
Ces pierres trouées n’étant pas communes, ou présentant
des formes peu propres à l’usage qu’on en voulait
faire, on devait avoir un autre mode d’emmanchement.
J’ai décrit ceux qu’employaient les Celtes. Depuis, de
nombreuses découvertes ont confirmé mes prévisions,
que rendait faciles la coupe de leurs haches tranchantes
d’un seul côté. Il n’en était pas ainsi de celles du diluvium.
Les unes en forme de larmes ou de lances présentaient
à une extrémité une pointe mousse ou un tranchant
étroit, et de l’autre une masse plane ou arrondie. On
pouvait s’en servir comme poignard pour frapper de
près, ou de projectiles pour atteindre de loin, mais
plus probablement on les emmanchait dans un bâton
troué ou fourchu (t); la pierre placée horizontalement
dans l’ouverture, y était maintenue par la seule pression
d’un bois élastique ou au moyen de coins. Cette pierre,
formant croix avec le manche, offrait ainsi d’un côté une
pointe ou un tranchant, et de l'autre une masse ou
marteau: c’était notre pioche. (Voyez pl. l re, fig- L)
Des pierres taillées, mais souvent roulées, qu’on rencontre
assez fréquemment dans les mêmes bancs, et dont
la forme, qui rappelle bien mieux la hache, a peut-être
(1) Les g a în e s en b o is d e c e r f, en r eten a n t la p ierre au moyen
d ’u n e o u v e r tu r e h o r iz o n ta le , r e c e v a ie n t le m an ch e par u n trou
tr a n sv e r sa l. Mais j ’ai tr o u v é d e s g a în e s o ù c e tr o u transversal
m an q u a it. J’en ai c o n c lu q u e la g a în e , d o n t l’e x tr ém ité op p o sé e à
c e lle q u i r e c e v a it la h a ch e é ta n t d isp o s é e en c h e v ille arrondie,
d e v a it ê tr e in tr o d u ite h o r iz o n ta lem en t d a n s u n m an ch e de bois.
On s ’en s e r v a it a lo r s c om m e o n se s e r t d e n o s h a ch e s d e fe r , dont
e lle p r en a it a u s si l’app a ren c e . En fa isa n t faire u n d em i- to u r au
tr a n ch a n t, l ’in s trum en t p o u v a it être em p lo y é c om m e l’a isscttc
d e s to n n e lie r s .
servi de modèle à nos francisques ou haches d’armes,
s’emmanchaient de la même manière que la précédente,
mais la pierre ne ressortait que d’un côté (fig. 2 ).
D’autres haches du diluvium, ovales ou en amandes,
moins épaisses et plus finies que la hache-pioche, sont
tranchantes dans toute leur circonférence. Je ne m’expliquais
pas l’utilité de ce tranchant circulaire et je ne
voyais pas comment elles devaient être emmanchées, puisqu’on
raison même de ce tranchant, elles ne pouvaient
servir à la main. Cependant, au temps qu’avait dû demander
leur confection, car il en est qui, quoique non
polies, ont une régularité, disons mieux, une harmonie
dans leurs proportions, telle que le plus habile de nos
ouvriers ne ferait pas beaucoup mieux, on devait croire
que cet emploi n’était pas d’une mince importance et
qu’il ne s’agissait point d’une pierre à jeter au vent, ou
d’un simple projectile. Après divers essais, j’ai reconnu
qu’un des côtés du tranchant avait dû être introduit de
profil dans un manche de bois, non par un des bouts,
mais dans une rainure pratiquée le long de ce manche
et creusée assez profondément pour qu’on put y faire
entrer le silex jusqu’à la moitié de sa largeur. Ainsi
placé de profil, il présentait un côté entier de son
tranchant se développant en demi-ovale en dehors du
manche (fig. 3).
Quand ce côté était émoussé, on sortait la hache de la
rainure, on y introduisait la partie émoussée, qui, ainsi
retournée, était remplacée à l’extérieur par la partie
encore neuve.
Ce second tranchant s’émoussait-il à son tour, on
retirait de nouveau la hache de la rainure que l’on
recreusait un peu et dont on augmentait la profondeur