
de celte cruauté. Les exemples ne manquent pas non plus chez les
Goths et chez les Franks.
Une autre manière d’estropier les esclaves, usitée chez les
Scythes et leurs descendants, consistait à leur couper les tendons des
pieds ou des bras (Jornandès, Getic., III ; cf. les Énervés de Jumiège).
Dans la tradition mythologique des Scandinaves, il est dit que le roi
Nidudr fit couper les tendons des pieds à Vôlund, et le fil enfermer
dans une tour construite sur un îlot (holm) de la mer (v.
Vôlundarkv.). Les Scandinaves pratiquaient d’autres mutilations
sur leurs esclaves, surtout pour les punir de quelque méfait. On
appelait Stufa (Écourté) l’esclave auquel on avait coupé les oreilles,
et Nufa (Écorné) celui auquel on avait coupé le nez. Avoir la tête
rasée était le signe extérieur de l’esclavage chez les Scythes. C’est
que la plupart des peuples iafétiques (v. p. 17) regardaient la chevelure
non-seulement comme une chose sacrée, par laquelle les
femmes surtout juraient, et qu’on sacrifiait aux dieux et aux mânes
(v. Homère, IL, 23, 144), mais encore comme l’ornement de
l’homme (cf. les Franks Chevelus; norr. Haddingiar), et comme l’indice
de sa condition libre. Aussi, lorsque le roi indien Sagaras eut
vaincu les Yavanâs et les Kambodjâs (v. Peuples primitifs, p. 54), il
leur imposa l’obligation de se couper la chevelure; quant aux Scythes
ou Sakas qu’il avait également vaincus, il leur accorda la faveur
d’avoir seulement la moitié de la tête rasée (cf. Stobceus, chap. 145,
p. 432). Les archers scylhes qui étaient chargés d-e la police à
Athènes, et qui se considéraient comme serfs, avaient la tête rasée;
aussi les Athéniens disaient-ils scythiser (skulhizeïn) pour se raser
la tête à la manière des archers scythes, les esclaves de la ville.
§ 63. lies Hommes libres; les Octopodes; les Manants.
— Les Hommes libres, qui étaient la classe la plus nombreuse,
constituaient le peuple (scyth. laviti; gét. leul; norr. thiod)
proprement dit. Ils étaient propriétaires comme les Nobles, mais ils
n’étaient pas aussi riches qu’eux. Chez les Scythes encore nomades,
la propriété, qui était seulement mobilière, n’était cependant pas
mesurée d’après les troupeaux, mais d’après le nombre des chars
qu’on possédait. C’est que la grandeur des troupeaux était elle-
même en proportion de la grandeur de la famille, et la grandeur
de la famille, de même que le nombre des serfs, déterminait
le nombre nécessaire des chars, qui formaient ainsi la mesure de
la richesse. Le Scythe qui était simplement chef d’une petite famille
n’avait qu’un char (v. p. 98) attelé de deux boeufs, et un troupeau
proportionné, correspondant à son petit ménage. Ce petit propriétaire,
chef de famille, était appelé Octopode (scyth. akln-pâlus?)
d’après les huit jambes de ses deux boeufs. Plus le propriétaire
avait une famille nombreuse, de nombreux esclaves et de grands
troupeaux, plus aussi le nombre de ses chars était considérable.
Il y avait des Scythes qui possédaient jusqu’à quatre-vingts chars.
Lorsque plus tard les Scythes, devenus agriculteurs, se partagèrent
annuellement les terres, ce partage se faisait sans doute par lots
dont la grandeur était proportionnelle au nombre des chars; et lorsque
enfin, chez les Gèles et chez les Scandinaves, les chars furent
remplacés par des maisons ou manoirs (nu), la distribution était toujours
faite en proportion du. nombre et de la grandeur des manoirs
(v. p. 93). L’Homme libre, propriétaire d’un manoir et cultivateur
de ses terres, prit dès lors le nom de Manant (domicilié; norr.
buandi; cf. ail. nach-ènr). Quant aux chefs de famille qui étaient nouvellement
survenus, ils ne pouvaient entrer en partage avec les
autres que pour les terres nouvellement acquises, et ils restaient
par conséquent toujours inférieurs, quant à la richesse, aux familles
plus anciennes et plus puissantes.
Si le terrain appartenant au manoir ne suffisait pas pour nourrir
la famille, l’Homme libre ou le Manant cherchait un supplément de
subsistance dans la chasse, dans la pêche, et même dans le commerce.
Si, malgré cela, les ressources du Manant restaient insuffisantes,
surtout en tempi’s de disette, alors il se voyait obligé d’envoyer
ses fils hors du pays, ou, comme on disait, de leur montrer le
dehors (norr. ut visa), leur signifiant ainsi qu’ils eussent à chercher
fortune sur mer comme pirates, ou sur le continent comme mercenaires
(v. p. 40, note; cf. Duchesne, Script, no’rm., p. 62, 217).
De même que les Gèles et les Goths , sous le nom de Fédérés (Iat.
foederati), avaient servi, comme auxiliaires des Romains, pour une
paie annuelle, ou gratification (goth. anno, p. 40), de même plus tard
les jeunes Manants Scandinaves expatriés allèrent dans la Grand’-
Ville (norr. Miklagard) c’est-à-dire à Constantinople, pour y servir
dans les gardes de l’Empereur, sous le nom de Contractants (norr.
varingiar, de vara, contrat; gr. barangoi; fr. Varègues). D’autres
aventuriers, sous la conduite d’un jeuneNoble entreprenant, se firent