
avait longtemps duré, les Svèdes sacrifièrent à Odinn leur roi Do-
maldi, pour obtenir une bonne année. Dans des circonstances analogues,
Olaf Coupe-troncs (norr. Trê-telgia), fut également sacrifié
par ses sujets. Ces rois ainsi immolés étaient sans doute censés devenir
les esclaves des dieux; et en les sacrifiant on entendait proprement
les consacrer comme serfs célestes.
Le caractère propre de la consécration se montrait, d’une manière
plus évidente encore, dans le suicide ou dans la mort qu’on se
donnait volontairement. En se tuant, on se consacrait au service de
son dieu dans l’autre monde. Voilà pourquoi les héros, chez les
Scandinaves et les Germains, ainsi que chez les Scythes (v. p. 281) et
chez les Gètes (v. p. 284), se suicidaient, pour échapper aux suites
d’une défaite. Lorsque Raralld aux beaux cheveux résolut d’incorporer
à son royaume le Naumdal, Herlaug, le chef héroïqu-e de
cette cpntrée, entra, avec douze de ses compagnons, dans le tertre
tumulaire qu’il avait fait préparer et le fit fermer derrière lui.
Le héros Hadding, voulant se dévouer à Odinn, se pendit à un
arbre, en présence de la foule, qui s’était assemblée comme pour
assister à un sacrifice public. Erik, fils du roi Ragnar Braie-velue
(norr. Lodbrôk), désirant aller chez Odinn, se fit lancer en l’air,
comme c’était l’usage de le faire avec les victimes, ou avec les
membres du corps consacrés à ce dieu (cf. le bras droit, p. 280),
et-recevoir, dans sa chute; sur des lances hérissées (norr.- geirom
stydia). La tradition, étant devenue évhémériste dans le Nord,
rapporte même que Odinn, sentant sa fin approcher et voulant
échapper à une mort naturelle, se fit percer ou marquer avec une
lance, pour se consacrer à lui-même. A l’exemple de ces héros, les
malades et les vieillards infirmes se consacraient aussi à leur Divinité,
en se donnant ou en se faisant donner la mort. En Scandinavie,
ils se précipitaient ordinairement dans un gouffre ou dans la mer,
ou dans un lac, du haut de certains rochers élevés (Plin., H. N., IV,
26, Il ; Mêla, III, 5), qu’on a appelés plus tard les Rochers de famille
(norr. oetternis-stupar; v. Gautrekssaga, c. I, 2). Les vieillards
, qui n’avaient plus la force de se donner la mort eux-mêmes,
étaient tués par leurs parents, qui s’assemblaient, alors, comme pour
un sacrifice religieux, et qui leur donnaieut la mort avec une
massue qu’on nommait la massue de famille (norr. oetiernis-klubba).
Chez les Hérules (v. p. 67), les malades, sur leur demande ou malgré
eux, furent consacrés aux. divinités, c’est-à-dire qu’ils furent immolés
et ensuite brûlés (Procop., De bello goth., II, 14).
| 1 §§. Influence (les com§eot»lions sur les moeurs.
— Chez les Germains et les Scandinaves, comme chez leurs pères
les Gètes et chez leurs ancêtres les Scythes, lés sacrifices étaient
toujours suivis d’un banquet ou d’un repas de sacrifice. Comme ces
peuples préféraient généralement le boire au manger (Tacit.,
Germ., 4), ces-banquets devinrent de véritables compotations (dryk-
kior; v. p. 278). Tous lès peuples barbares, et les individus qui
leur ressemblent chez les nations civilisées, ont l’habitude de boire
outre mesure, surtout des boissons-capiteuses^et il n’y a, au fond,
rien d’extraordinaire si nous voyons les Scythes, les Tfirâko-Gètes et
les Thrdkes faire des excès sous Ce rapport.’Boire à la thrâke, à la
scythe , signifiait boire immodérément ou boire beaucoup d’un seul
trait. Les Thràkes se portaient mutuellement des défis à qui boirait
le plus, sans reprendre haleine (cf. p. 112) :*c’est ce qu’on appelait
l’amystide-thrâke (v. Compl. duDict. de l’Acad., s, v., Thrace). Mais
si les Germains, les Scandinaves et les Slaves, à une époque où ils
n’étaient pas plus barbares que d’autres peuples leurs voisins, ont
conservé les mêmes habitudes, et si tous les peuples de race scythe,
depuis les temps anciens jusqu’à nos jours, ont gardé cette intempérance,
au point qu’il est devenu proverbial, chez les nations anciennes
et modernes, de dire : boire comme un'Scythe, comme un
Gèle, comme un Polonais, comme un Allemand ; alors il n’est plus
possible de considérer ces excès comme de simples accidents; il
faut les considérer comme tenant aux moeurs des'peuples de race
scythe. Or, comme généralement ces peuples n’-étaient pas plus
sensuels que les autres nations de l’Antiquité, ces habitudes ne sont
pas innées à cette race, mais elles sont, comme presque toujours,
des habitudes prises; et si l’oft examine ce qui a fait prendre à ces
peuples ces habitudes, on reconnaît que c’est principalement le
culte de leurs dieux ou leur religion. En effet, aucune fête n’étant
célébrée sans sacrifices (v. p. 276), et nul sacrifice n’ayant lieu
sans entraîner des compotations (v. p. 278), boire était l’accompagnement
obligé de tout acte religieux, et-, par conséquent, de tout
acte important dans la vie familiale, sociale et politique [Tacit.,
Germ., cap. 21, 22). Le dieu Thôr passait pour un grand buveur
(v. p. 204); pourquoi ses adorateurs ne l’auraient-ils pas imité