensemble, de réunion. Ge-nukla signifie l’ensemble
des clôtures qui constituent la ferté ou la forteresse. Ge-bleistis signifie
l’ensemble des bénédictions dont Skalmoskis (Zalmoxis) est l’auteur. Ga-vaihtus
signifie co-dévoué, c’est-à-dire faisant partie du nombre des dévoués. En allemand
ge-thier signifie l’ensemble des animaux, ge-sang l’ensemble du chant. Ensuite,
comme pour faire partie du nombre des personnes ou des choses ayant
telle ou telle qualité, il faut que l’action qui produit cette qualité commune soit
achevée ou parfaite, la particule ga sert aussi à renforcer l’idée du participe
passé ou passif. Ex. ge-brochen (faisant partie des choses brisées). C’est ainsi
qu’en sanscrit la particule sma (p. smâ, instrumental de sama), placé avec un
verbe au présent, donne à ce verbe la signification du passé. (Voy. Benfey,
Kuru sanscrit Grammalik, p. 35.J