
§ 94. F irg u n is et F irg u n ia . — Tins n’étant plus reconnu
comme dieu du ciel, ne fut pas non plus adoré comme dieu de
l’orage fécondant (scyth. Pirkunis), ni comme Dieu des vents (scytli.
Vâtus). Mais Pirkunis (Orageux) et Vàlus (Agité), qui dans l’origine
étaient de simples épithètes de Tivus exprimant certaines qualités
attribuées à ce dieu, devinrent des noms propres servant à désigner
des divinités qui n’étaient que les dédoublements.de Tivus, c’est-
à-dire les personnifications de ses attributions considérées comme
autant de divinités particulières et distinctes. Ces divinités distinctes
s’établirent comme telles et dans le culte et dans la tradition
mythologique, et dans l’une et dans l’autre, elles furent
transmises aux peuples de la branche gèle qui leur donnèrent les
noms de Firgunis et de Vôihus. Il y eut dès lors, à côté du culte de
Tius, encore le culte de Firgunis, comme Dieu de YOrage, et çelui
de Vôihus comme Dieu des Vents.
De même que, anciennement, Pirkunis, selon la croyance des
Scythes, avait combattu les démons-géants nommés Thurses (Secs) et
ltnes (Mangeurs, v. p. 156), de même aussi le dieu de Yorage fécondant,
sous le nom de Firgunis, continua également, d’après la tradition
des Gèles, à lutter contre ces démons. Les Gèles croyaient,
comme leurs pères, les Scgihes, et comme leurs descendants, les
Germains et les Scandinaves, que les hommesTeligieux devaient assister
les Dieux dans leur lutte contre leurs ennemisl. C’est pourquoi
toutes les fois qu’il y avait un orage, c’est-à-dire un combat entre
Firgunis et les Unes, les Gèles, pour assister leur dieu, dirigeaient
leurs flèches contre les démons, c’est-à-dire, vers les nuages que
ces démons, à ce qu’on croyait, voulaient dévorer ou manger
(v. § 166). Hérodote, auquel on avait rapporté cet usage, crut
que ces flèches étaient dirigées contre le dieu de la foudre, c’est-
à-dire, contre Zevs Keràunios : cela lui parut être une grande
impiété qu’il ne put s’expliquer qu’en imaginant que les Gèles ne
respectaient pas Zevs parce c’était un dieu étranger, et qu’ils ne
voulaient adorer que leur dieu national Zalmoskis (Hérod., IV, 94).
Comme les nuages orageux se rassemblent ordinairement auprès
‘ C’est ainsi que, d’après la croyance des N o r r a in s , il fallait aider le dieu Ulh'
à allumer le feu a u to m n a l ; qu’il fallait contribuer à la confection du gros soulie
r d e V id a r ; qu’il fallait empêcher la confection dix navire iotnique appelé
N a g lfâ r i. (Navire d’ongles) , etc., etc.
des montagnes, et que les effets de la foudre se manifestent principalement
dans les forêts séculaires qui en couronnent les cimes,
Firgunis, le dieu de Y orage, était considéré, chez les Gèles, ainsi
que chez les Thrâko-Keltes, les Hindous et les Grecs, comme ayant
sa résidence sur une haute montagne, de même que le dieu Parddja-
nias l’avait sur le Mérou, et Zevs Keràunios sur l'Olympe. C’est pourquoi
les montagnes élevées et couvertes de sombres forêts étaient
consacrées à Firgunis, et appeléès, d’après son nom, fairguni (consacré
à Firgunis; cf. goth. fairguni, montagne). Telles étaient, par
exemple, les forêts qui s’étendaient au sud du Danube depuis la
Dacie et la Pannonie jusqu’à la Forêt-Noire, et que les Grecs,
d’après les Thrâko-Keltes, appelaient montagnes ou forêts herku-
niennes (gr. herkunioi drumoi, consacrées à Vercunus ou Herkunus).
Par la même raison, la montagne sacrée des Kimméro-Thrâkes de
la Phrygie était appelée Bérékun-thus (Domaine de Berekun ou de
Verkunus; cf. sansc. Maga-dhas, domaine de Maga); et c’est là que
fut célébré le culte de la déesse Kubelè (cf. fr. Gobeline') appelée ,
d’après cette montagne, la Bérêkunlhienne. L’épouse de Firgunis
s’appelait Firgunia (v. p. 175), et cette déesse correspondait à la
Terre Porte-montagne (kimméro-gr. Herkuna; cf. sansc. Parvvatâ-
dhârâ) des Kimméro-Thrâkes, que les Grecs appelaient, d’après
ceux-ci, l’Aïeule montagneuse (gr. Démêler herkuna; sansc. Pârvatî).
La tribu kelto-germanique des Burgondes (v. p. 67) tira aussi son
nom d’une contrée qui passait pour être le berceau primitif de
cette tribu, et qui portail le nom de Domaine de Berkun (Berkunth;
norr. Burgund; cf. Virgunth-avia ou Virgunth-eiva, Pays du domaine
de Virgun, dans Paul Diacre; cf. l’isle de Barchanis, Strab.,
lib. 7.
§95. Vâtl»us, Vâtlians et Thonars. — Dans l’action du
dieu de l’orage Firgunis, les peuples de la branche gète considéraient
principalement la fécondation, effet ou suite de l’orage; et
c’est pourquoi Firgunis était surtout adoré des agriculteurs. Ses
attributions ou ses qualités comme fécondateur absorbaient même
ses autres qualités comme dieu de la foudre ou du feu céleste, et
comme dieu des pluies d'orage ou des eaux sacrées (norr. heilag
vôin). Voilà pourquoi Firgunis se dédoubla peu à peu; le vent
d’orage fut attribué h Vâthus qui, ainsi que Firgunis, n’avait été dans
l’origine qu’un nom épithétique de Tins. Quant aux pluies d’orage,
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