
260 CINQUIÈME PARTIE,
expliquer par un mythe leur origine, comme on avait imaginé des
mythes théogoniques et anthropogoniques pour expliquer l’origine
des Dieux et des hommes. Un ancien mythe hindou, formé dans la
période philosophique ou dans la troisième période de la religion
de l’Indè, énonçait que les Dieux, après avoir fait naître du corps
de Brahma (Substance primitive), les Brahmanes, les Kchatryas,
les Vaiçyas et les Çoudras, firent encore sortir des cuisses de ce
Géant le nain Nichadas ou Niçâdas, dont le nom, suivant les grammairiens
hindous, signifiait Crépusculaire (ou Ayant la nuit pour commencement;
de niça, nuit, et adi, commencement), et lui fut donné,
sans doute, parce que les Nains, issus de lui et nommés comme lui Nichadas,
commençaient, comme on croyait, à agirel à s’agiter seul-
lement au crépuscule du soir (cf. les Nerves, p. 34). Ce mylhe hindou
fut reproduit, sous une forme quelque peu modifiée , dans une légende
née postérieurement et d’après laquelle les Brahmanes
(substitués aux Dieux), en secouant les bras du roi Vênas (substitué
à Brahma), qui était mort sans postérité , en ont fait sortir le grand
roi Prithous (Le Large; cf. sansc. Prithvî, La Large, la Terre) et
sa soeur Arlchis (Flamme, Feu). De la cuisse de Vênas sortit encore
un nain Nichâdas, dont proviennent ^es Nichâdâs (Crépusculaires)
qui habitent les cavernes et les montagnes (v. Bhagaval-
Pouranam; éd. Burnouf, chap. XV). Bien que ces mythes soient
nés dans l'Inde et ne remontent nullement à l'époque primitive où
les différentes branches de la race iaf'étique ne s’étaient pas encore
différenciées les unes des autres, et bien que, d’un autre côté, on ne
puisse supposer une influence historique exercée par les Hindous
sur les peuples de la branche gèle, on remarque cependant une
analogie curieuse entre ces légendes hindoues sur l’origine des Nichâdâs
et le mylhe cosmogonique des peuples de la branché gèle
sur la naissance des Dvergs. En effet, cé mythe rapporté que les
Ases ou les Grandeurs (norr. Bégin) firent sortir des membres inférieurs
ou des Cuisses du géant Humis (norr. Ymir, v. p. 252) deux
Êtres (norr. Modsognir et Durinn) d’où proviennent les Dvergs de
la première famille. Cette analogie est sans doute fortuite; mais il
n’en est pas de même des ressemblances qu’on remarque entré les
Gobelins des peuples kelliques et les Dvergs des peuples germaniques.
Ces analogies ne sauraient être l’effet du hazard ; elles proviennent
d’une influence historique directe exercée par les peuples kimméÊTRES
MYTHOLOGIQUES NON ADORÉS, 261
r i e s - sur les peuples de la branche gèle; et il f a u t admettre que
cette influence s’est exercée déjà dans cette seconde période, dès
l’époque où les Gèles furent entrés en rapport avec les Kimméro-
thrâkes et les Kimméro-Kelles (v. p. 38).
§ 1 6 9 . l i e s l a i n s ©liez l e s p e u p l e s g e rm a n iq u e s e t
S c a n d in a v e s . — Le nom scylhe de Kvarkus ayant produit dans
les dialectes gèles les deux formes de kraki et de dvciirgs, les langues
germaniques et Scandinaves, issues des dialectes gèles, adoptèrent
également ces deux formes différentes. Les idiomes Scandinaves
employèrent la forme kraki pour désigner le nain en général, et
réservèrent la forme dvergr pour designer le Nain considéré
comme Être mythologique. Le dialecte saxon préféra la forme
qverch (qvarehil), l’anglo-saxon la forme dvarvh (angl. dwarf) et
le haut-allemand la forme zverch. Les traditions mythologiques sur
les Nains passèrent des peuples de la branche gèle aux peuples germaniques
et Scandinaves-, qui lés développèrent et les augmentèrent.
C’est à la Critique d’abord à distinguer quel en a été le fonds
primitif chez les peuples de la branche gèle, et ce qu’y ont ajouté les
Germains d’un côté, les Scandinaves de l’autre, et ensuite à déterminer
ce qui en est.dù à l’influence particulière ou spéciale soit
des Keltes de la Germanie, soit des Keltes de la Gaule, soit des Keltes
de la Grande-Bretagne.
Dans la Scandinavie, la distinction entre les Dvergs, qui présidaient
aux phénomènes physiques et météorologiques attribués à
la terre, et lès Alfes qui présidaient aux phénomènes et objets météorologiques
attribués au ciel, s’effaça de plus en plus, de sorte
que plus tard , surtout en Islande, le nom même de dverg fut remplacé
par celui de alfe (ail. elbe, elfe1). Selon la nature des objets
auxquels ils étaient censés présider originairement, les Dvergs, revêtus
de différentes formes anthropomorphes et zoomorphes, habitaient
soit les eaux, soit les plaines, soit les cavernes ou les montagnes.
Il y avait bien parmi eux aussi des Génies malfaisants qui
1 L e n om d e Alfr, q u i m e s em b le c o r r e s p o n d r e au g r e c alfos e t a u la tin albus,
s ig n if ie Blanc e t d é s ig n a i t , d a n s l ’o r ig in e , u n G én ie q u i , s o u s l e p lum a g e d u n
cijgne, p r é s id a it a u x eaux ( c f . Albis, l ’E lb e ) . P lu s ta rd c e s G é n ie s - c y g n e s d e v
in r en t a u s s i l e s G én ie s p r é s id a n t a u x n u a g e s , e t e n f in le u r n om d e v in t u n e
d én om in a tio n g é n é r a le p o u r d é s ig n e r l e s G én ie s célestes e t météorologiques. J ’a i
des r a is o n s h i s t o r iq u e s , p h ilo lo g iq u e s e t l in g u is t iq u e s p o u r m e t t r e e n d o u t e l e
r a p p r o c h em e n t q u i a ô té fa it d u n om d e s Alfes a v e c c e lu i d e s Ribhavas d e s H in d o u s .