
se servaient d’arbres creux en guise de bateaux, ils donnaient aussi
au navire les noms métaphoriques de frêne (norr. askr, v. p. 99)
et de pin de mer (norr. mar-dôll); et de là Pin-de-Mer (Mar-dôll)
devint un des noms épithétiques de.Gefn ou de Freyia, considérée
comme déesse maritime (v. Chants de Sol, p. 175).
§ 139. Freyia la Dante on la Maîtresse. — En sa qualité
de Déesse de l’Amour, du Mariage et de la Famille, Freyia,
ainsi que l’avait fait son prototype Skalmoskis (v. p. 217), présidait
aussi à l’Entretien et au Bien-Être de la famille ; et c’est précisément
pour cette raison qu’elle portait le nom de Freyia qui signifie
Dame (lat. domina) ou Maîtresse de maison. En elfet, ce nom de
Freyia (ail. frau) ne dérive pas du verbe frîa (aimer) et ne signifie
pas maîtresse dans le sens d’amante; car, dans aucune langue germanique,
il ne désigne le sexe, la femme, mais il exprime toujours le
rang, la distinction (v. p. 184), et désigne la Maîtresse, l’Épouse, ou
la Dame de la maison. Aussi le nom deFreyior (ail. Frauen), donné aux
femmes de qualité, ne dérive-t-il pas de celui de la déesse Freyia,
comme le prétend Snorri, fils de Sturla, dans la Fascination de
Gulfi (Gylfaginning) ; mais ce nom honorifique de Dame est devenu
le nom propre de la déesse qu’on considérait comme le type de la
Dame, ou comme la Dame par excellence. Voilà pourquoi, quand
la déesse Freyia sort, elle est assise dans un char traîné par deux
matous. Ce n’est pas là un char de guerre, mais le char paisible de
la déesse Nerthus (v. Tacit., Germ.,p. 40), ou une voiture telle qu’en
avaient, dans ce temps, les Dames nobles (Fornalds. I, 360). Les deux
matous ne sont pas ici les animaux symboliques de l’amour, pratiqué
au clair de la lune; mais le chat, qui est habituellement assis auprès
du foyer domestique, et qui s’attache au domicile plus encore qu’aux
personnes, est ici l’animal domestique par excellence; il est le représentant
du Génie du logis, et, comme tel, il est consacré spécialement
à Freyia la Dame, la Maîtresse du logis. Encore aujourd’hui
les Lapons considèrent le chat comme un Génie tutélaire de leur habitation;
et en Allemagne la tradition populaire parle de Génies
domestiques appelés Kalermann (Bon homme Matou) et Heinzel-
mann (Bon homme Chaton). Les Relies avaient également des
Génies domestiques appelés Chats-Esprits (Kat-tuzé; v. § 169).
§ 140. Freyia reçoit eliez elle les Occis. — Chez les
Gètes la Déesse des morts Halî se trouvait encore confondue avec la
déesse Skalmoskis (v. p. 216); mais Freyia, l’hérilièrè de Skalmoskis,
s’est complètement différenciée et séparée de Hel, l’ancienne
Halî (v. p. 213). Cependant les traditions sur l’ancienne
Skalmoskis-flaZî ne furent pas toutes appliquées à Hel; mais quelques
unes devinrent l’héritage de Freyia. C’est ainsi que le mythe
rapporte que Freyia, semblable à l’ancienne Halî, reçoit les guerriers
occis dans sa Salle nommée Contient-les-Siéges (norr. Sess-
rumnir), nom qui exprime que cette salle est assez vaste pour
contenir les sièges des nombreux hôtes de Freyia. D’un autre côté
Freyia, comme antérieurement Skalmoskis et comme son frère Freyr
(v. p. 201), portait aussi quelquefois un caractère héroïque et
guerrier (cf. p. 206) S et c’est pourquoi les mythes épiques rapportaient
que cette déesse guerrière se mettait à la tête des Valkyries
et, comme Déesse des Morts, invitait à venir chez elle les guerriers
illustres qui étaient tombés dans l’occision (norr. val). En sa qualité de
déesse guerrière et de Déesse des Morts, aussi bien qu’en sa qualité
de rivale et de doublure d eFrigg (v. p. 219), Freyia devint l’Amante
d’Odinn, de ce dieu guerrier, qui fut substitué à Skalmoskis (Freyr,
v. p. 204), le Seigneur des Ames, et qui fut surnommé le Père des Occis.
Dans les mythôlogies et dans les religions anciennes, les attributions
des dieux leur sont maintenues le plus souvent dans la tradition,
mais ces attributions ne sont pas toujours rapportées aux mêmes
dieux pour les mêmes raisons : le plus souvent la raison première
est oubliée et l’ancienne attribution, qui est donnée à telle ou telle
divinité, est motivée plus tard sur les habitudes, les usages, les
institutions de cette époque postérieure. C’est ainsi, p. ex., que dans
la Mythologie norraine la circonstance que Freyia reçoit chez elle les
guerriers occis n’est plus motivée, comme dans l’origine, par son
caractère de déesse guerrière et de Déesse des Morts, mais par les
moeurs de cette époque postérieure qui ont fait donner à cette
déesse les attributions de Dame, de Maîtresse de maison. En effet,
dans le Nord il était d’usage que la moitié des gens de la maison
fût nourrie et entretenue par le Maître (d. anglos. hlâf-ord, donne-
miche; angl. l-ord) et l’autre moitié par la Maîtresse (anglos. hlâf-
1 Freyia est fille de Niordur qui porte aussi le nom de Hdgnir ou Hcenir (voy.
p. 240). Or, Ililldr (p. Kvilldr, Qui frappe, la Déesse du Combat sanglant), la
fille de Hdgnir, correspond à Freyia (considérée comme Hel), la fille de Niordur.
Ililldr n’est donc que la spécialisation et le dédoublement de Freyia considérée
comme Déesse de la mort.