
CINQUIÈME PARTIE,
au nom de Diâna (p. Divâna, la Céleste, Tenant du Ciel Divus), lequel
était proprement le féminin de Jânus (p. Dianus). Les ancêtres des
Hellènes la nommaient Sélènè (p. Svaliânâ, SFeilênê, Tenant du
Céleste ou de Svalios, ou de Hélios,; v. p. 178, note), nom qui exprime,
non pas comme celui de Diâna (gr. Diônè), son origine ou son séjour
céleste, mais ses rapports, comme soeur on comme épouse, avec le
Soleil fils du Ciel. La lune, comme astre, n’ayant point une forme
qui pût être rapportée tant soit peu , par l’imagination, à la figure
humaine, la déesse Lune, ainsi que le Soleil, fut conçue, dans
l’origine, comme une divinité zoomorphe. Or, le Soleil ayant été imaginé,
chez les différentes tribus et à une certaine époque, sous la
figure de certains animaux mâles en chaleur (v. p. 178), la lune,
par cela même qu’elle était considérée comme un soleil féminin,
passait aussi pour être l’animal femelle, correspondant à l’animal
mâle sous la forme duquel on se figurait le Soleil. Plus tard , prenant
en considération moins les rapports de la Lune avec le Soleil
que ses qualités particulières, la Mythologie a symbolisé cette
déesse par certains animaux qui avaient quelque rapport avec les
qualités prolifiques ou autres qu’on lui attribuait. Tels furent particulièrement
la biche, la truie, la chatte, etc.’, qui, encore plus tard,
restèrent des animaux consacrés à la Déessè de la lune.
A l’époque où les Scythes entrèrent dahs l’histoire, savoir vers
le septième siècle avant notre ère, leur divinité zoomorphe Lune
s’était déjà transformée en une Déesse anthropomorphe de la lune.
Depuis cette transformation, celte déesse put passer directement
pour la soeur ou l’épouse de Targitavus, qui, de dieu zoomorphe,
qu’il avait été dans l’origine (v. p. 178), était également devenu
dieu anthropomorphe. Comme soeur ou épouse de Oitoskuros ou
Targitavus, la Déessè de la lune eut quelques attributions, et prit,
par conséquent, aussi quelques noms épilhéliques, qui, les unes
et les autres, rappelaient les attributions et les noms du Dieu du
soleil. C’est ainsi, par exemple, que, le Dieu du soleil étant représenté
comme un jeune Héros Prompt à la chasse (scyth. Vailu-
skurus), on se figurait aussi la Déesse de la lune sa soeur ou son
épouse, ainsi que l’Artemis chasseresse (gr. agrolera; hékalè) des
Grecs, comme une jeune Héroïne Chasseresse, et on lui donnait,
par conséquent, le nom attributif de Prompte à la chasse (scyth.
Vailu-shura ; gr. Oiloskura; v. p. 180).
§ 1*8, LaDéesse île la lune préside à la Production.
— Une attribution de la Déesse de la lune, qui tenait, non comme
celle de Chasseresse, à sa forme extérieure, mais, comme on le
croyait, à sa nature ou puissance particulière, c’est celle de Déesse
de la Production. On considérait principalement la Lune sous le
point de vue d'e l’influence fécondante, qu’on lui attribuait, ainsi
qu’au Soleil, sur les plantes et sur les animaux. C’est pourquoi la
Déesse de la lune devint la divinité présidant à la fécondité, à la
génération et à la naissance (cf. lat. Lucina, Lima). En cette qualité
elle eut le nom épithéljque de Dame productive , dans le sens de
Dame favorisant la production. Or, dans la langue seythe, l’idée de
Dame (lat. domina) ou Maîtresse s’exprimait par le mot paza (p. patia,
puissante; cf. lat. polis; goth. faths) qui était le féminin de palis (puissant
, seigneur ; sansc. palis,- gr. posis; goth. faths); et l’idée depro-
duclive s’exprimait par l’adjectif artîn (sansc. arthin; vieux haul-
all. artîn) dérivé du substantif art (produit, chose, richesse; sansc.
arthas, production , naissance, espèce; ali. art, façon; lat. art-s').
C’est pourquoi la Déesse de la lune eut le nom de Artîn-paza, que
lesScylho-Grecs ont changé en Artim-pasa. Hérodote (1,131) ne soupçonna
pas que ce nom eût quelque analogie avec celui à’Arte-mids
(dorien Arta-mils, formé de arias ou artos, produit, récolte, pain, et
de mits, ou de milein, medein, mesurer, modérer, dominer; cf. Mi-
das, le Modérateur, espèce de Bacchusou de Soleil; Medeïa Modératrice,
Déesse de la lune2). Aussi ne songea-t-il pas à expliquer le
nom d’Artîn-paza par son équivalent grec Artémis. Mais reconnaissant
du moins, avec raison, comme caractère distinctif de la
déesse seythe son attribution de Déesse de la génération, il donna
comme nom grec équivalent du nom seythe d’Artînpaza, celui
A’Aphroditè Ourania (Vénus céleste), et ajouta, pour prouver celte
équivalence, que Artîn-paza avait de l’analogie avec la Mulitta (syr.
* Le thème dont dérive art est aRa (ou aLa), qui exprime l’idée de progression'.
Le participe passif fort est ar-n (produit, gagné, récolté; vieux h. ail.
arn). Le participe passif faible est ar-t. Comme le substantif art signifie production,
espèce, l’adjectif dérivé artîn avait aussi la signification de gentil,
noble. Voilà pourquoi, dans Les Scythes, p. 41, j’ai cru devoir expliquer Artînpaza
comme signifiant Noble Damé. Mais je préfère aujourd’hui prendre le mot. art
dans sa signification primitive de produit, gain, et traduire par conséquent Ar-
tîn-pam par Dame productrice ou productive.
4Cf. Guigniaut, Rel. de l’Ant., III, 2, p. 423