
la nation, il doit avoir eu la signification p r o p r e de B o u c lie r s et d
a été adopté, selon l’usage assez ordinaire chez les anciens de se
nommer d’après certaines armes, soit défensives, soit offensives .
Si enfin, S k u ta i a été dans l’origine un nom de famille avant de
devenir un nom de tribu, c’est un nom p a t r o n ym iq u e qui énonce
que les S k u ta i primitifs se disaient fils et adorateurs de S k u ta (Bouclier),
c’est-à-dire du S o l e i l qu’on se figurait comme un dieu armé
d’un bouclier brillant (cf. Ta r g i - ta v u s , Brillant par la large); dans
ce cas, S k u ta (Bouclier) serait le prototype du dieu-heros S k io ld r
(Bouclier) des Scandinaves, et ce nom de S k u ta i se serait reproduit
plus tard dans celui de S k ïo ld u n g a r (Fils de Skioldr) que prenaient
les anciens rois des D a n e s . . v*'
Les Iônes ou Grecs asiatiques, pour s’expliquer le nom de S k u t
a i , le rapprochèrent naturellement et avec raison du nom commun
grec s k u to s (bouclier*). Aussi H e lla n ik u s de Lesbos, le contemporain
d’Hérodote et de Thucydide, -conserva-t-il au nom sa
forme véritable de S k u t a i , commè le prouve le titre de S k u tik a
(Choses Scytiques) que portait son livre dont la perte est pour
nous si regrettable. Mais les Ioniens oublièrent bientôt que Skutai^
signifiait B o u c lie r s , et, comme ils préféraient la dentale aspirée, ils
changèrent S k u ta i en S k u lh a i . Dès lors il ne fut plus facile de retrouver
dans S k u th a i la signification du mot grec s k u to s . H é r o d o t e ne
connaît ni la forme de S k u ta i ni sa signification de B o u c lie r s . Aussi
l’érudit T z è t z è s , bien qu’il ait fait le rapprochement spécieux entre
lemom des S a k e s (voy. p. 22) et le mot grec de s a k o s , ne s’est, cependant
pas avisé de rendre ce rapprochement plus? plausible encore
par l’explication du nom des S k u te s comme synonyme du mot
grec s k u to s . ■■
H é r o d o t e , bien qu’iîn e vît aucun rapport entre la signification
des noms propres S a k e s et S k u lh e s et les noms communs grecs s a k
o s e t s k u to s , a-cependant reconnu l’identité de race des S a k e s et
' des S c y th e s . Il fut aussi le premier qui énonça que le peuple appelé
S a k e s par les Perses et S k u lh e s par les Grecs, se donnàit à lui-
même le nom de S k o lo t e s . Ce dernier nom n ’était pas connu dans
1 Voy. Les Scythes, 2* édit., p. 11. ,
■2 Le mot grec skutos ainsi que le latin scutum , le scythe skuta, le lith. sltyaa
se rattachent à un thème S-KaTa qui exprime l’idée de couvrir, protéger (sansc.
tchad).
l'Asie mineure; H é r o d o te ne l’apprit que lors de son voyage chez
les Scythes de la mer Noire, et c’est pourquoi le témoignage de cet
historien énonce seulement que les Scythes é ta b l i s s u r le s b o r d s
s e p te n t r io n a u x d e la m e r N o i r e se donnaient de préférence le nom
de S k o lo te s . Ce nom scythe n’était que le diminutif de S k u ta i . En
effet, le diminutif de s k u ta (bouclier) était s k u tu lo (petit bouclier)
et, comme nom p ro p re , S k u tu lo était exactement le prototype du
nom propre S k u d ilo usité en vieux haut-allemand. Les peuples de
race scythe aimaient beaucoup les noms propres d im in u t i f s 1. Les
Scythes de la mer Noire préféraient donc se donner le nom de S k u -
tu l e s , qui était le diminutif de celui de S k u ta i qu’avaient pris
les Scythes qui avaient fait irruption dans l’Asie mineure. Ce nom
de S k u lu le s se changea, dans la prononciation des Grecs , en S k o -
lo te s2. Mais il paraît que la forme transposée S k u lu le s a été adoptée
plus tard par les Scythes eux-mêmes,’ puisque, dans la langue de
leurs descendants, on trouve le mot s k ild u s (goth. s k i ld u s , norr.
s k io ld r , ail. s c h i ld ) qui signifie b o u c lie r e t qui est dérivé de s k u lu tu s 3.
Que le nom de S k o lo t e s ait signifié, dans le sens propre, B o u c lie r s ,
ou qu’il ait signifié, dans le sens métaphorique, P r o t e c t e u r s , toujours
est-il q u e , chez les Scythes comme chez leurs descendants
(les Slaves, les Germains et les Scandinaves), le bouclier (scyth.
s k u ta , sk u lu lu s) ou la targe (scyth. ta r g i) ' était le symbole de la
protection, et par suite de la royauté et du commandement. Aussi
H é ro d o te dit-il que S k o lo t e s était un nom r o y a l , et que les Scythes,
qui se le donnaient, se nommaient aussi S c y th e s r o y a u x .
Les S k o lo te s habitaient principalement les bords septentrionaux
de la mer Noire et la presqu’île,qu’on appelle aujourd’hui la Crimée.
Les villes grecques du littoral d e là mer, entre autres O lb io -
p o lis , étaient leurs tributaires. Lorsque plus tard les Bosporans
eurent fondé une dynastie de rois, dans l’année 297 avant Jésus-
j Christ, les S k o lo t e s , avec leurs alliés, infestèrent si souvent lenou-
1 Nous rappelons seulement les noms de Gothilas (le petit Goth), Ulphilas (le
petit Loup), Hanilas (le petit Coq), Ansilas (le petit Soutien), etc.
2 Une transposition opposée à celle de Skuiules, changé en Skulutes, s’est faite
dans le nom de Gadheles qui dérive de celui de Gâtâtes (voy. Les Peuples primitifs,
p. 82).
3 Le mot transposé skildus ne dérive pas du verbe skula (protéger, danois skyle),
mais ce verbe dérive du substantif Skâl contracté de Skadal: le verbe norrain
skyla est dérivé du substantif skûli.