
C’est ainsi que ma conviction s’est formée et comme
la vôtre se formera aussi quand vous aurez compté
jusqu’à vingt exemplaires d’une même image et que,
dans toutes, vous suivrez le travail par lequel on est
arrivé à leur donner cette ressemblance.
Je suppose maintenant que vous vouliez augmenter
ce nombre d’analogues et vous en procurer un vingt-
unième, tôt ou tard vous le trouverez et peut-être dix
encore. Mais que vous en vouliez un seul vous offrant
cette même forme avec tous ses détails sans que la main
humaine y soit intervenue, vous le chercherez en vain,
vous ne le trouverez pas. Pourquoi?— C’est que si
l’homme peut imiter la nature et même l’accident, jamais
cette nature ni cet accident n’imiteront le travail
de l’homme. Si le hasard semble en approcher quelquefois,
vous aurez bientôt reconnu la différence: les détails
vous la montreront.
Je n’ai pas besoin de vous dire que les représentations
d’animaux que nous offrent les tourbières comme
le diluvium, ne sont que celles des individus qui existaient
alors : ces ouvriers primitifs copiaient et n’inventaient
pas. D’ailleurs, à quoi bon des inventions qu’on
n’aurait pas comprises. Je ne doute donc pas que ces
ébauches de pierre ne nous donnent un aperçu de ces
grands quadrupèdes dont nous recueillons les os : oui,
nous avons là les miniatures des mastodontes , des
mégathérium, des megalonix, des paloeotherium, etc. 5 ces
animaux gigantesques ont frappé les premiers hommes
comme ils nous auraient frappés nous-mêmes. Dès-lors
doit-on s’étonner qu’ils aient essayé de les représenter :
quel est le peuple dans les monuments et les archives
duquel on n’ait retrouvé ces reproductions de la vie?
Les Égyptiens, les Grecs, les Romains, les barbares eux-
mêmes ont toujours eu une grande propension à prendre
les animaux pour enseigne et pour symbole 5 ils ont mis
leurs images dans leurs temples et même dans le ciel;
ils en ont fait leur zodiaque et leur langue hiéroglyphique
et religieuse.
Dans notre galerie antédiluvienne, vous retrouverez
aussi diverses espèces de quadrumanes, qu’on distingue
aisément à l’expression de leur face, notamment quand
les yeux y sont indiqués.
Les ligures d’hommes (1), autant qu’on peut en juger
par ces grossières imitations, indiquent la race blanche
ou caucasique. Plus rarement on croit reconnaître le
type nègre.
Ces imitations de la vie, bien qu’il faille aussi quelque
habitude pour les distinguer des accidents, en demandent
pourtant moins que les outils proprement dits ou qui
n’avaient d’autre destination que d’aider à la main-
d’oeuvre. 11 s’agit ici de ceux du diluvium, car les instruments
des tourbières se bornant à certains types bien
tranchés et toujours les mêmes se reconnaissent aisément.
Mais l’ouvrier antédiluvien ne s’est pas astreint à
une forme spéciale : sans se préoccuper de la régularité
ou de l’élégance de cette forme, il s’assurait d’abord
qu’elle était commode à la main ou qu’il ne lui faudrait
(1) Il fau t se ten ir en g a rd e c o n tr e le s fig u r e s d e pro fil. La c a s sure
du s ile x offre n a tu r e llem en t de c es r a p p r o ch em en ts h um a in s ;
vous croyez v o ir un fr o n t, un n e z , u n e b o u ch e , u n m en to n , e t to u t
ceci n ’e s t q u ’un p r e stig e . Les fig u r e s d e tr o is q u a rts e t de fa c e
présentent p lu s de g a r a n tie . On p eu t p o u r ta n t a u s s i, en le s ex a minant
à la lo u p e , r e c o n n a îtr e le s p ro fils r é e llem en t tr a v a illé s :
°n y d is tin g u e u n e su ite de p e tits é c la ts e n le v é s r ég u liè r em en t.