
II. DEUXIÈME PARTIE DE L’OUVRAGE.
CHAPITRE VI.
LA FILIATION GÉNÉALOGIQUE DES SCYTHES AUX GÈTES, ET DES GÈTES AUX GERMAINS
ET AUX SCANDINAVES , PROUVÉE PAR LA CONTINUITÉ ORGANIQUE DES
PHÉNOMÈNES DE l ’ÉTAT SOCIAL DE-CES PEUPLES.
§ 53. Id é e «le ce c h a p itre . — S’il est vrai, comme nous
l’avons montré dans la première Partie de cet ouvrage, que les
Scylhes sont les pères des Gètes, et que ceux-ci sont les pères des
Germains et des Scandinaves, il s’ensuit que les Scythes, les Gètes
et les Germains-Scandinaves forment une seule et même lignée,
de sorte que ces derniers, par l’intermédiaire des Gètes, se rattachent
aux premiers, et qu’à proprement parler, Scythes, Gèles
et Germains-Scandinaves ne forment qu’une seule nation, dont les
générations successives, se continuant les unes par les autres, ont
porté ces différents noms de peuple, aux différentes époques de
leur existence historique. Mais si ces peuples n’ont formé qu’une
seule lignée, qu’une seule nation, il n’y a eu, également, en eux
qu’une seule vie physique, morale et intellectuelle, qui a fait de
cette race une unité, une individualité, et a produit successivement
les phénomènes historiques qui sont les expressions de celle
vie individuelle. Or, les phénomènes de la vie sociale, morale,
intellectuelle et religieuse d’une race reproduisent tous les caractères
distinctifs de son individualité, et doivent par conséquent représenter
Y unité de cette individualité, malgré les diverses modifications
qu’ils subissent avec le temps par suite des lois du développement
et du progrès. Si donc les Scythes, les Gètes et les Germains-
Scandinaves ne forment qu’une seule race, une seule individualité,
il faut que les phénomènes de leur état social, moral, intellectuel
et religieux prouvent cette individualité et en reproduisent l’unité
depuis le commencement jusqu’à la fin, au milieu même des modifications
que cet état a dû subir, en passant des pères aux fils, et des
fils aux petits-fils. Dans les chapitres suivants nous aurons donc à
montrer que réellement celte condition a été remplie, et qu’eflcc-
tivement dans leur étal social, moral, intellectuel et religieux, les
G e rm a in s et les Scandinaves succèdent à leurs pères les Gètes,
com m e les Gètes continuent leurs p è r e s les Scythes.
Nous commençons par l’état social, parce qu’il est le premier
mode d’évolution de l’esprit humain. En effet, avant de mériter le
titre d'être moral et intellectuel, l’homme n’est encore, au commencement
de son existence terrestre, qu’un être social (gr zôon
polilikon) Ë La société, dit Aristotélès, existe avant l’homme. L’individu,
guidé d’abord uniquement par la nature, accepte tel quel
l’état social qui lui est donné par sa naissance; plus tard seulement
il peut le modifier plus ou moins'par sa volonté propre, c’est-à-
dire par sa moralité et son intelligence. L’état social comprend
trois séries de phénomènes : 1° le genre de vie et les moyens de
satisfaire les besoins de la vie physique, tels que la nourriture, le
vêtement et le logement; 2° les rapports sociaux donnés par la
naissance, tels que: la famille, la tribu et la nation; 3° les conditions
sociales, établies en partie par la naissance, en partie par
la volonté, et faisant, par conséquent, la transition de l’état social
à l’état moral des peuples. L’état moral d’un peuple est une manifestation
plus relevée de son esprit que son état social, parce qu’il
n'est pas déterminé, au même degré que celui-ci, par la nature, la
naissance et les circonstances extérieures; d’un côté, il est vrai,
il tient encore de l’état social, mais de l’autre il touche déjà à l’état
intellectuel. Enfin, l’état intellectuel prime à la fois l’état social et
l’état moral, parce qu’il détermine l’un et l’autre, et n’est déterminé
lui-même que par l’intelligence et la liberté ou la justice.
L’état intellectuel des peuples se manifeste : 1° par le commerce
et l’industrie; 2° par les beaux-arts, la poésie et le langage; 3° par
la tradition qui, dans l’origine, est à la fois croyance et science.
§ 54. 3£«it «le ce chapitre. — Le but de ce chapitre est de
démontrer que les Scythes, les Gètes et les Germains-Scandinaves
se continuent les uns les autres dans leur état social. Or, par cela
même qu’il s’agit ici, non d’une continuité physique ou généalo-
1 Le mot social a ici le sens relatif ou historique de né dans la société primitive.
S’il avait la signification absolue et philosophique de appartenant « ta société
en général, il faudrait dire que Thommo ne doit être autre chose qu’un
être social. En effet, l’individu n’a do valeur réelle que par rapport à. la société.
,es l'ius belles prérogatives de l’homme : la raison, le langage, la moralité, appartiennent
à l'espèce plutôt qu’à l'individu, et elles n’ont de sens que relativement
à lu société.