
une ile (aïa). Ensuite, encore du temps d’Homère, le nom propre de
Aïaïa (Insulaire), qui est un adjectif dérivé de aïa, désignait la
Terre insulaire ou le groupe d’îles à l’extrémité orientale et occidentale
de YOkéanos. Cependant la forme primitive de Apia a aussi
été importée dans l’ancienne Grèce par les Pélasges, qui n’étaient
pas de race hellénique, mais d’origine kimméro-thrâke (v. Les peuples
primitifs, p. 42>.<En langue pélasge, apia (île, pays) était le nom
primitif du Péloponèse et de la Thessalie; et en Italie le nom pélasge
de Mess-apia. signifiait probablement Pays, du milieu. Les
Scythes qui, de toutes les branches delà souche iafétique, ont conservé
le mieux et le plus longtemps les caractères primitifs de cette
souche (v. p. 134):* ont aussi conservé le plus longtemps l’ancienne
forme du mot apia avec sa signification de terre, et ont maintenu
également dans leur religion l’ancienne déesse Apia (Terre), considérée
comme l’épouse de Tivus (Ciel).
§ 103. Apia d a n s la re lig io n des Scytlies. — Ainsi que
le dieu Tirus (Ciel),la déesse Apia (Terre) paraît aussi avoir appartenu
déjà à la religion primitive de la souche iafétique, et de là avoir
passé dans la religion des Scythes. Comme la terre est fécondée par
l’orage et les pluies du Ciel, Apia, la personnification mythologique
de la terre, passait aussi pour être l’épouse de Tivus, qui était la
personnification du ciel (Hérod., IV, 59). Les divinités ayant été
d’abord zoomorphes avant de devenir anthropomorphes (v. p. 153),
il est probable que dans l’origine Tivus et Apia furent conçus sous
la forme d’un taureau et d’une vache. Mais la conception anthropomorphe
de ces divinités a dû se fixer peu de temps après la différenciation
de la souche primitive iafétique en plusieurs branches.
Car, dans les mylhologies iafétiques, dès les temps les plus anciens,
le Ciel et la Terre sont représentés sous la figure humaine; et c’est
seulement après avoir été d’abord anthropomorphisés que, chez
les Scythes, Tivus ei Apia ont pu être conçus comme ayant des rapports
généalogiques avec les autres divinités, ou être considérés
comme leur père et mère et comme les'Divinités Suprêmes. Dès la plus
haute Antiquité, la femme a toujours été subordonnée à l’homme;
le culte d’Apia a donc aussi été subordonné à celui de Tivus. Cette
déesse à été seulement le reflet ou, comme disaient les Hindoux, l’énergie
(sansc. çakti) du dieu; aussi a-t-elle peu d’attributions appartenant
à son individualité comme Terre; ses attributions principales
se rapportent presque toutes à sa qualité d’épouse de Tivus, et
c’est pourquoi elles ont été imaginées, soit par analogie, soit par
antithèse avec celles de ce dieu. En effet, c’est comme épouse du
Ciel-Père scythe (Tivus-Pappaïus), du Père des dieux et des hommes,
duDieu Suprême, que Apia devint la Mère des dieux et des hommes,
et la Déesse Suprême. En sa qualité de Mère par excellence,
de Grande-Productrice, de Mère des dieux et des hommes, Apia
avait de l’analogie weoV Aïeule-Mère (gr. Dè-Mèter; dè ou odâ, p. dêdâ
aïeule, v. Théôk., VII, 39; bohème deda, aïeule;r'norr. Edda, p.
Deda, aïeule ; cf. illyr., Siâra mater,^ Vieille-Mère, Terre) de la mythologie
grecque. Aussi Anacharsis, le scythe, après être revenu
de la Grèce dans sa patrie, essaya-t-il d’introduire* dans le culte
à’Apia, quelques cérémonies du culte de la déesse Dèmèter, qu’il
avait vu pratiquer à Cycique, lors de son passage par celte ville.
§ 103. E ch itln a et f i r h im i a . — Aussi longtemps que,
dans les langues gèles, le nom, par lequel on désignait la déesse
Terre; rappelait encore directement l’idée de terre, la signification
symbolique d’Apia comme déesse ne s’effaça point; c’est seulement
plus tard que l’expression de fils de Terre, désignant l’homme ayant
pour mère primitive la Déesse Terre, fut remplacée par celle de
fils de la terre, qui signifiait issu de parents nés, comme les arbres,
du sein de la terre1. Les Scythes se disaient fils d’Apia, et cette Apia
était, comme dans l’origine, où le particulier’était encore confondu
avec le général, la personnification et de la terre en général, et du
pays particulier qu’ils habitaient. C’est pourquoi les Scythes-Hellènes,
établis dans YHylée, disaient que la race scythique était issue d’Hé-
raklès (scythe Targitavus, le Soleil, le fils et le représentant de son
1 De même que la philosophie n’est rien sans la science, de même la science
ou la Critique n’est rien sans une exactitude pour ainsi dire mathématique1.’ Il importe
donc de déterminer exactement le sens de l’expression de fils de la terre qu’on
trouve dans les diverses langues. Je crois que le mot gsec gè-genès (né de la terre)
signifie sorti du sein de la terre matérielle. Àuto-chlhon signifie indigène, c’èst-
A-dire né dans le pays ou issu de parénts nés dans’le pays, par opposition aux
otiangers ou fils d’étrangers; ce terme fait ressortir le droit du premier occupant
ou le droit d’une possession immémoriale. Le latin terne filius désigne
homme comme habitant, digne dé pitié, de cette terre de misères, par’opposition
uux dieux si dignes d’envie comme habitants heureux du ciel. Le finnois ma-inne.
men (homme de la terre) désigne sans doute l’homme habitant du pays (ail.
landsmann), par opposition à l’étranger qui n’est pas un compatriote. L’arabe ibn-
al-ardh (terræ filius) désigne l’étranger errant sur la terre hors dô sa patrie,
etc., etc.