
Après avoir fait mourir, par strangulation (v. p. 276), la victime
consacrée, on lui coupa le bras droit qui avait porté l’épée et qui
était, par cela même, le membre honoré par excellence (cf. Lucien,
Toxaris), et l’on jeta ce bras dans l’air, ce qui indiquait symboliquement
que ce membre était une o/frande livrée exclusivement
au Dieu du ciel (Tivus, v. p. 454) ou de l’air (Vàtans, v. p. 462),
lequel était aussi le Dieu de l’épée (Kaizus, v. p. 157) et des combats.
Comme l’immolation de cette victime humaine était assimilée
à un sacrifice, on mêlait aussi, seIon.T’usage généralement suivi
dans les sacrifices, un peu de son sang à la viande de,boucherie
destinée au repas de sacrifice (cf. Hérod., IV, 26). Cet usage de
mêler du sang humain à la viande du repas fut cause que les historiens
grecs ont été amenés à .croire que les Scythes étaient anthropophages
ou qu’ils avaient l’habitude de manger de la chair
humaine dans les sacrifices (Plin., H. N., VII, 2; Florus, 2, 26;
Lucien, Toxaris).
§ f S». lies Sakéennes. —- Cyrus , en souvenir de la victoire
qu’il avait remportée sur les Scythes ou les Sakés, et comme pour
consacrer, à son tour, à sa Divinité*, les prisonniers Scythes qu’il
avait faits à cette occasion, adopta des Sakes leurs fêtes de consécration,
auxquelles on donna, pour cette raison, le nom de Sakéennes
(gr. Sakaia, v. Hésych., s. v.) ou F êtes scythes (Ktesias, éd. Bæhr,
p. 95, 447). A Babylone cette fête durait cinq jours (Ath-en., Deïp-
nosoph., 14, 44), à commencer du quinzième jour du mois macédonien
Lôos. Durant cette fête, ainsi qu’aux Saturnales romaines,
il était permis aux esclaves de se livrer entièrement aux plaisirs.
Au lieu d’un prisonnier de guerre on prenait quelquefois, pour
victime consacrée, quelqu’un qui avait été condamné à mort. Ce
consacré avait le titre de Prince (pers. schahhneh; aram. sagan ;
gr. zôganès); et, après avoir joui de tous les plaisirs et prérogatives
des Grands, il fut mis à mort le cinquième jour (v. p. 284) ,
moyennant la pendaison (Chrysost., De la royauté, 4e oraison) ou
la strangulation, qui, pour la raison que nous avons indiquée (v.
p. 276), ne passait pas, chez les Scythes, ni chez leurs descendants
, pour un supplice ignominieux, mais était le mode ordinaire
de la mise à mort des victimes.
1 Cette divinité était, sans doute, ïa Déesse de la lune Anahid, (gr. Anaïtis).
Voy. Alf. Maury, Histoire des Religions, etc., III, p. 176.
Comme la consécration procurait, à ce qu’on croyait, l’avantage
d’aller servir la Divinité dans le ciel, il y avait des Scythes qui, par
une mort volontaire ou par le suicide, se consacraient à leurs dieux.
C’est ainsi que Spargavisis, le fils de la reine Tomyris, se donna la
mort (Hérod., I, 213) ou se consacra au Dieu des combats, pour
échapper à l’esclavage qui l’attendait après sa défaite (v. § 185).
§ 1S3. lies Funérailles. — Les Scythes aimaient à assimiler
la mort naturelle à une dévotion spontanée ou à une consécration
volontaire. C’est pourquoi ils donnaient aussi aux funérailles, autant
que possible, la forme extérieure d’une consécration et même
d’un sacrifice. Les morts furent suspendus dans l’air aux arbres,
c’est-à-dire consacrés à Tivus le Dieu du ciel et de l’air, ou enfouis
dans la terre, c’est-à-dire consacrés à la déesse Apia (Terre), ou
brûlés sur un bûcher, c’est-à-dire consacrés au Dieu du soleil Tar-
gitavus ou à la Déesse du feu Taviti. Le plus ancien mode de funérailles
paraît avoir été la suspension. Cet usage, imité peut-être des
Kimméries, se maintint assez longtemps dans les pays du Pont-
Euxin, où étaient établis d'abord des peuples kimméries, et après
eux des Scythes. Dans le cimetière ou bois sacré de Aïa-Colchis, on
voyait attachés, par des chaînes, aux branches des arbres, et
agités par les vents, les cadavres des trépassés, enveloppés dans des
peaux de taureau non tannées (v. Argonaut., 3, v. 202-209). Évidemment
ces cadavres étaient censés consacrés au Dieu du ciel et
de l’air ou au Pieu des Suspendus (norr. Hanga-gud), comme les victimes
que, plus tard, en Scandinavie; à Upsal et à Hleidra, on
avait l’habitude de suspendre aux arbres du Bois sacré.
Chez les Scythes, les Bois et les Nobles avaient un lieu de sépulture
particulier, ainsi que l’avaient eu les rois kimméries, dont on
montrait, du temps d’Hérodote (IV, 11), les tombeaux sur le Tyras.
Pour les Scythes de la mer Noire, ce cimetière était à Gerrhes (Enceinte
de claies), et il était ainsi nommé par les Scytho-Grecs parce
qu’on y avait amassé beaucoup de claies qui servaient, soit pour
construire le dais ou la chambre souterraine du défunt, soit pour
faire une clôture (norr. gardhi) autour du cimetière. Le-cadavre
embaumé du roi, après avoir été promené, sur un char funèbre,
par tout le pays, afin que tous ses sujets pussent éncore le voir et
faire ensuite le deuil, fut, à la fin, placé dans une grande fosse
carrée et sous une claie ou natte d’osier, qui, sous forme de dais,