
sacré de l’autel, s’il venait à s’éteindre, ne pouvait être ravivé qu’au
moyen des rayons du soleil ou.par le feu provenant de la foudre. Dans
l’Inde, le dieu Agnis était représenté avec deux faces indiquant
qu’il était à la fois le feu céleste et le feu terrestre; et ce qui prouve
que ce Dieu du feu n’était que le dédoublement du Dieu du soleil,
c’est qu’on se le figurait monté sur un bélier qui était l’animal consacré
au Dieu du soleil (v. p. 190). Dans l’origine le feu terrestre
(le Mordant, le Dévorant) était adoré comme une divinité zoo-
morphe, soit comme Serpent (sansc. ahis; gr. echis; lat. angvis.
soit comme Loup (ex. le Loup d’Apollon), soit même comme Bélier
(cf. Phryxus). Dans la suite, au lieu d’adorer le Feu lui-même on
adorait le Dieu du feu, et dès lors cette divinité dut devenir anthropomorphe.
Comme le feu terrestre passait pour être une Production
ou une particule détachée du feu céleste, c’est-à-dire du
soleil ou de la foudre, la divinité qui présidait au feu terrestre
était aussi considérée comme la Fille du Soleil ou de la Foudre.
C’est ainsi que, dans la Mythologie hindoue, la Déesse du feu Tapatî
(Fomentante, Échauffante; cf. lat. tepida, tiède) était Fille de
Vivasmân (le Découvert, le Soleil) et de Tchâyâ (Ombre, Nuage
orageux).
§ 149. La déesse T avili citez les Seytlies. — Les
Scythes donnaient à la pierre focale (pers. adoscht; gr. eschara)',
c’est-à-dire à la pierre sur laquelle on allumait le feu (ugnis) le nom
de bt'ûlée (scyth. tapitî, iavili; cf. sansc. dhavitd). C’est pourquoi la
Déesse du feu était aussi appelée Tavili (Hérod., IV, 59, Tahiti) d’après
la pierre focale qui lui servait d’autel (gr. hestia). On considérait
sans doute celte déesse comme la fille de Tivus (le Ciel) ou de Pirkunis
(v-. p. 156) le Dieu de la foudre, et plus particulièrement comme 1
1 Un animal anguiforme, qui, ainsi que ses congénères réels ou fictifs, tels que
le crocodile, le dragon (chinois lung), la salamandre, etc., a été consacré' au
dieu du soleil ou à "celui du feu, c’est le lë%ard, dont le nom germanique estegi-
dehsa (ail. ei-dechse). Ce nom se compose de egi, qui signifie serpent (parce que le
lézard est un serpent à quatre jambes) et de dehsa (la taissonne), parce que le
lézard est bas sur jambes et marche les pieds tournés en dehors, comme le basset
et le taissdn Letaisson (it. tasso, de l’allemand dachs) est ainsf nommé parce que
c’est un animal fouilleur (angl. dig, ditch fouiller), qui se creuse| pour s’y loger, un
trou ou terrier. Le lézard, ainsi que le taisson, a aussi sa retraite dans un trou. Dans
un ouvrage intéressant qui vient de paraître : Essai de Paléontologie linguistique,
l’auteur, M. Adolphe Pictet, explique le nom de egi-dehsa comme s’il signifiait
ayant le corps ou la peau d’un serpent, voy. p. 498. -
la fille de Targitavus, le Dieu du soleil. Comme la production et
l’emploi du feu, soit pour un sacrifice, soit po_ur l’usage dans la
famille, passaient, chez les peuples primitifs, pour une faveur, ou un
privilège accordé par le Ciel, ou bien pour un avantage résultant de
l’industrie ou du travail individuel, on attachait naturellement au feu
qu’on avait allumé artificiellement l’idée de privilège, de propriété
exclusive, et on n’accordait la jouissance de son feu et le droit de
participer à son sacrifice, qu’à ceux qu’on considérait comme les
siens ou comme sa famille (v. p. If 7). Le feu (ugnis), et par suite la
pierre focale (taviti)ou le foyer (lat. focus, foyer, feu), ainsi particularisé
et en quelque sorte approprié pour l’usage religieux et
économique de la famille, devint donc par cela même le signe extérieur,
le symbole et par suite le nom de la famille (scythe taviti,
foyer, famille; cf. turc odjak, foyer, famille). Ensuite, comme dans
l’état patriarchal, non-seulement la tribu, formée par l’agglomération
des familles, mais encore la nation tout entière formée par
l’agglomération des tribus, constituaient également une famille plus
ou moins étendue, le nom de foyer (taviti) servait aussi à désigner non-
seulement la famille mais encore la tribu, et par extension la nation ou
\e peuple (d. Tavit-varus, Garde-peuple, p. 184; kelt. Teut-atès, Père
du Peuple ; golh. thioth, p. theuth, famille, tribu ; pers .dûd, p. dhavid,
foyer, nation). Tavili, la Déesse du feu, était donc à la fois la Déesse
de la famille, de la tribu et de la nation, et, en cette qualité, elle
avait le surnom épithétique de Reine des Scythes (Hérod., IV, 127) ,
comme son père Targitavus avait celui de Protecteur dupeuple (scythe
Tavit-varus; scylho-grec Teut-aros). Enfin comme, chez les peuples
anciens, l’idée de famille se rattachait à celle de foyer, et que le feu ou
le foyer était le représentant du domicile, la Déesse du foyer était
aussi la Déesse protectrice du domicile. En latin Vcsta (Fixe, cf. lat.
[esta; ail. feste) signifiait proprement Établie, Habitation (cf gr. asm,
p, vastu, habitation, ville), et devint le nom de la Déesse du domicile
représenté par le foyer. En grec hestia (sous-entendu eschara,
pierre focale) signifiait originairement la domicilière, c’est-à-dire la
pierre focale ou le foyer du domicile ou de l’habitation, et devint
ensuite le nom propre de la Déesse du Foyer et de l’Habitation
En sa qualité de Déesse du Foyer et du Domicile, Taviti portait,
‘Le nom de Hestia est, quant à sa forme, un adjectif féminin dérivé d’un
autre adjectif féminin hesta correspondant au latin resta (festa).