
s’adressât directement aux Dieux qu’on invoquait ; il fallait connaître,
par conséquent, le lieu qu’on supposait être celui de leur Séjour
habituel. Dans l’origine, lorsque les Dieux étaient encore zoo-
morphes et des objets toujours visibles de la Nature, tels que le
ciel, la terre, le soleil, la lune, etc., on s’adressait directement à
ces objets divinisés pour les invoquer ou les adorer, et il n’y avait
pas lieu de donner à ces Divinités des temples pour demeures, ni de
les représenter par des images quelconques, afin de les rendre présentes
à la vue. Mais plus tard, lorsque les Dieux furent devenus anthropomorphes
, ils étaient censés appartenir à une même racé ou
famille et avoir une seule et même demeure, savoir le ciel; de
sorte que le nom le plus ancien pour désigner les Dieux comme
race, genre ou famille divine, était celui de Célestes (v. p. 255). Étant
donc devenus anthropomorphes, les Dieux n’étaient plus comme
antérieurement des objets de la Nature divinisés et toujours ri-
sibles; ils présidaient seulement à ces objets, qui, autrefois, passaient
pour être,eux-mêmes des dieux, et ils devinrent des Génies anthropomorphes
ou les Divinités, généralement invisibles, de ces objets
toujours visibles. Des lors on songea à rendre aussi ces Divinités
célestes toujours visibles, en les supposant en quelque sorte incarnées,
chacune, dans une Image; et pour mettre ensuite cette Image à l’abri
dans une demeure, et pour la soustraire aux regards profanes et indiscrets,
elle fut placée dans un Sanctuaire, où on venait l’adorer.
Si les Scythes n ont pas eu des Images de leurs Divinités, cela ne
tenait pas à leur inexpérience dans l’art plastique (v. p. 125) ; car
les peuples primitifs sont toujours assez habiles pour fabriquer
quelque image informe et grossière de leur Dieu; mais cela provenait
de ce que, habitués en toutes choses à s’en tenir au strict
nécessaire, ils ne sentaient pas encore le besoin d’avoir des Images
des dieux qu’ils adoraient, ni par suite des Temples pour les abriter.
Aussi longtemps que les Scythes, encore nomades, n’avaient pas
eux-mêmes des demeures’/San», ils ne songeaient pas non plus à
construire des demeures à leurs Divinités (Hérod., IV, 59). Us n’avaient
qu’un offertoir ou table de sacrifice (cf. gotb. biuds; norr.
b'iodr), dressée en plein air et en face du ciel ; et c’est en dirigeant
leurs regards au ciel, comme vers îa demeure supposée des Dieux
ou des Célestes, qu’ils pratiquaient Y adoration et faisaient Y invocation.
Pour les Sacrifices de famille, la pierre focale ou le foyer de la
famille (v. p. 226) servait d’autel, et pour les Sacrifices publics l’autel
c’était le foyer du chef de tribu ou le foyer de Taviti (v. p. 228).
L’offertoir de Taviti était érigé sur le lieu de l’assemblée ou sur la
terrasse publique (norr. mâl-biôrg, log-biorg ; cf. Hérod., IV, 62) ,
et c’était une espèce de support (lat. âra p. ansa; sansc. ans as,
épaule, soutien, v. p. 256), un échafaud ou une grande table faite
en charpente ou de dalles en pierre, à l’instar des tables-pierres
(kelt. dôl-men) des Keltes. Monté sur cet offertoir, auprès duquel
s e trouvait fiché en terre le Glaive ou le Dard (scyth. Kaizus,x.
p. 158), le symbole du Dieu du Ciel, qui, eomme Dieu Suprême,
présidait aussi à la guerre (v. p. .157), le sacrificateur ou les Femmes-
Vielimaires (scyth. vairo-pata, v. p. 309) y immolaient les victimes
destinées, soit aux sacrifices (v. p. 274), soit aux consécrations
(y. p. 279). Quand la tribu nomade comptait séjourner longtemps
au même endroit, cet offertoir public était entouré d’un fossé e^
d’une clôture à claire-voie (cf. Gerrhes, p. 281), faite de bâtons
de coudrier (norr. hoslur). La terrasse ainsi entourée était sacrée
(scyth. vaihus; goth, veihs) et inviolable et formait une espèce de
Fort (goth. alhs, temple; lat. airs, fort; cf. gr. alkè, force). Dans ce
Fort on gardait les armes et les enseignes et les objets sacrés composant
le trésor du Dieu suprême. Chez les Scythes de la mer Noire
ce trésor renfermait la charrue d’or, le joug d’or, la gourde d’or
et la hache d’armes d’or, tous objets sacrés qu’on disait être tombés
du ciel (Hérod., IV, 5)r. La possession de ce trésor était attachée à
la royauté, parce que le roi était également le Pontife suprême de
la nation (v. p. 270). Aussi est-il dit, dans la traditon, que Hleipo-
skais et Arpo-skaïs ont cédé à leur frère Kola-skais (v. p. 92) la
royauté, lorsque celui-ci fut devenu possesseur de ce trésor sacré.
Pour que les rois pussent disposer à leur gré de ce trésor, ils préposaient
à sa garde des esclaves, qu’ils pouvaient mettre à mort
quand ils jugeaient nécessaire d’employer ce moyen pour prévenir
leur indiscrétion (cf. Tacit., Germ., 44). Un certain jour de l’année,
ces objets, comme pour en constater officiellement l’existence,
étaient montrés au peuple,, et. ensuite un esclave faisait auprès
d’eux la veillée de nuit. Ordinairement le gardien qu’on avait déterminé,
par de grandes promesses, à faire celte veillée fatale,
disparut dans la nuit d’une manière mystérieuse, comme ces serfs
dont parle Tacite (Germ., 40) qui avaient fait partie du convoi de