
quilles marines et fluviales, devenues très-fragiles par
leur état fossile et se brisant au moindre contact, sont
ordinairement intactes lorsqu’on les découvre. On en
pourrait conclure que dans un temps très - reculé et
antérieur au dernier bouleversement, il y a eu là un
cours d’eau, un étang ou un marais, et que ces coquilles
fluviales sont nées sur place.
Quant aux coquilles marines toujours assez rares,
elles y auraient pénétré accidentellement, et de loin à
loin, à la suite d’un ras-de-marée ou même de marées
ordinaires qui auraient, poussées par le vent, dépassé
la hauteur normale.
C’est dans ces marais ou ces étangs que les grands
mammifères dont on retrouve les os auraient péri, ou
que leurs cadavres auraient été entraînés par les eaux,
sept et huit mètres au-dessous du niveau de la Somme. Ce sont
surtout des chênes qui ont ju squ’à trois mètres de circonférence;
leurs racines sont dans une terre végétale mêlée de sable jaune,
annonçant l’approche du diluvium. La tourbe à Mareuil a souvent
dix mètres d’épaisseur ; la terre végétale qui la recouvre n’a que
quarante centimètres. Peut-être une première couche de tourbe
y a-t-elle été, très-anciennement, exploitée : faute d’instruments
convenables, on n’enlevait que la superficie. Les troncs d’arbres
sur pied y paraissent moins communs qu’à la Bouvaque,
mais les arbres couchés y sont en grand nombre. Là encore il y
avait une forêt. On s’aperçoit, par leur racine et par leur position,
qu’ils sont tombés an lieu même où ils croissaient et par
une cause subite, car ils sont tou s, dit-on, couchés du même côté
ou la tête en amont de la rivière. Il doit en être ainsi dans toute la
vallée de la Somme. Ce fut un coup de vent venant de la mer, ou
une marée extraordinaire, peut-être celle qui a rompu l’isthme
joignant l’Angleterre au continent, qui causa ce grand bouleversement.
en même temps que les haches et les gros silex. Il est
évident que'si les coquilles avaient été poussées par ce
même torrent et mêlées avec les silex et les os, on n’en
retrouverait que peu ou point d’entières -, elles étaient
donc là lorsque les os et les haches y furent jetés. La
couche de sable aigre et les débris organiques qu’elle
contenait, amenée par un torrent ou une haute marée,
ou formée par les dépôts successifs d’une eau tranquille,
aurait ainsi, soit subitement, soit penà peu, comblé le
marais ou l’étang.
Les couches supérieures, celle de sable jaune, celle
d’argile ou de limon, enfin celle de silex brisés où il y a
absence complète de débris organiques, notamment de
coquilles, auraient été formées ensuite par autant de cataclysmes
différents, séparés par des périodes plus ou
moins longues; ou bien, comme nous venons de le dire,
par des sédiments lentement superposés. 11 faut admettre
l’une ou" l’autre de ces données, ou croire que les deux
modes de formation se sont alternativement succédé.
C’est aux géologues, plus habiles que moi, à résoudre
la question.
Maintenant nous en revenons à nos haches, qui, elles
aussi, vont jeter quelque lumière sur l’origine de ces
bancs : ici une donnée se fortifie par une autre. On a
souvent parlé de cette patine blanche ou jaune qui
recouvre les haches diluviennes d’Abbeville et dont
seraient dépourvues celles d’Amiens. Cette différence
n’est pas aussi générale qu’on a cru le voir, et j’ai trouvé
au moulin Quignon, et même à Menchecourt, des haches
qui, comme celles de Saint-Acheul, avaient conservé la
couleur primitive du silex : cela dépend de la nature du
terrain où elles ont séjourné. Ordinairement, celles qui