
c. Le Dieu de l’océan dans la religion des peuples germaniques et
Scandinaves.
§ 103. OE g ir, H ym ir, Illæ r. — Dans l’idiome Scandinave
le mot Samr (p. Saints) a conservé l’ancienne signification de Océan
dans quelques noms propres composés, comme, par exemple, dans
Sants-ey (Ile de Samr ou de l'Océan)* Sam-land (Paysmaritime; cf.
Samo-Gitia, la Gétie maritime; cf. Samo-thrakè, la Thracemaritime).
Mais la signification ordinaire dcsamréVàlteffrayant, sombre (cf. norr.
sam-leitr, visage sombre). OEgir, l’ancien Agis, substitué à Tamis,
était le Dieu redoutable de l’océan, par opposition à Niôrdur (cf.
p. -242) ou Hoenir, qui passaient pour être les Dieux bienfaisants et
bienveillants des Eaux, c’est-à-dire des fleuves et de la navigation
favorable sur mer. Gymir (Hymir, Ymir), l’ancien Garnis, resla,
dans la Cosmogonie Scandinave, le Symbole de la Mer primitive et
devint dans la suite le Symbole dit Monde glacial primitif. Sa
femme était nommée Orboda (Forts-brisants) et symbolisait les brisants
et les banquises qui rendent la navigation si périlleuse dans les
mers arctiques. Le fils de Gymir et d’Orboda était Beli (Hurleur),
la Personnification du bruissement des vents et des flots dans la
mer hivernale. La soeur de Beli est Gerdur (Ceignant, Protégeant,
Paisible); elle est la Personnification de la mer hivernale, devenant
paisible , accessible et navigable en étér
Gymir, le Symbole de la mer de glace, prit, comme Représentant
de la mer fondueon liquide en été, le nom de Hloer (Tiède), et se confondit,
avec OEgir, le Symbole de la mer en été et en automne. Hloer
(Océan tiède) fut considéré comme le fils de l’Hiver primitif nommé
For-niôtr (Préoccupant; çf. slave Porenut), et passa pour le frère
de Kâri (Vent froid) ou Vindr (Vent), et de Logi (Flamme) ouEldr (Feu),
Trinité qui s’est formée après celle de Odinn, Hlôdur et Hoenir.
§ 164. Moins ép itlié tiq u e s e t Symboles »le l ’Océan et
des E au x . — L’ancienne épithète honorifique de Beaucoup-sa-
chant (scyth. masa-dâs), qu’on donnait à Tamis comme doué de
science et de prescience, se transmitaussi à son successeur et héritier
OEgir ; mais elle prit, chez les Scandinaves, la signification défavorable
de Magicien (norr. fiol-kunnigr, beaucoup-sachant, magicien,
v.p. 151). Dans la mythologie norraine, OEgir passe pour Magicien,
d’abord parce que l’Océan exerce une certaine magie, une fascina-
DIVINITÉS ADORÉES. —- OEGIR ; HYMIR.
tion sur l’esprit des hommes, et ensuite parce que OEgir appartient à
laracedes Iolnes qui sont beaucoup-sachants (norr. hund-visir, sachant
cent choses) et de redoutables magiciens (cf. p. 154). Dans quelques
idiomes germaniques Fimul, Firnbul ou Fiji, qui signifiait Effrayant,
Étourdissant, était un nom épithétique de (OEgir (cf. anglos.
Fifl-cynn, Engeance de l’Effrayant, synonyme de Monstres marins;
Fifl-d’or, Porte de l’océan, synonyme du norrain OEgisdyr).
Plus tard ce nom garda seulement la signification générale de Terrible,
et c’est pourquoi l’Hiver affreux, qui précédera le Crépuscule
des Grandeurs (norr. Ragna-rokur) ou laJin du monde, est désigné
par le nom de Fimbul-velr (l’Hiver terrible ; cf. Fimbul-fambi,
Terrible Fat ; Fimbul-thulr, Terrible Conteur). Enfin fifl (étourdissant)
prit encore la signification de ensorcelé, hébété, stupide. OEgir,
le Dieu de l’Océan, se différencia complètement, dans la mythologie
norraine, du Serpent vénimeux, qui était le Symbole des eaux agitées
etsalées de l’Océan. Cette distinction s’établit d’autant plus facilement
qu’on n’avait plus conscience de la signification primitive du nom de
OEgir (gète Agis, Serpent). Ce Serpent, qui de son anneau entoure la
terre appelée Y Enclos moyen (norr. mi dg ard), eut le nom deSerpent de
l’Enclos moyen (norr. Midgards-orm) ; et comme les dragons en
général, passaient pour des animaux fascinateurs , et que le Serpent
de l’Océan se défendait, contre le Dieu du soleil, moyennant la .
magie, ce serpent eut aussi le nom de Fascinateur solaire (norr.
lormun-gandr, v. p. 193). Quelques-unes des attributions du Dieu
du soleil, entre autres celle d'Ennemi ou d’Adversaire du Fascinateur
solaire, ayant passé à Thôr (v. p. 204), ce dieu devint, dans la Mythologie
norraine, le grand Ennemi du Serpent de mer. Comme fils
de lord (Terre) , Thôr est par cela même déjà le Protecteur de la terre
ou de l’Enclos moyen (norr. Midgards-veorr; cf. scyth. Tavit-varus,
p. 192), et il la protège surtout contre les débordements de l’Océan
ou contre les attaques ou envahissements du Serpent nommé Fascinateur
solaire. Dans les légendes du Moyen âge, les débordements
des fleuves ou les inondations apaisés ou arrêtés par certains
Saints qui furent substitués au Soleil, ont aussi été symbolisés par
des Serpents ou Dragons représentés comme domptés ou vaincus
par ces Saints. Parmi ces Dragons symboliques, on remarque, par
exemple, la Chair-salée à Troyes, le Dragon de Saint-Marcel à
Paris, la Gargouille de Saint-Romain à Rouen, lesquels sont les