
CINQUIÈME PA R T IE ,
grec oinos (p. Foitinos, provenant de la Foins, lat. vîtis, ligamenteuse).
Ce mot grec passa dès lors dans la langue scythe sous la
forme masculine, qui cependant plus tard, dans les langues slaves et
germaniques septentrionales, tourna au neutre, d’après le latin vînum,
qui était plus généralement connu dans le commerce. Bien que déjà
les Scythes eussent dans leur religion le dieu du soleil Palcus (v.
p. 183), dont le nom correspondait à celui de Bakchos, le culte de
cette divinité/comme Dieu du vin, ne put cependant s’établir chez
eux, parce qu’il était repoussé comme une religion étrangère. C’est
ainsi que le roi scythe Skitlès fut chassé par son peuple, et plus
tard tué par son frère Okia-masadas, pour avoir pris part secrètement
au culte de Bacchus, célébré à Olbië (v. Vtèrod., IV, 80).
Comme' source de lumière et de l’enthousiasme moral et intellectuel
produit par les spiritueux (v. § 4SI), le Dieu du soleil était
aussi, chez les Scythes, le Dieu de l’intelligence (Cf. Gela, v. p. 27), de
la vision, dé l’inspiration et de la divination (v. p. ISO). Voilà pour'
quoi les devins étaient sous sa protection spéciale; et la divination
se pratiquait principalement moyennant des flèches, symboles des
rayons du soleil (v. p. 481), et auxquelles on substituait aussi des
baguettes faites du bois des arbres qui étaient particulièrémentcon-
sacrés au Dieu du soleil (v. § 191). La Divination se confondait
souvent avec la Magie, la Conjuration et-l'Incantation (v. p. ISO).
Or les Scythes, comme tous lés peuples de l’Antiquité, croyaient
que la guérison des maladies pouvait se faire par des opérations
magiques et par des formules de conjuration et d’incantation qu’on
appelait des bénédictions (pleisleis). C’est pourquoi le Dieu du soleil
et de la divination passait aussi pour le Dieu de la médecine; et
les devins de Skotaris (Archer) étaient renommés pour leur prétendue
science médicale. Comme dans l’Auiiquité les prêtres prenaient ordinairement
le nom et le costume du dieu qu’ils servaient (v. Les Amazones
dans l’histoire, etc. , p. 6), les devins de Skotaris (Toxaris)
prenaient également le nom et le costume de ce dieu. C’est ainsi,
paV exemple, que du temps de Solon, un scythe, devin de Toxaris
et portant son nom, vint à Athènes, où il fit des cures tellement merveilleuses
qu’à sa mort les Athéniens, confondant dans leur reconnaissance
le devin avec le dieu qui l’avait inspiré, érigèrent, près
de son tombeau, une stèle avec un bas-relief représentant V Archer
scythe (Skotaris, Toxaris), tenant de la main gauche son arc et de
la main droite un rouleau de flèches. Les Athéniens donnaient à
cet Apollon ou Hercule scythe les noms épithétiques de YHôte-Mé-
decin (gr. Xenos ialros) et de Préservateur (gr. Alkôn). On lui sacrifiait
annuellement un cheval blanc, comme les Scythes avaient
coutume de le faire au Dieu du soleil (v. p. 179). Sophoklès, le poète
tragique, a été, à ce qu’on dit, prêtre de cette divinité scythe,
dont le secours efficace fut éprouvé surtout lors de la grande peste
à Athènes et dont le culte subsista encore du temps de Lucien de
Samosate (v. Skuthès, 81, 3).
En sa qualité de Père et de Maître de la nation scythe, Targi-
tavus passait probablement aussi pour recevoir chez lui, après leur
mort, ses descendants et ses adorateurs. 11 devint ainsi le Seigneur
des Trépassés ou des Ames j. Aussi beaucoup de Scythes se consacraient
ils à lui (v. p. 46), c’est-à-dire qu’ils se donnaient la mort
pour aller servir, dans le ciel, leur père, leur maître et leur dieu.
C’est ainsi que Spargavisis, le fils de la reine Tomyris, se suicida
(Hérod., 1, 213), c’est-à-dire, sans doute, se consacra h Targitavus,
le Père de la nation des Massa-Gètes (v. p. 184), pour échapper à
l’esclavage qui l’attendait après sa défaite (v. p. 103) et pour aller
servir dans le ciel son aïeul le Dieu du soleil.
b. Le Dieu du soleil, ses dédoublements et ses héritiers dans la religion des
peuples de la branche gète.
§ f 13. LeD ieu d u soleil i*emplacé p a r la Béesse d u
soleil. — Le culte du Soleil avec les différents caractères et attributions
de ce dieu passa entièrement dans la religion des peuples
de la branche gète ; mais il y subit de grandes modifications par
suite de l’influence qu’exercèrent sur lui le culte, les attributions
et les mythes du Soleil, tels qu’ils existaient dans la religion des
peuples Kimméro-thrâkes, avec lesquels les Gètes, les descendants
des Scythes, étaient entrés en rapport direct (v. p. 38). D’abord la
séparation entre le soleil comme astre zoomorphe et le dieu anthropomorphe
qui présidait à cet astre, s’établit d’une manière plus
prononcée. En effet, lorsque les dieux anthropomorphes Oitosurus
et Targitavus eurent pris différentes attributions’ mythologiques
qui convenaient bien à eux en tant que personnes, mais qui ne con-
1 Cf. Gu ig n ia u t , Rel. de l’Antiq., I I I , 1 , p . 2 9 3 .