
invoquait l’assistance devait devenir préalablement, d’une manière
symbolique, le parent de son futur protecteur, ce qu’il faisait en
prenant d’abord part au sacrifice fait par celui-ci, ët en plaçant ensuite
le pied sur la peau du boeuf sacrifié, comme le faisaient tous
les parents et alliés présents à cet acte religieux, indiquant par là
qu’ils faisaient tous partie de la même famille (Lucien, Toxaris).
Plus lard, chez les Germains, la peau de boeuf fut remplacée par
un soulier fabriqué avec cette peau; et ce soulier devint, dans la
suite, le symbole de la parenté, et par conséquent de l’adoption,
de l’alliance (cf. ail. Bundschuh) et de la succession, de sorte
que chausser le soulier de quelqu’un signifiait symboliquement
lui succéder comme parent, comme fils adoptif, comme héritier
(cf. Grimm, Rechtsalterth., p. 153, 463). Chez les Slaves et chez les
Scandinaves, lorsque deux hommes voulaient devenir frères d’armes
ou amis, ils pratiquaient une cérémonie symbolique qui signifiait
qu’ils mouraient pour renaître frères utérins l’un de l’autre, (v.
p. 77 note). Yoici en quoi consistait celte cérémonie : On pratiquait
une ouverture dans la terre, considérée comme la mère ou la matrice
par excellence (V. § 102), en soulevant une large bande de gazon
qu’on étayait en dessous avec une lance. Les |deux hommes y descendaient
comme dans une tombe (v. § 183), et s’y tenant accroupis,
s’entrelaçaient de leurs bras comme des jumeaux dans le sein
maternel. Ils suçaient ensuite quelques gouttes de sang l’un de
l’autre, pour indiquer par là l’identité ou la communauté de leur
sang comme frères. Enfin, ils sortaient de cette matrice symbolique
comme par une nouvelle naissance au moyen de laquelle ils étaient
devenus frères utérins (slav. pobratimi) ; et comme frères ils étaient
dorénavant les protecteurs nés et obligés (v. p. 117) ou les souteneurs
l’un de l’autre (Hérod., IV, 70).
Le devoir de l’hospitalité était, ainsi que celui de l’amitié, rapporté
au droit du sang ou de la famille; aussi le passant jouissait-il
de l’hospitalité, non en sa qualité d’étranger ou d’homme ayant
besoin d’assistance, mais parce qu’il était considéré, momentanément
du moins, comme un membre de la famille. Le foyer étant
inviolable (v. § 142), le voyageur qui était entré dans une demeure
y jouissait des droits du foyer; on lui devait, comme aux autres
membres de la famille, nourriture, aide, assistance et protection.
§ ’Si. Ii’exercice aïe I» Justice. — La justice telle qu’elle
était pratiquée chez les peuples anciens, et particulièrement chez
les Scythes,et leurs descendants, était également la conséquence du
droit du sang ou de la protection qu’on devait aux siens. Comme
les membres de la famille, de la tribu et de la nation étaient censés
s’appartenir les uns aux autres par le sang, ils devaient aussi venger
les injures faites à quelqu’un des leurs par quelqu’un de leur nation.
Aussi n’y avait-il que les hommes du même sang qui fussent justiciables
ou soumis à ce jugement; l’élranger qui, en usant de son
droit, du droit du plus fort, avait commis quelque violence contre
un membre de la famille, de la tribu ou de la nation, était repoussé
ou contenu, et puni, non par voie de justice, mais par la force;
on lui faisait la guerre, on ne le jugeait pas; c’était un ennemi
auquel on courrait sus, et non un coupable qu’on condamnait.
La justice, comme revendication des droits du sang, était une ven-
qeance (lat. vindicalio) exercée au nom de la famille et de la tribu,
pour demander réparation de l’injure ou du préjudice fait à un
membre de la famille ou de la tribu par un de ses frères, parent ou
compatriote. Cette justice ou celte vengeance, bien qu’elle ne fût
pas une guerre réelle, en avait cependant les apparences. C’était
en quelque sorte un duel qui avait lieu, en Conseil de famille, entre
les juges et le coupable ; et comme ce coupable était un homme
du même sang que les juges, on lui devait certains égards; le
duel devait être loyal, et, comme tel, s’entourer de toutes les garanties
de la justice. La procédure, l’appareil et la forme judiciaire
étaient par conséquent les mêmes que les formes d’un duel régulier.
Le jugement avait lieu en champ clos (cf. norr. vêbônd), en
plein air, à la face du Soleil (v. § 123), sur la place publique (norr.
thing) ou sur la butte de l’assemblée (norr. mâl-biôrg), en présence
de l’Épée (Gaizus), le symbole de la divinité (Hérod., IV, 62).
Les juges vengeurs de la famille ou de la société étaient douze
hommes-libres, représentants de la famille ou de la tribu. Appelés
pour défendre la tribu ou la famille attaquée par le coupable, ils
étaient convoqués de la même manière qu on convoquait les hommes
pour la défense du territoire menacé par l’ennemi (v. Grimm,
Rechtsalterth., p. 839). Ils venaient et siégeaient çn armes, sous la
présidence de leur chef, le Nomarque ou le Roi, dont le bouclier,
symbole de la royauté et du Soleil clairvoyant, était suspendu à
. l’arbre (v. § 123) au pied duquel il siégeait. Ils prononçaient le