
b. L a D é e s s e d e la lu n e e t s e s H é r i t i è r e s d a n s la r e lig io n d e s "peuples d e la
b r a n c h e g è te .
§ 13». (Le Dieu de la lune substitue à la Déesse de
la lune. — A mesure que, dans la religion des Scythes\ la déesse
Artin-paza, outre les attributions qu’elle avait comme Déesse de la
lune, en prit encore d’autres plus ou moins étrangères à sa spécialité
primitive, et que par là elle se rapprocha d’autres divinités analogues
et se confondit avecelles, pour ensuite sedédoubler en presque
autant de divinités qu’elle avait acquis d’attributions nouvelles, il
arriva que le rapport direct qu’on savait exister entre Artîn-paza et
la lune s’effaça de plus en plus, au point qu’à la fin Artin-paza et
ses dédoublements ou les déesses qui lui furent substituées, ne
furent plus considérées ni reconnues spécialement comme déesses
lunaires. Dès lors la lune, comme astre, fut envisagée séparément
ou en dehors de sa relation avec la déesse ou les déesses qui, pendant
longtemps, étaient censées y présider. Ce rapport étant donc
rompu, les déesses héritières de l’ancien ne Artin-paza eurent dès
lors une histoire mythologique distincte et indépendante de celle
de l’astre de la nuit, lequel, de son côté, eut aussi une mythologie
conforme à la nouvelle position qui lui était faite dans la religion.
Puisqu on n était plus alors dans la période de l’intuition mythologique,
l’astre delà lune ne fut plus , comme dans l’origine, considéré
comme une divinité zoomorphe, mais simplement comme
un objet de la nature. Cependant la lune jouissait traditionnellement
d’un culte religieux; on continuait donc à la considérer comme un
objet sacré, et l’on imagina une divinité pour présider à cet astre.
Cette nouvelle divinité était naturellement anthropomorphe, comme
l’étaient toutes les divinités conçues dans cette seconde période de
la religion ; et puisqu’elle n’était au fond que la personnification
allégorique de l’astre de la lune, elle eut aussi le nom par lequel
on désignait alors cet astre. Or, jusque-là la divinité qui présidait
à la lune , ainsi que ses héritières, ayant toutes été des déesses, la
lune, comme astre, avait aussi été considérée comme étant du genre
en H d id ès et H âdès (cf. O w s s e u s et U Lusses). Dans les langues gètes, la forme
K a lia s s est changée, dans les unes, en K v a le is (norr. V a li) , dans les autres, en
T fa le is , que les Géto-Grecs ont rendu par T h a ïe s (vo’y. p. 198).
féminin1. Mais depuis que So/fut devenue l’Épouse du Jour (v. p. 188),
la divinité présidant à la lune fut aussi opposée à cette déesse et
dut par conséquent passer pour être Y Époux de la Nuit et le Frère de
Sol. Voilà pourquoi l’astre de la lune eut le nom masculin de Mesuré
(sansc. masas; goth. mêna; gr. m'en) ; et dès lors étant du genre masculin,
lalune ne putplus se confondre avec les divinités féminin es, qui,
autrefois, avaient été ses personnifications mythologiques. Cependant
les attributions de l’ancienne Artin-paza et les mythes qui se rapportaient
à la lune comme divini té féminine, se conservèrent encore
dans la tradition ; mais les unes et les autres furent maintenant rapportés
en partie au nouveau dieu Mêna (lat. Lunus) ou Mâni, en
partie aux Déesses qui furent les dédoublements et les héritières
à’Arlîn-paza.
Bien que Mâni fût considéré comme un Génie anthropomorphe,
présidant à l’astre de la lune , il y eut cependant encore quelques
mythes qui, maintenant l’ancienne intuition mythologique, représentaient
cet astre comme un être zoomorphe féminin. Tel était, par
exemple, le mythe norrain qui représente la lune comme une Biche
courant dans le ciel nocturne , pour échapper au Loup qui la pour*
suit. Ce loup qui, dans chaque mois, atteint sa proie et la dévore
à moitié (ce qui est la cause de la diminution de la lune) porte,
dans la mythologie norraine, le nom de Hati (Haineux), et son
dédoublement c’est le loup appelé le Hurleur (norr. Garmr ; cf.
jarmr; gr. Kerberos) ou le Hurleur de Mâni (norr. Mâna-garmr), qui,
a la fin du monde (norr. Ragna-rôkr, Crépuscule des Grandeurs),
dévorera entièrement Mâni, c’est-à-dire l’astre de la lune. Ce mythe,
dont la forme prouve qu’il est très-ancien, a dû exister déjà dans
* Parmi ces noms féminins de la lune, en langue scytbé, on peut citer celui
de mespla qui, d’après Hésychids'(II, 578), est le nom de la lune chez les Scythes.
Voici comment je m’explique ce nom. L’adjectif masculin pils signifiait plein
(sansc. purus; gr. polus ; goth. filu; lett. pils), Le féminin en est pilà (pleine).
A cause de la croissance et de la décroissance de la lune, les peuples primitifs
considéraient cet astre comme un Être mesuré, c’est-à-dire ayant une différente
mesure ou grandeur. Or, l’idée de mesure s’exprimait par le mot mâs ou
wes.(cf. l’allemanique mesz = ail. mâsz; illyr. mes Lï lune): Mes-pila signifiait
donc Pleine en mesure et désignait la Pleine-lune. Les Grecs ont changé Mes-
pila en Mespla et lui ont attribué la signification de Lune en général. Je ne sais
s h y a quelque rapport entre ce nom de la luné et celui de Mespila, qui est le
nom propre de la ville de Ninus (Xenopii. , Anab., I I I , 4 , 1 0 ), et dont les Arabes
ont formé plus tard le nom de Mossoul (Maoussil).