
comme nous, le premier curieux qui se serait donné la
peine de le chercher. Ne nous obstinons donc pas à soutenir
cette nouveauté de notre monde que dément le seul
aspect de son enveloppe. Oui, nous sommes dans l’enfance
de la terre, si nous comparons la vie à l’éternité;
mais l’infini ne peut pas ici servir de terme de comparaison
: dans ce qui ne commence ni ne finit, il ne peut
y avoir ni jeunesse ni vieillesse (1).
Là ne se bornent pas les objections : après les systèmes
de rajeunissement viennent les théories les plus bizarres
sur la formation de ces haches et leur introduction dans
les bancs. Ici on explique une chose surprenante par
des raisons plus surprenantes encore. Les uns veulent
que ces haches soient le produit du feu; qu’élaborées
dans la fournaise d’un volcan, elles aient été lancées
liquides dans l’espace, et que c’est en retombant dans
l’eau qu’elles ont pris cette forme de larmes.
D’autres ont fait intervenir le.froid ; ils ont voulu que,
frappés par la gelée, les silex se fussent fendus, de ma-
(1) Le temps, c ’est le vide, c’est le néant : les faits seuls sont
réels. Ce n’est pas le temps qui nous vieillit, ce sont les faits qui
s ’éloignent. Jalons du souvenir, ces faits font les âges. 11 faut
donc deux faits au moins pour établir une période : l’un la commence,
l’autre la finit. Le temps, c’est le vide qui les sépare ; la
durée n’est encore que le temps jalonné par les faits ou par les
sensations. La sensation isolée ne saurait non plus servir de mesure.
Absorbés dans une sensation unique, nous n’aurions aucune
idée de la durée ni la conscience de nous-mêmes. Nous ne sentons
l’existence que par les contrastes ou l’inégalité des chocs et par
la diversité des pensées que ces contrastes éveillent.
Nous avons présenté ailleurs cette question du temps. Voir: De
la Création, essai sur la progression des êtres, tome iv .
nière à former des couteaux et à dessiner des haches (1).
Quant à 1 introduction dans les bancs, on a dit d’abord
qu’elle était le fait des ouvriers.— Mais pour introduire
des haches dans un banc, il faut en trouver dans un
autre, ou bien en faire.—En faire n’est pas facile: les
haches du diluvium portent un cachet qui ne s’imite
pas. Pour en avoir sans les faire, il fallait en aller chercher
: mais où? Celles des tourbières eussent été immédiatement
reconnues.
Ensuite on a voulu que ces haches se soient introduites
toutes seules et que, posées sur la superficie, elles soient
descendues par leur propre poids jusqu’au point où on
les trouve, c’est à-dire à huit, neuf et jusqu’à douze
mètres de cette superficie. Cette infiltration serait possible
dans un terrain mou ou spongieux, comme est souvent
la tourbe, mais il suffit d’avoir vu un banc de diluvium
pour reconnaître qu’elle y est impossible : ce terrain
est souvent si dur qu’il résiste à la pioche. D’ailleurs,
disposé par couches horizontales, toute introduction
venant de haut en bas, en dessinant une ligne perpendiculaire,
devient immédiatement visible. Ces lignes se
rencontrent quelquefois : ce sont non des infiltrations,
mais des éboulements. Or, ce n’est pas dans ces éboule-
ments où domine ordinairement la terre végétale, qu’on
recueille les haches et les fossiles.
Ajoutons que si ces haches venaient de la surface, ou
en trouverait à toutes les profondeurs et dans toutes les
couches, et nous avons dit que c’est dans la couche la
plus profonde qu’on les rencontre. La couche immédia-
(1) Ces singulières théories ont été publiées dans le Times et
quelques autres journaux.