
des Celtes ou des peuples antédiluviens? Nul n’a pu nous
le dire ; mais quels qu’ils fussent, ils ont eu leur vocabulaire,
leur langue parlée, leur langue écrite, et ces
pierres, grandes et petites, étaient leurs inscriptions,
leurs archives et leurs trophées.
Je vous ai dit, Messieurs, que les bancs de diluvium
contiennent des formes ou des oeuvres analogues à celles
des tourbières. En ceci rien encore qui doive vous surprendre,
car il est telles de ces tourbières, si l’on en juge
à l’épaisseur de leur couche et au temps qu’il a fallu pour
les produire, qui ont une vieillesse égale, si elle n’est
supérieure, à celle des dépôts diluviens. Ces ressemblances
rentrent dans la marche ordinaire des choses, et
nous vous avons déjà fait remarquer qu’il est des idées,
des actes, des habitudes et conséquemment des formes,
des oeuvres qui, traversant toutes les révolutions et tous
les climats, sont communs aux hommes de tous les
siècles, et qui le seront tant que ces hommes auront les
mêmes organes, les mêmes besoins, les mêmes désirs,
les mêmes passions.
Parmi ces ressemblances, la plus frappante est celle
des haches, non qu’elle soit complète, car on distingue
facilement celles du diluvium de celles des tourbières,
mais nonobstant on s’aperçoit qu’une même intention a
dirigé les ouvriers des deux époques. Du reste, sauf le
cas où elles sont altérées par le frottement, le travail en
a été rarement mis en doute. 11 n’en est pas ainsi de
celui des pierres purement symboliques, notamment de
celles qui représentent des figures : on m’a opposé les
jeux de la nature et ces nombreuses empreintes de corps
marins qui nous offrent assez souvent des simulacres de
mammifères, d’oiseaux, de poissons, etc.; mais il suffit
de regarder ces pétrifications pour reconnaître qu’il n’y
a là aucun indice de travail. Quand ce travail existe,
on l’aperçoit immédiatement : les éclats enlevés le sont
justement aux points où ils doivent l’être pour compléter
la ressemblance. Cependant, ici encore un seul exemplaire
ne suffit pas pour faire preuve; mais quand
l’oeuvre est réelle, vous rencontrez bientôt son similaire.
Ceci doit arriver aussi dans les empreintes et les pétrifications,
mais jamais dans les silex purement accidentés.
Vous avez pu observer, Messieurs, que les jeux
de la nature ne sont pas comme ses lois : celles-ci sont
invariables , tandis que ses jeux varient sans cesse :
jamais ils ne vous montreront deux fois la même forme,
et dans ces milliards de silex qu’offrent nos bancs diluviens,
si l’homme n’y a pas touché, vous n’en trouverez
pas deux dont l’identité soit parfaite. Si vous les y trouvez,
c’est qu’il les a faits tels, et vous en rencontrerez
bientôt un troisième, un quatrième et plus encore. Examinez
chacune de ces pierres qui, isolée, vous a paru
un simple accident ; si vous y voyez que ces entailles que
vous avez prises pour des brisures sont autant d éclats
enlevés de la même manière et aux mêmes places, cette
répétition ne peut être que la suite d une combinaison.
la main humaine a passé là. Et vous n’en douterez plus
quand vous aurez reconnu dans la façon de toutes ces
pierres une même intention : c’est un oiseau, un poisson,
un quadrupède qu’on a voulu représenter; vous en distinguez
non-seulement le genre, mais l’espèce. Tous ces
silex ont donc été ouvrés; seulement l’ouvrier, poui
abréger sa besogne, a eu soin de prendre ceux dont la
coupe et la dimension se rapprochaient le plus du modèle
qu’il voulait imiter.