
gique, où les individus, en se succédant les uns aux autres,restent
continuellement à peu près les mêmes quant au corps, mais d’une
continuité .spirituelle, c’est-à-dire d’un développement progressif,
nous avons à faire voir que les peuples en question suivent, sous
le rapport indiqué,, les lois du développement et du progrès. Le développement,
dans l’étal social, s’opère en passant par trois degrés
qui sont : 1° la sauvagerie, 2° la barbarie et 3° la civilisation. Le sauvage
ne vit pas encore d’une vie moralement individuelle; il est tout
au plus membre physique de sa famille. Le barbare, au contraire, vit
déjà de la vie morale de sa tribu ou de sa horde; mais il n’a encore
d’individuel que ce qu’il emprunte à cette vie, qui, bien qu’elle soit
quelque peu générale, n’en est pas moins exclusive, pauvre et
mesquine. L’homme civilisé seul vit de la vie individuelle, mais fiai'
rapport à la vie générale; il est d’autant plus civilisé que l’une et
l’autre vies sont plus riches et plus compréhensives, et harmonisent
mieux l’une avec l’autre. Ces trois degrés de 1 état social
et leurs noms respectifs s’appliquent aussi à l’état moral, à l’état
intellectuel et à l’état religieux. Il devra donc résulter, des quatre
Parties qui vont suivre, la démonstration que les Scythes, les
Gèles et les Germains-Scandinaves ont passé dans leur vie sociale,
morale, intellectuelle et religieuse, d’abord par l’état sauvage, puis
par l’état barbare, et qu’enfin ils sont arrivés au commencement
de l’état civilisé. Le tableau que nous retracerons n’aura pas pour
but direct d’indiquer quel degré de développement ces peuples ont
atteint; il ne s’agit ici, ni de faire leur éloge, ni de les critiquer;
il s’agit seulement de constater qu’il y a eu continuité et progrès
social, moral, intellectuel et religieux dés Scythes aux Gètes et
des Gètes aux Germains-Scandinaves, et de confirmer ainsi, par de
nouvelles preuves, la preuve déjà donnée de la réalité de leur généalogie
physique. Si cependant on voulait apprécier la valeur intellectuelle
et morale des progrès faits aux différentes époques, il
faudrait, pour que l’appréciation fût juste, se rappeler qu’à toutes
les époques de l’histoire, les individus éminents d’un peuple, c’est-
à-dire la grande minorité, se placent toujours à un degré au-dessus
de l’état social, moral, intellectuel et religieux de leur nation,
tandis que la majorité est toujours placée à un degré au-dessous de
ce qu’on serait en droit d’attendre d’eux d’après l’état de leur
société, de leurs moeurs et de leur religion. Cela veut dire, en
d’autres termes, que, dans tous les temps et dans tous les lieux, les
hommes supérieurs sont meilleurs, par leur intelligence et leur
moralité, que les lois, les institutions politiques et religieuses de
leur pays, tandis que le vulgaire, s’il se trouve àrl’état barbare,
retombe souvent à l’état sauvage, et s’il est arrivé à l’état de civilisation,
reste néanmoins encore barbare dans beaucoup de points
de son état social, moral, intellectuel et religieux.
a) Le genre de vie.
§ 55. I / é t a t n om ad e «les Scytlaes. -— A-leur arrivée en
Europe, au septième siècle avant notre ère, les Scythes étaient
encore généralement adonnés à la vie nomade. Leurs troupeaux
consistaient principalement en chevaux, en bestiaux et en chèvres.
Toujours armés, comme l’étaient en général les nomades dans l’Antiquité,
pour leur défense personnelle et pour la guerre, ils ne se
bornaient pas uniquement à faire paître, ou, comme ils disaient, à
pousser (scylhe vaita) devant eux leurs troupeaux; ils chassaient auss i
la bête fauve et le gibier dans les montagnes et dans les plaines.
Aussi l’action de faire paître et de chasser était-elle désignée par le
même mot dans les langues scythiques (v. Les Scythes, p. 18). Le
voisinage de la mer Caspienne, et plus tard de la mer Noire, engagea
quelques peuplades, entre autres les Massa-Gètes, à se livrer
également à la pêche (Hérod., 1, 215; IV, 59). La pêche dans l’eau
douce et dans la mer (Hérod., IV, 59), étant une espèce de chasse,
portait aussi le même nom que celle-ci. Ce fut la pêche, ainsi que
la nécessité de passer les grands fleuves de leur pays qui, chez les
Scythes, provoquèrent la navigation. Arrivés dans les contrées au
nord de la mer Noire, où la fertilité du sol et l’exemple des colonies
grecques les invitaient à la culture de la terre, les Scythes et
les Gètes se livrèrent aussi aux travaux agricoles. Ils connaissaient
alors déjà le soc (litli. zoch; vha. suoha sanglier) et le coutre (lat.
culter; lith. zagre, zagarai; cf. gr. sagaris) qu’ils appelaient le
dèchireur (goth. hôha; sansc. kôkas le loup; cf. vrikas, loup, soc.).
Plus tard les Slaves paraissent avoir inventé la charrue d’après le
modèle des chars et des traîneaux (v. § 59) ; ils l’appelèrent également
du nom de dèchireur (lith. plugas; cf. slav. wluk, loup) , et sous
ce nom elle fut aussi adoptée des Germains (cf. pflug) et des Scandi