
trace de métaux, s’est perpétué jusqu’à l’époque historique;
on en a recueilli dans des tombelles et autour de
cercueils annonçant une civilisation déjà avancée. Ces
silex des sépultures, silex dits éclats, ont reçu ce nom
parce qu’on a pensé que c’étaient les résidus de ceux
qui avaient servi à faire des haches. Je l’ai cru d’abord
comme tout le monde, mais après un examen attentif,
j’ai reconnu que non seulement ce n’étaient pas des rebuts
jetés par l’ouvrier, mais que chacune de ces pierres
était elle-même une oeuvre préparée avec un certain soin
et par un travail dont on pouvait suivre l’intention.
Puisqu’il y avait travail, il y avait certainement un
but.—Quel était-ïl?—C’est ce qui me restait à savoir. Je
vis bientôt que ces centaines de pierres taillées qui, au
premier abord, semblent présenter autant de formes,
n’en offraient en réalité qu’un nombre déterminé, que
c’étaient toujours les mêmes, indéfiniment répétées. 11
n’y avait donc là ni accident, ni caprice: chacune de
ces formes, arrêtée d’avance et consacrée par l’usage,
avait sa signification : le silex taillé en rond ne pouvait
pas dire ce que disait celui qui l’était en ovale ou en
triangle.
Dans ces types parfaitement distincts, comme on le
voit dans les figures que j’en ai données, il en était qui ne
devaient servir à aucun usage domestique. Les autres, à
l’aide d’un manche, pouvaient être utilisés comme outils;
mais tous étant neufs et ne portant aucune trace d’usure,
il devenait évident que c’était aussi comme ex-voto ou
signes commémoratifs qu’ils avaient été mis là.
Nul doute encore que s’ils n’avaient représenté qu’une
intention unique ou rappelé qu’un seul fait, ils n’eussent
eu qu’une forme; mais comme il y en avait douze et
plus, il fallait bien croire que chacune avait sa signification
et que leur assemblage, formant un ensemble,
devait exprimer au moins une pensée. On ne peut supposer
que des êtres raisonnables, car nos premiers
parents devaient l’être puisque c’étaient des hommes,
se fussent, de génération en génération et durant des
siècles, donné le souci de tailler des pierres, d’en assortir
les formes, de les placer sur la sépulture de leurs chefs
ou de leurs aïeux, sans que cette manifestation n’eût sa
moralité et son but, enfin sans qu’elle ne rappelât un
souvenir ou n’invoquât un avenir.
De l’ensemble de ces douze signes si constamment et
si uniformément répétés, on peut donc conclure que ces
peuples avaient une langue écrite ayant ses caractères
ou ses images; et s’ils en avaient oublié la signification,
s’ils n’agissaient que sous l’empire d’une prescription
qui se perdait dans le passé et dont la cause oubliée était
devenue incomprise, elle ne l’avait pas toujours été :
c’était une langue morte si vous voulez, mais une langue
qui avait vécu.
Ces dolmens, ces pierres levées, qui, échappés a plus
d’un cataclysme (1), datent peut-être des premiers âges
de l’homme, avaient aussi leur signification. Érigés par
les efforts réunis d’un grand nombre d’individus, leur
présence annonce que le pays était déjà très-peuplé. Ces
hommes étaient-ils les mêmes que ceux qui fabriquaient
les haches et autres outils? étaient-ils contemporains
(1) Parmi c e s p ie r r e s , il y en a d ’é p o q u e s b ien d iffé r en te s . 11 e s t
à croire q u e c e s o b é lisq u e s b ru ts s o n t le s pr em ie r s m o n um en ts
élevés par les h om m e s en s o c ié t é ; m a is c e t u s a g e s ’e s t perp é tu é
d’âge en â g e , e t s’il e x iste en c o r e d e c e s d o lm en s p r im itifs , le
nombre ne p e u t en être g ran d .