
fil. TROISIÈME PARTIE DE L’OUVRAGE.
CHAPITRE VII.
L A F I L IA T IO N G E N E A L O G IQ U E D E S S C Y T H E S A U X G È T E S , E T D E S G È T E S A U X G E R M
A IN S E T A U X S C A N D IN A V E S , P R O U V É E P A R L A C O N T IN U IT É O R G A N IQ U E D E S
p h é n o m è n e s d e l ’ é t a t m o r a l d e c e s p e u p l e s .
-a?
§ 05. Idée et divisions de ce chapitre. — L’êlat moral
de l’homme ou d’un peuple, en d’autres termes, la nature de
ses actions habituelles (gr. ethos, Iftbitude, moeurs) est déterminé,
d’un côté, par son état social, lequel, Sans lui en laisser le choix,
lui impose certaines habitudes qui sont en rapport avec cet état
social; d’un autre côté, il est déterminé par son état intellectuel,
ou le degré de développement de son intelligence. L’élal moral tient
donc le milieu entre l’état social et l’état intellectuel, entre l’instinct
et le choix, entre la nécessité et la liberté. Si l’état moral dépendait
uniquement de l'intelligence, il faudrait en parler ici immédiatement
après le chapitre traitant de l’état intellectuel, car alors il
serait la suite ou la conséquence nécessaire de celui-ci. Toutefois,
les moeurs, en tant qu’elles dépendent de l’homme, découlent de
ce qu’on peut appeler son idéal moral, c’est-à-dire de ce qu’il
croit être, pour lui et les autres, soit agréable, soit honorable, soit
juste. Les moeurs d’un homme ou d’un peuple se manifestent donc
d’abord dans ses amusements, dans ses réjouissances et dans ses fetes
privées ou publiques; ensuite dans les objets de son ambition, et
dans l’idée qu’il se fait de ce qui constitue son honneur; enfin dans
ce qu’il croit être son droit, et dans la manière dont il pratique
envers les autres la justice. Les trois paragraphes de ce chapitre
traiteront par conséquent : 1° des jeux? 2° de l’honneur, et
3» du droit, chez les Scythes, les Gètes et les Germains-Scandinaves.
En parlant de l’état moral de ces peuples, notre but n’est,
nous le répétons, ni de les louer, ni de les blâmer, à cause des
objets de leurs plaisirs et de leur ambition, ou au sujet de la manière
dont ils ont conçu et pratiqué la justice; nous ne voulons pas apprécier
le degré de moralité de leurs moeurs, ni examiner jusqu’à
quel point celles-ci tiennent de la sauvagerie, de la barbarie, ou
de la civilisation; notre intention est seulement de faire voir que
dans leur étal moral, aussi bien que dans leur état social, les Germains
et les Scandinaves continuent, d’une manière organique, les
peuples de la branche gète, comme ceux-ci continuent organiquement
les Scythes, leurs pères.
a) Les Jeux.
§ 66. Caractère guerrier et violent des jeux. — Par
suite de l’état social des Scythes, des Gètes et des Germains-Scandinaves,
la force et l’agilité du corps, étant estimées à un très-
grand prix chez ces peuples, et le métier des armes primant toujours
des autres occupations de la vie nomade et agricole, les
jeux devaient nécessairement avoir un caractère plus ou moins
guerrier, et consister en des exercices plus ou moins violents. Les
courses à cheval comptaient parmi les plus nobles amusements.
Le Scythe et le Sarmate, semblables en cela au bédavi (campagnard,
paysan, bédouin) arabe, estimaient beaucoup le cheval, et
se racontaient mainte anecdote sur ce compagnon de leurs courses
et de leurs expéditions guerrières (Plin., H. N., 8, 64). Le roi des
Scythes. Athéas assurait qu’il éprouvait plus de plaisir aux hennissements
de son cheval qu’aux sons les plus harmonieux de la flûte
(Plutarque, Apophth., 6). Les courses à cheval donnèrent lieu aux
évolutions militaires, et furent imitées dans des courses à pied
(v. Les Aventures de Thôr, p. 23). Les évolutions à cheval eurent
leur pendant dans les exercices du saut (goth. laiks); et le saut
réglé et cadencé engendra la danse qui, pour cette raison, fut
désignée par le même mot [laiks] que le saut. La danse des peuples
d’origine scythe avait ordinairement un caractère guerrier et,
semblable au Kalabrismos des Thrâkes, elle simulait le combat.
Les Fédérés golhs (Varègues) introduisirent leur danse guerrière
(gr. lo gothikon) à Constantinople, où, jusqu’aux derniers temps
du Bas-Empire, elle fut exécutée annuellement, aux fêtes de la
cour, par deux bandes d’hommes représentant, par leur costume,
deux peuples slaves, les Prasines et les Venètes, et ayant à leur
tête des chefs golhs revêtus de leur sisurine (v. p. 97). Les luttes
corps à corps (v. Aventures de Thôr, p. 26) étaient une joute ou un
jeu pour lequel les peuples d’origine scythe étaient aussi pas