
Vous comprendrez, Messieurs, que ceci n’a rapport
qu’aux vérités morales et que je n’ai pas la prétention
de l’appliquer à ma modeste trouvaille et au petit coin
du voile qu’elle peut aider à soulever.
Après ces objections sur l’ensemble de mon livre, ou
ce qu’on peut nommer sa moralité, on en vint aux détails :
on mit en question la nature des bancs. Ici M. Rigollot
ne fut pas plus ménagé que moi-même : savant naturaliste
et habile archéologue, on ne voulut pas qu’il sût distinguer
un terrain remanié de celui qui ne l’était pas; on
lui refusa le savoir que possède le dernier des terrassiers;
enfin, pour saper son travail dans sa base, on prétendit
que les bancs de Saint-Acheul, de Saint-Roch, et conséquemment
ceux d’Abbeville et de Paris, leurs analogues,
étaient non seulement de formation récente, mais une
création toute moderne et qui n’avait pas précédé de
beaucoup l’arrivée des Romains dans les Gaules. En
vain ces bancs dénommés diluviens par Elie de Beaumont
et, précédemment, par A. Brongniart, et par Cuvier
qui y avait découvert* une partie de ses grands fossiles,
ces bancs qui déjà de tertiaires qu’ils étaient, il y a dix
ans, étaient devenus quartenaires, rajeunis encore et,
changeant à la fois de nom et d’état, n’étaient plus que
des terrains remaniés. — Mais remaniés par qui? — Par
mun. Celui qui l’a vue le premier, n ’y a pas plus de droit que les
autres, il ne peut pas plus dire : elle est à moi, que l ’astronome
ne le dira de la planète qu’a trouvée sa lunette. Mais dût-il même
au hasard sa découverte, en est-elle moins un bienfait pour tous ?
Non. Heureux donc celui qui l’a faite! car l’acquisition d’une
vérité nouvelle vaut souvent mieux qu’une mine d’or, et nous
parut-elle stérile, tôt ou tard elle devient féconde. »
l’homme? — Non ; toute la population des Gaules n’y
aurait pas suffi. — Par un cataclysme? — Lequel? —
Serait-ce un cataclysme récent, postérieur au déluge de
Je vous le demande, Messieurs, quand le souvenir
du déluge de l’Écriture est resté dans la mémoire de tous
les peuples, comment la tradition d’une catastrophe nouvelle
et qui, ainsi que la précédente, aurait bouleversé la
surface terrestre, ne serait-elle pas venue jusqu’à nous?
comment aurait-elle été oubliée, même au temps de
César, puisque ni lui ni aucun historien n’en parle?
comment aussi ces bancs, résidus d’un courant qui
balayait ce sol habité par des hommes si rapprochés de
la civilisation, ne présenteraient-ils rien qui en rappelât
les arts et les monuments: ciments, poteries, métaux?
pourquoi n’y trouvait-on pas non plus les espèces domestiques
et les races aujourd’hui indigènes? Non, dans
ces bancs tout dénonçait l’enfance des âges et une nature
disparue : tous les débris organiques y étaient fossiles.
Ce cataclysme récent ou ce remaniement subit de
l’enveloppe, à une époque si rapprochée de nous, est
donc démenti : d’abord par le silence de la tradition,
puis par la figure du sol; enfin par la composition des
lits. Si nous attribuons cette modification de la superficie
et la formation des couches à des dépôts successifs, nous
aurons pour nous cette superficie même et ces jalons
qui heureusement ont leurs dates et qui peuvent ainsi,
sur bien des points, nous montrer presque d’année en
année, l’histoire de ce sol et les variations de son niveau,
et je dirai : quapd la position des monuments, dont
quelques-uns, tels que ceux de Ninive, les Pyramides
d’Égypte, les constructions dites cyclopéennes, remon