
CINQUIÈME P A R T IE ,
des Eaux. La déesse Nerihus, ainsi que le dieu Niôrthur, f'utconsidérée
comme une divinité présidant à la Fécondité et à l’Abondance, plutôt
qu’aux Sources et aux Eaux. De même que la déesse Vrindus, chez les
Scythes (v. p. 238), elle passait aussi, chez les Germains, pour la Mère
des Dieux (v. Germ., cap. 40). Comme Déesse de la Fécondité elle
étaitpromenée en un char traîné par des vaches, ces animaux symbo'
liques déjà consacrés à l’ancienne déesse Vrindus (v. p. 238). Comme
Déesse des eaux et des lacs elle avait sa résidence au fond d’un lac
qui se trouvait dans une île de la mer Baltique. D’après la religion
des Germains et des Scandinaves, comme d’après celle de leurs aïeux
les Scythes, l’eau de pluie, ainsi que l’eau de source, passait pour
être sacrée et pour posséder des vertus curatives. De là le nom de
Eaux sacrées (norr. heilog vôtn), pour désigner l’eau de pluie qui était
tombée pendant Forage (v. Relgakv., 1,1) ; de là le nom de Vagues salutaires
(ail. heilawâg), pour désigner l’eau curative puisée à une
source sacrée'; de là enfin le nom de Paijs sacré qu’on donnait à Hel-
goland, parce qu’il y avait, dans celte île, une source sacrée. L’eau
étant l’emblème de la Prescience et de la Prophétie (v. p. 238) , le
Cygne, l’oiseau aquatique par excellence, resta aussi, dans la Mythologie
germanique et Scandinave, l’animal consacré aux Dieux
de la Divination et de la Prophétie. Les Êtres mythologiques doués
de sagesse et de prévision, tels que les Alfes-,des Nomes, les Val-
kyries, etc., étaient revêtus de la peau de cygne (norr. alptar ham)
ou avaient des pieds de cygne. Aussi Hoenir, qui originairement était
identique avec Niôrihr, avait-il le nom de Pied-plat (v. p. 243). Plus
tard laTradition, ne sachant plus que Pied-plat était synonyme dePied
de cygne, rapporta que Hoenir avait le pied long (norr. lang-fôtr;
v. Snorra Edda, p. 82). C’est de la même manière que, chez les
Francs, la Tradition postérieure, ignorant que Pied-d’auque (Pes
aucæ) élait le nom épithélique populaire de l'ancienne déesse Berthc
(v-all. Berhta; norr. Biôrt, v. p. 245), un des nombreux dédoublements
de la déesse Nerihus, la confondit avec la Reine Berlhe au
grandpied (v. Grimm, Myihol., p. 258). Il est très-probable que Bal-
dur, le Dieu de la vision (v. p.. 199), et Niordur, appelé antérieurement
Hoenir, passaient également pour avoir des pieds de cygne, auxquels
ils étaient reconnaissables comme les Nornes et les Valkyries.
La Mythologie, bien qu’elle n’ait plus eu entière connaissance de cette
particularité, l’indiquait cependant encore indirectement. Car elle
rapportait (Snorra Edda, p. 82) que Skadi, ayant à choisir un époux
parmi les Ases, dut faire son choix en voyant seulement les pieds
de ces dieux. Skadi qui aurait aimé épouser Balldur (v. p. 245),
espérait le reconnaître à ses beaux pieds, c’est-à-dire, sans doute,
à ses pieds de cygne. Mais il y avait encore un autre Ase ayant de
beaux pieds ou des pieds de cygne, savoir Niordur; et Skadi, ignorant
cela, et pensant avoir découvert Balldur, tomba malheureusement,
dans son choix, sur Niordur l.
CHAPITRE XV.
G . L ’ O C É A N . — T H A J f f l -M A S A D A S .
a .Le Dieu de l’Océan chez les Scythes.
§ 159. llouis de la mei* dans les langues iafétiques.
— Aussi longtemps que les peuples primitifs de la race de lafète habitaient
ensemble leur berceau primitif sur un plateau élevé (v. Les
peuples primitifs de la race de lafète, p. 8), ils ne connurent point la
mer. Ils ne pouvaient avoir vu que la mer Caspienne avec le lac Aral.
La stupeur qui donc dut saisir ces peuples lorsqu’ils virent, pour la
première fois, la grande mer agitée, fit donner à ce vaste élément
le nom d’Effrayant (sanse. thni; scylh. ihami, tama; cf. assyr. Semï
ou Zamis; v. Eusèb.; Chrome. arm., 1, p'. 98). Ce nom se rattachait
à un thème TaMa ou MaTa, qui exprimait l’idée de frapper (cf. lat.
metus), étourdir (cf.gr. thambos), effrayer (cf. lat. timeo); et c’était
là, sans doute, le plus ancien nom de la mer que les langues iafé-
tiques eussent en-commun. Les Hindous furent probablement les premiers
qui vissent le grand Océan où se jette l’indus. Ils considéraient
cette mer comme le confluent des eaux terrestres (sansc. sam-udra,
océan), et comme ces eaux terrestres provenaient, à ce qu’on
* Je ne sais s’il y a quelque rapport éloigné entre ce mode de choisir un époux
et l’épreuve à laquelle on soumet le nouveau marié, aux noces dans le Berry,
n Quand sonne l’heure du repos pour les époux, on fait ranger par terre toutes les
« femmes de la noce ensemble, et sur le dos; on les déchausse de leurs bas et
«de leurs souliers; on les cache toutes d’un drap, depuis la figure jusqu’aux
«mollets exclusivement, qui seuls restent découverts. Dans ce pêle-mêle de
«jambes nues, le mari doit reconnaître, sans se tromper, celles de sa femme.
«S’il met la main dessus, il a lo droit d’aller se coucher immédiatement; sinon,
«son bonheur est renvoyé à la nuit du lendemain.» Félix Pyat , Les Français
peints par eux-mêmes, t. II, p. 329.