
Une autre objection qui m’a été posée à l’égard des
haches m’a été répétée pour les outils, la voici : puisque
ces outils, ces signes sont si nombreux, pourquoi personne
n’en avait-il trouvé? — Je pourrais répondre:
parce que personne n’en avait cherché. — Cette objection
est d’ailleurs de celles qu’on pourrait faire de toutes les
découvertes. Tous les jours nous apprenons que telle
plante, telle- larve, telle coquille vient d’être observée
dans un pays où elle ne l’avait jamais été: croit on
qu’elle y est née du jour au lendemain? Non, elle y était,
mais on ne l’y avait pas vue.
Ajoutons qu’il faut ici, comme pour toutes autres recherches
, une certaine habitude : ces pierres taillées
sont perdues dans des milliers d’autres, parmi lesquelles
on doit les distinguer. Cette distinction n’est pas toujours
facile : au premier aspect, beaucoup peuvent nous
échapper. Ce n’est qu’à la longue qu’on peut réunir un
certain nombre de similaires, et si je vous en présente
autant, c’est qu’il y a vingt ans et plus que j’en cherche
et que j’en trouve.
Cette difficulté d’obtenir des analogues (1 ) n’existe
pas dans les sépultures celtiques : là, les silex n’ont pas
été jetés par un torrent comme ceux du diluvium, ils y
y ont été mis par la main de l’homme et dans des lieux
évidemment disposés à cet effet. Dans ces gissements
artificiels, ce sont les silex bruts ou non taillés qui deviennent
l’exception, et quand on les y rencontre, c’est
(1 ) Quan d le s s ile x n e p o r ten t que de lé g è r e s tr a c e s d e travail,
l’a u teu r ne le s adm et c om m e ty p e s o u oe u v r e s qu e s i c es traces
s o n t r ép é té e s su r p lu sie u r s . S’en rappo rter à un s eu l e t meme à
d e u x , su r to u t q u and il s ’a g it de s ym b o le s ou d e lig u r e s , expo sera it
à d e g r a v e s e r r eu r s.
presque toujours parce qu’ils présentent naturellement
une forme qui se rapproche de celle qu’on leur donnait
par le travail.
Dans ces masses de silex qui entourent les vases cinéraires
et qui, garantis par la tourbe, le tuf ou le sable
fluvial, n’ont souffert ni de l’usage, ni du choc, ni du
frottement, les rapprochements sont faciles et l’on reconnaît
bientôt les analogies. C’est cette étude qui m’a
guidé dans celle des silex diluviens, bien qu’au premier
coup-d’oeil il n’y ait entr’eux aucune ressemblance : les
silex des tourbières sont noirs ou bleutés et frais comme
s’ils venaient d’être taillés. Ceux du diluvium sont blancs,
jaunes, bruns, gris, selon la couche de sable qui leur
sert de gangue, et ils ne conservent leur couleur naturelle
ou noire, comme il arrive souvent à Saint-Acheul,
que lorsqu’ils touchent la craie ou qu’ils sont enfouis
dans un sable qui en est mélangé (1 ). Ensuite, si quelques
formes des deux origines se ressemblent, d’autres diffèrent
beaucoup : les silex figurant des animaux, rares
dans les tourbières, le sont moins dans le diluvium ; et
dans ces tourbières, sauf peut-être celles dites bocageuses
ou antédiluviennes, les images des grands pachydermes
ne se retrouvent plus.
L’emploi des silex comme hommage aux morts, qui
remonte à une haute antiquité, car dans ces cimetières
souterrains ou dépôts cinéraires on ne trouve aucune
(1) On, s ’e s t é to n n é d e c e t te fra îch eu r d e s s ile x d e c er ta in s
bancs; cela a r riv e p r e sq u e to u jo u r s q u and c e s b a n c s s o n t c ra y eu x .
La craie e s t c o n s e r v a tr ic e com m e la to u rb e . Les s ile x q u ’o n tr o u v e
brisés dan s le s b lo c s d e c ra ie p a r a issen t l’a v o ir é té la v e ille ,
bien que c ette b r isu r e r em on te p r o b a b lem en t à l’o r ig in e d u b a n c ,
c est-à-dire à l ’ép o q u e s e c o n d a ir e .