
les traditions des peuples de la branche gèle, avant de passer, avec
certaines modifications, dans la Mythologie norraine.
§ 133. I<e Séjour «les M ân e s «lans la lu n e . — Déjà
l’ancienne Artîn-paza, comme Déesse de la lune, recevait chez elle
les Morts, et portait, comme Déesse des Morts, le nom de Kvâlî (v.
p. 213). Le Séjour des Mânes était donc censé être placé dans la lune,
et cette idée se retrouve dans beaucoup de traditions mythologiques
de l’Antiquité. D’après les Orphiques , par exemple, les âmes des
hommes provenaient de la lime et elles y retournaient comme
Mânes après la mort des individus (cf. Orlando furioso, C. 34,
ott. 83). De même que aller chez Skalmoskis (v. p. 197) signifiait
mourir et aller dans le ciel, de même aller chez Kvâlî signifiait originairement
mourir et aller dans la lune. La preuve que les peuples
de la branche gète plaçaient encore le Séjour de Hâlî(p. Kvâlî) dans la
lune, et non, comme plus tard, dans Y Enfer (çf. ail. Holle), se trouve
dans une tradition qui s est conservée dans la mythologie norraine,
et d’après laquelle le Hurleur de Mâni (norr. Mânagarmr), quand à
la fin du monde il se sera emparé de la lune, se gorgera de la vie
(norr. fiörvi; cf. pers. ferver, mânes) des Morts qui auront passé
dans cet astre (v. Vôlu-spâ, p. 200). Cependant comme les Héritières
de la Déesse Ariîn-paza considérée comme Déesse des Morts et,
comme telle, surnommée Hâlî, ne furent plus mises en rapport
avec la lune (v. p. 214), on commença aussi bientôt à ne plus placer
le Séjour de Hâlî dans cet astre. Ensuite comme celte Déesse Hâlî
devint une divinité distincte des autres Déesses qui, comme elle,
étaient les dédoublements d’Ariîn-paza, elle eut aussi son cycle
mythique à part ; et, dès lors, le Séjour de cetteDéesse de la mort ne
fut plus placé dans la lune mais dans les ténèbres et la froidure des
régions septentrionales de la terre; et ce Séjour eut lui-même le
nom de Hâlia (golh. hâlia, la hélienne, l’enfer), formé de l’adjectil
féminin dérivé du nom de la déesse Hâlî1).
§ 134. lia «léesse S k a lm o sk is su b s titu é e à Artîn -
paza. — De même que, chez les Scythes, Artin-paza eut le nom
1 On pourrait considérer hâlia, le nom de l’enfer, comme ayant été primitivement
le nom de la déesse, lequel serait devenu celui de son séjour. Mais hâlia
me semble être une forme dérivée de Hâlî, à moins que Hâlî ne soit une forme
contractée de hâlia (cf. sansc. kâlî p. hâliâ) et qu’il ne faille par conséquent
admettre Hâliâ, et non comme je le fais Ilâli, comme la forme primitive du
nom de la déesse.
de Vailu-skura (Prompte à la chasse), dérivé de celui de son frère
le Soleil Vailu-skurus (Prompt à la chasse; v. p. 480), demême, chez
les Gètes, la déesse qui remplaça Artîn-paza eut le nom épithétique
de Skalmoskis (Porte-peau , p. 491), qui était emprunté à celui de
son frère le Dieu du soleil Skalmoskis (cf. Suidas, s. v.). On se figurait
Skalmoskis comme une déesse chasseresse et guerrière, et
comme la Protectrice des héros qu’elle recevait chez elle après leur
mort-, au même titre que d’autres héros étaient reçus chez le dieu
Skalmoskis (v. p. 497). Mais la principale attribution de la déesse
Skalmoskis était de présider à la Production, à la Famille, à l’Entretien,
au Bien-Être et à la Richesse. En cette qualité elle eut
l’épithète de Bienfaisante (got. bleid; norr. blîd). Elle dirigeait aussi
la Destinée humaine, bonne ou mauvaise; et, pour cela, elle avait
à son service les Enlreleneuses (gèt. Nas-vunas, Aime-l’entretien ;
norr. Nornir), dont les Choisi-les-Occis (norr. Val-kyrior) n’étaient
qu’un dédoublement ou une spécialisation. Comme Déesse de la Production
et de la Famille, Skalmoskis était aussi la Déesse de 1 Amour
conjugal, et, en cette qualité, elle aimait et protégeait les jeunes
filles, non pas en tant que vierges, mais en tant que futures mères
de famille.
De même que Artîn-paza avait été, chez les Scijthes, la Déesse de
la Divination (v. p. 213), Skalmoskis le devint aussi chez les peuples
gètes. Artîn-paza avait eu à son service la Tuerie d’hommes (v.
p. 209) ; maintenant que les Gètes eurent des temples ou des sanctuaires
(goth. alhs; v. § 171), les Femmes Victimaires, qui avaient
composé autrefois la Tuerie d’hommes, prirent le nom de Conseillères
du sanctuaire (Alhi-rûnas). Ces Victimaires exerçaient aussi la
Divination et la Magie, sous l’inspiration de la Déesse Skalmoskis,
au service de laquelle elles étaient principalement placées. Chez les
Kimrnéro-thrâkes, avec lesquels les Gètes avaient des rapports directs,
la Divination et la Magie étaient fortement pratiquées; c’est aussi
chez eux que des femmes vierges, renfermées dans une espèce de
tour (mossun), rendaient des oracles. Les peuples de la branche
gète, gagnés quelque peu par l’exemple et subissant l’influence des
Kimrnéro-thrâkes, paraissent aussi avoir admis que les femmes vierges
étaient les plus propres à la divination et à la magie. Cependant
la virginité n’était nullement une condition indispensable pour entrer
dans le Corps des Conseillères du sanctuaire. Ces femmes, éla