
c. La Déesse du feu et ses Héritières dans la religion des Germains et des
Scandinaves.
§ 146. lia déesse Tliiutli disparaît «le la religion. —
Les mots les plus usités dans les idiomes germaniques et Scandinaves
pour désigner le feu étaient eldr et fyr (v.-all. fiur). Elclr signifiait
le feu considéré comme l’élément primitif (v. p. 229): fyr
désignait le feu .comme élément purifiant; de là le nom du neodfyr
qu’on allumait principalement pour pousser à travers lui les troupeaux
afin de les purifier, ou afin d’éloigner d’eux les mauvais
génies ou les maladies contagieuses1. Le mot thioth (v. ail. deut,dioi),
dérivé de l’ancien taviti (feu), avait perdu complètement la signification
de feu; il ne signifiait plus que nation, et, par catachrèse, il
désignait, dans l’idiome norrain, une réunion de trente hommes.
Ce mot n’était pas non plus employé comme nom propre mais seulement
comme nom commun. C’est pourquoi le nom propre de
Thiuthidai (Fils de la Déesse Thiuth, v. p. 230) fut remplacé par le
nom commun de Thiudiskai {Nationaux, Tudesques). Le nom delà
Prophélesse alamanique Thiota, qui figure encore au neuvième
siècle , est un petit nom, c’est-à-dire un nom contracté d’un nom
propre composé avec le mot thiot (peuple), tel que, par exemple,
le nom allégorique et encore presque mythologique de Thiot-varta
(Mamelle du peuple; v. Fiolsvinnsmâl, str. 39). Le nom et les attributions
de Thiuth, comme Déesse du Feu et delà Nation, ayant
ainsi complètement disparu de la langue et de la religion des Germains
et des Scandinaves, les mythes et les attributions de cette *
* La forme et le sens du mot en quéstion ne sont pas encore fixés avec certitude. Le
mot est évidemment vieux-saxon, c’est-à-dire qu’il appartient au bas-allemand. Il
n’était plus compris par les copistes des Capitulaires de Charlemagne, qui étaient
des Franks; et c’est pourquoi .en le transcrivant ces copistes l’ont défiguré. Peut-
être la forme véritable était neotfyr {feu purifiant le bétail; anglos. néat, bétail;
norr. naut; frank. nô&):. Les Francs du temps de Charlemagne n’avaient plus de
nô%~fiur, dont le nom aurait pu leur expliquer la signification du mot saxon
neotfyr. Ils crurent donc, que cp mot saxon était identique à nôtfiur (feu de violence)
et qu’il désignait un feu produit par la friction ou par un moyen violent (nôt).
Possible aussi que le mot saxon était nid^fyr, ét désignait un feu qui sert de répulsif
magique (norr. nid) contre les mauvais Génies auteurs des maladies contagieuses
(cf. nidstông, p. 185),. L’explication proposée par M. J. Grimm (Deutsche
Mythol., p. 574) ne repose encore, comme celles que je propose ici, que sur
une conjecture ou hypothèse.
Déesse se répartirent entre plusieurs divinités qui étaient ses dédoublements
et qui devinrent ainsi ses héritières.
§ 147. Freyia: Fi'igg; ICiiulm': Hlôdyn: Sif et V«r.
— Quelques mythes sur Thiuth, comme Déesse du Feu et de la
Famille, furent reportés sur Freyia la Dame, considérée comme
présidant à la Famille et au Foyer domestique (v. p. 222). Les attributions
de Thiuth, comme Souche de la Nation et comme Source
de prospérité, tombèrent en partage kFrigg, laDéesse Suprême et la
mère de Unoss (v. p. 220), et à Rindur, la Déesse de la Richesse et
de l’Abondance (v. p. 240). Les attributions dé Thiuth, comme
soeur ou épouse de Hlôdurs (v. p. 231), se spécialisèrent dans Hlôdyn
(vieux-all. Rludana, Amie de l’Ardent), qui devint la Déesse du
Foyer brillant (norr. hlôd). Dans la suite le nom de foyer (hlôd), qui
avait été employé pour désigner le domicile (v. p. 228), servait encore
à désigner la terre, considérée comme le Domicile par excellence
(norr. salrj ou comme le Séjour (norr. heimr) des hommes
(lat. humani de humus terre), ainsi que le ciel était le Séjour et le
Domicile par excellence des Dieux appelés Célestes (§ 16S). Dès lors
le nom de Hlôdyn (Amie du Foyer) signifiait aussi Amie de la terre,
et, par conséquent, Hlôdyn a pu se confondre avec lord (v. p. 176i
ou Fiôrgyn ; de sorte que laDéesse de la terre eut, entre autres noms
épilhétiques, aussi celui de Hlôdijn (v. Vôlu-spâ, p. 206).
Les attributions de Thiuth , comme Déesse de la Parenté, se spécialisèrent
dans Sif, dont le nom signifiait Parenté (goth. sibia; ail.
sippe). Comme le feu du foyer domestique passait pour le symbole
de la parenté (v. p. 231 ),Sif, tout en se séparant de Thiuth, la Déesse
du foyer, garda cependant les attributions qui se rapportaient
au feu. Or, le feu était représenté comme une chevelure ardente ou
dorée, et c’est pourquoi le mythe rapporte que Sif avait des cheveux
d’or. Ensuite Sif fut substituée en grande partie à Hlôdyn ou à
Thiuth, considérée comme soeur ou épouse de Hlôdur, le Dieu du
feu céleste ou de la foudre. C’est pourquoi Sif, après avoir été substituée
IxHlôdyn, l’épouse de Hlôdur, devint par cela même l’épouse
de Thôr, qui, comme Dieu de l’orage, avait été substitué à Hlôdur,
le Dieu du feu céleste (v. p. 167).
Une dernière héritière des attributions de Thiuth est la déesse
presque allégorique de Vor, qui figure dans la Mythologie norraine.
Thiuth, ainsi que l’ancienne Taviti, avait été la Gardienne de la loi et