
CINQUIÈME PARTIE,
groupe d’îles nommé A'iaïa (Insulaire). D'après la cosmographie noi■
raine, le disque terrestre, appelé Y Enclos-moyen (norr. Mid-gardr),
est entouré de l’Océan symbolisé par le Serpent-de-mer, qui est sur-
nommé le Charmeur solaire (norr. lôrmun-gandr). De même que,
d’après la cosmogonie des peuples anciens, la terre était sortie de
l’Océan, elle devait aussi, d’après Y eschatologie de ces peuples, y
rentrer à la fin des siècles et en ressortir de nouveau à la renaissance
ou à Y_apokatastase des choses. De là, dans l'Eschatologie
norraine, l’idée que la terre brûlée par le feu du Gâte-monde (norr.
Mu-spell) tombera dans l’Océan et en ressortira comme une île verdoyante
et merveilleusement fertile. On conçoit, d’après toutes ces
données, que, dans les langues anciennes, l’idée de pays ou de terre
a pu être exprimée originairementfpar un mot signifiant île, et que
le mot île a exprimé, étymologiquement l’idée de aquatique dans
le sens de issue de l’eau ou de nageant sur l’eau.
§ l O l . J ü T o m s p r i m i t i f s « S e l a t e r r e . — Ce qui frappait
surtout les hommes primitifs à la vue de l’eau, c’était sa surface
plane, contrairement à la surface inégale et accidentée de la terre.
La notion d’eau était donc logiquement renfermée dans la notion
caractéristique de plan; et comme cette notion impliquait un sens
plutôt passif (féminin) qu’actif (masculin), la notion d’eau était logiquement
identique à la notion de chose ou matière plane. Or, la
notion de plan avait, dans les langues iaféliques primitives, pour expression
phonique naturelle v;t nécessaire, la forme idéelle ou le
thème aPa (v. Poèmes islandais, p. 408), qui, grammaticalement
et euphoniquement déterminé dans les différentes langues de cette
famille, s’est produit, avec la signification de eau, sous les formes
réelles du sanscrit ap et àp, du zend ach (ci. achtwa, p. aptya, aquatique)
, du persan âb , du latin aqva (cf, cequor, niveau), du gote
ahva, de l’allemand ach. Pour exprimer ensuite l’idée de issu de
l’eau, on s’est servi de la forme de dpia (sansc. âpia-s), adjectif
dérivé de âp; et comme l’idée de terre, conçue par opposition au
ciel, qui était masculin, impliquait le féminin , la notion de terre
(issue de l’eau) fut exprimée par l’adjectif féminin âpiâ employé
comme substantif. Ce mot apia (terre) appartenait, comme nom
propre de la Déesse Terre, au fonds primitif de la langue et de la
religion des peuples iaféliques. Ce nom a donc dû se trouver dans la
langue et dans la religion primitives des Hindous ; et peut-être le
retrouvera-t-on encore dans les plus anciens chants des Védas. Cependant
ce nom a été remplacé de bonne heure, dans la religion
des Hindous par un autre plus conforme aux moeurs pastorales des
premiers colons aries de l’Inde. En effet, les divinités, avant d’être
considérées comme êtres anthropomorphes, ayant été conçues d’abord
comme êtres zoomorphes, et les Hindous estimant beaucoup le
taureau et la vache, ce peuple a adoré la terre nourricière surtout sous
la forme et sous le nom de la vache. Or, dans les langues iafétiques,
la notion de taureau ou de vache était originairement impliquée
dans celle de mugissant; et comme l’action de mugir s’exprimait
naturellement par l’onomatopée bd (gr. bou-s; lat. bov-s) ou ko
(scythe kû, vache ; cf. kû-kunagus), le sanscrit a désigné la vache
et par suite la terre, par le mot gau (lat. ceva, vache; golh. gavi
n. terre, district; ail. gau, district). Le dialecte éolien et le latin
qui en est dérivé, possédaient également le mot gava (vache), et
ils ont dérivé de ce mot les adjectifs masculin et féminin gavius et
gavia ayant la signification de issu de vache (ou jeune taureau), et de
issue de vache (ou jeune vache ou génisse). Les Latins ont changé Ca-
vius ou Gavius et Cavia ou Gavia, en Cajus (Gains, jeune taureau)
et Caja (Gaïa, génisse), et ont désigné par ces mots particulièrement
le jeune marié ou le maître de la maison et la jeune mariée ou
la maîtresse de la maison (cf. sansc. mahischi et mahischî, taureau et
vache, ou maître et maîtresse de la maison), comme l’indique la formule
romaine prononcée et adressée par la jeune mariée à son maître
au moment où elle entra dans son domicile : Ubi tu Caius ego Caia
(où tu est le taureau je suis la génisse). Les Grecs ont conservé, dans
le dialecte éolien, le mol gaïos avec le sens de taureau (v. Hésych.,
s. v.), et ils ont employé le féminin gaïa (génisse) pour désigner
par ce nom, ainsi que l’ont fait les Hindoux par le mot de gau, la
terre nourricière (ion. gè ; dor. gâ, contracté de gaïa). Ce mot de gaïa
a été substitué de bonne heure à l’ancien mot nia (p. a¥ia), qui correspondait
au mot primitif apia, comme, dans l'Inde, gau et
d’autres mots semblables furent substitués au mot primitif âpiâ.
Cependant le nom de Aïa s’est maintenu dans la tradition mythologique
et épique des Grecs. Ce mot a pris plus particulièrement la
signification de île, comme le prouve d’abord le nom de la nymphe
Ma (personnification d’une île du Phasis) qui, poursuivie, selon la
tradition mythologique, par le Fleuve Phasis, se métamorphosa en