
L’idiome scythe étant resté le plus longtemps confondu avec lu
langue-souche, a aussi conservé plus longtemps que les autres
idiomes iafétiques l’énergie et la rudesse de la prononciation de
celte langue primitive. C’est pourquoi l’idiome scythe a maintenu,
dans le plus grand nombre de cas, les consonnes dures primitives
que les autres idiomes iafétiques ont adoucies ou changées en
aspirées et en molleê : Exemples ; scythe Pa/cus (vénérable), sansc.
P/iagas (vénérable), gr. Bakkhos (vénérable)1; scythe-viro-pata
(tuerie d’hommes), sansc. vadh (frapper, tuer), gr. othein (frapper);
scythe apia (terre), gr. aia (p. a/ïa, terre); scythe &onu$
(gentil), sansc. djana (gens), gr. genos (génération); scythe Davi-
Æetas (intelligence brillante), sansc. tchii (intelligence); scythe sa-
kiru (succin), sansc. kehira (p. çatchira, sérosité); scythe Æara-
maha (maison sur char), sansc. fcàar (voiturer); scythe lïola-skaïs
(prince à la charrue), sansc. /iala (soc); scythe Skulai (Protecteurs),
sansc. tchad (protéger), gr. Skuf/iai (Scythes); scythe pafa (frapper),
sansc. vadh (frapper), gr. ôthe'm (frapper), etc.
À commencer du huitième siècle avant notre ère, les tribus
scythes se différencièrent plus fortement entre elles dans les contrées
appelées aujourd’hui le Turkestan. Les. unes se portèrent au
nord-ouest, et formèrent la branche sarmale dont nous examinerons
l’idiome dans un Mémoire qui fera suite à celui-ci. Les autres
se portèrent au sud-est, et formèrent la branche sake, dont l’idiome
s’est mêlé bientôt avec celui des peuples avec lesquels les Sakes se
sont confondus. Enfin, une troisième partie du peuple scythe s’est
portée au sud-ouest, et a formé la branche skoloie, dont l’idiome
doit fixer ici particulièrement notre attention, puisque c’est de lui
qu’est sorti l’idiome gète.
A mesure que les Skolotes de la mer Noire sont entrés en contact
plus intime avec les Kimméries et les Hellènes, et qu’ils ont
1 Le thème PaKa (regarder, respecter), qui est mimique (voy. art. Langue,
Encycl. des Gens du Monde), diffère complètement du thème onomatopoétique
S-Paka ou PaKa (sonner, aboyer; cf. angl. bell, sonner, aboyer). Au thème
SPaKa se rattachent le mot sanscrit çvan (p. çvakn, aboyeur), le grec kuôn, le
latin cânis, le perse spakô (chienne), le grec huhnos (aboyeur, cygné), le russe
sobaka (chienne) et les noms propres épiques Sbesas, Sifka et Sibich. Au thème PaKa
se rattachent le scythe pagaia (chienne; Hésych., II, 834),le slave pes& (chien),
l’anglo-saxon bikke, l’anglais bitch, le français biche et le nom propre épique
norrain Bikki, identique avec Sifka (p. Sibeka).
subi l’influence de la civilisation plus avancée de ces peuples, leur
idiome a aussi dû s’adoucir en proportion, subir quelques changements,
et s’éloigner par conséquent davantage des formes anciennes
de la langue-souche. Voilà pourquoi, à côté des formes
primitives, se produisent aussi des formes déjà modifiées. Ainsi, par
exemple, à,côté de l’ancienne forme de Keias (dans Davi-Ketas) on
rencontre déjà la forme plus moderne de Gela (dans Massa-Getai);
à côté de la forme primitive de Tavus (dans Targi-Tavus) se trouve
la forme plus récente de Dams (v. p. 25); à côté de l’ancienne
forme de Pleistai (Bénis, v. p. 47) se produit la forme gète de
Ge-bleïztis (v. § 118); à côté de la forme primitive de tom (redoutable)
dans Tom-bagos, se produit la forme aspirée plus moderne
de Thami, dans Thami-rnasadas (v. § 160); à côté de l’ancienne
forme dure de Paktu (v. § 111) se rencontre plus tard la
forme adoucie de Bctgos (dans Tom-bagos), etc. Cependant, bien
qu’il y ait eu, déjà dans l’idiome scythe, un commencement de
tendance d'adoucir les consonnes dures, ce changement n’y a cependant
pas encore pris cette extension comme dans les autres
idiomes iafétiques, de sorte qu’il est vrai de dire, en thèse générale,
que l’idiome scythe ou skoloie, au moment où le dialecte gète s’en
est détaché, avait encore une prédilection pour les consonnes dures
et les a maintenues dans la plupart des cas, tandis que les autres
idiomes iafétiques, notamment le sanscrit et le grec, avaient depuis
longtemps adouci Ces consonnes, en les changeant, soit en aspirées,
soit en molles. Mais plus tard le dialecte gete, sorti de la
langue scythe, a également subi de plus en plus des changements
euphoniques, et il s’est détaché peu à peu de 1 idiome skolote, précisément
parce que, par suite de ces changements, la différence
entre lui et cet idiome était devenue tellement prononcée, qu’il ne
pouvait plus former dorénavant avec lui une seule et même langue.
Nous avons donc à signaler les différences principales qui se sont
produites entre l’ancien idiome skoloie et l’idiome des peuples de
la branche gète, à savoir des Gèles, des Dâkes, des Gotes et des Gé-
pides (v. p. 36).
§ 8©. C/RJMi.ctèi’cs tic T id iom e y r lr . — Comme les auteurs
anciens comprenaient les Gèles sous le nom de Thrâkes (v. p. 37),
ils ont souvent donné pour gèles des mots qui appartenaient
à la langue thràke, et dont quelques-uns, il est vrai, avaient passé