
Au milieu du septième siècle avant notreère, les Scythes apprirent
à connaître l’Artémis tauropolos des Kimméries et l’Artémis d’E-
phèse des Grecs ; mais ni l’une ni l’autre n’exerça quelque influence
sur le culte de leur déesse Artin-paza. Jamais les Scythes n’ont
considéré leur déesse à la fois comme mère et comme vierge; elle
était pour eux toujours la Déesse de la procréation et elle protégeait
les jeunes gens, non en tant que vierges, mais en tant qu’aptes
au mariage. Encore du temps d’Hérodote, les Scythes attribuaient
l’impuissance à la colère ou à la malédiction de la Déesse de la
procréation. La déesse Artin-paza différait donc de la déesse kim>
mérienne, au point que celle-ci put passer pour une divinité étrangère
aux Scythes; aussi ne respectèrent-ils point, lors de leur invasion
dans la Tauride, le sanctuaire de l’Artémis kimmérienne.
Les Scythes ayant expulsé les Kimméries de ces régions, le culte de
l’Artémis tauropolos cessa dans la Chersonèse, et ses prêtresses,
les Druidesses kimmériennes, disparurent de cette contrée. Mais
bien que le culte, à la fois orgiastique et ascétique de Y Artémis Tauropolos,
avec laquelle les Grecs avaient mis en rapport Y Ar témis-
lphigénéia et YOrestès-Dionusos de Lemnos, eût cessé dans la Tau-
ride , les anciennes traditions sur celte déesse kimmérienne, ainsi
que celles sur Orestès et sur lphigéneïa, se conservèrent néanmoins
parmi les Grecs. Or, comme les Scythes avaient pris la place des
Kimméries dans la Chersonèse laurique, et que peu à peu ces contrées
au nord de la Mer Noire furent désignées sous le nom général
deScylhiefv. Les Scythes, p. 17), les Grecs substituèrent aussi le nom
des Scythes à celui des Kimméries dans les traditions historiques et
mythologiques de la Tauride. Voilà pourquoi l’Artémis tauropolos
des Kimméries eut, dans la tradition mythologique des Grecs , le
nom d’Artémis scythique (Diod., II, 46), bien qu’il y ait eu une
différence marquée entre cette déesse et Y Artin-paza des Scythes.
Celte dénomination d’Artémis scythique devint de plus en plus ordinaire
dans les poètes tragiques du siècle de Périklès, d’autant
plus qu’à cette époque la civilisation grecque, commençant à rougir
du culte sanguinaire de Y Artémis tauropolos (cf. Kallimachos, Hym.
ad Arlemid.), ne voulut plus qu’on le prît pour un culte grec originaire
de Lemnos, mais préféra en attribuer l’origine aux Scythes,
qui alors passaient encore pour des barbares. Ayant confondu la
Déesse taurique avec Y Artin-paza scythe, les Grecs donnèrent également
aux Femmes Victimaires, ou à la Tuerie d’hommes de celle-
ci, le nom d’Amazones, par lequel ils désignaient les prêtresses de
celle-là. Sans doute il y avait extérieurement quelque ressemblance
entre les unes et les autres; mais les Victimaires scythes avaient
une origine distincte de celle des Prêtresses kimmériennes ; elles
ne portaient jamais le nom d’Amazones, si ce n’est dans les récits
fabuleux des Grecs, et leur caractère, quelque peu sacerdotal, ne
les obligeait nullement à faire voeu de virginité.
§ i ; i l . A rtîn p a z a Déesse «le la Divination et Maître
sse «tes Aines. — De même que le Dieu du soleil était également
le Dieu de la Vision, de Y Inspiration et de la Divination (v.
p. 185), de même sa soeur ou son épouse, la Déesse de la lune,
paraît aussi avoir présidé à la Divination, à la Magie et à Y Incantation.
En effet la Tuerie d’hommes d’Artîn-paza ou les Femmes Victimaires,
qui étaient au service de cette déesse, n’avaient pas seulement
l’office de tuer les prisonniers de guerr'e destinés au sacrifice, mais
elles étaient aussi chargées de pronostiquer le destin et les événements
futurs , en examinant les entrailles et le sang de ces victimes.
Ces prédictions étaient sans doute faites sous l’invocation et d’après
l’inspiration de la déesse Artîn-paza.
Déjà à une époque antérieure à la séparation des différentes
races iaféliques de leur souche commune, la Déesse de la lune s’était
confondue avec la Nuit, qui était considérée comme la Mère,
du sein de laquelle tout était sorti et au sein de qui tout devait
rentrer (v. p. 208). Il semblait donc naturel aux Scythes de supposer
que les hommes, après la mort, se rendraient en partie chez
leur Père Targilavus (v. p. 187), et en partie chez leur Mère Artîn-
paza, qui avait pris quelques-unes des attributions de la Déesse de
la nuit. Il est probable que le Dieu du soleil et la Déesse de la lune,
comme divinités faisant la réception des Morts, portaient, déjà
chez les Scythes, les noms de Kvâleis (Effrayant, Noir ; norr. Râlr;
sansc. Kâlyas; gr. Hâdès) et de Kvâlei (Effrayante, Noire ; norr. Hel;
sansc. Kâlî1).
'Le thème KaLa exprime l’idée de frapper (-ef. lat. cellere)>, de là le mot
sanscrit kalas (frappant, coup, instant). Frapper est aussi synonyme àe effrayer.
De là le mot Sanscrit kalas (effrayant, noir). De kâlas dérive la forme kâlyas (tenant
du noir), à laquelle correspond la forme grecque primitive haliès, qui s’est
changée par transposition en Haïlës (cf. Moïra p. Maria), et Haïtes s’est changé