
bien longtemps. Puis, habitée dès qu’elle a été habitable,
elle a pu, à des intervalles plus ou moins longs, cesser de
l’être et avoir été rejetée dans le chaos par ces secousses
qui en ont, sur bien des points, modifié la surface.
Ces évènements, tout grands qu’ils sont, ne nous
semblent pourtant que secondaires si l’on étudie la flore
et la faune des temps précédents, car on reconnaît alors
qu’elle a eu aussi sa révolution atmosphérique, soit subite
et par un mouvement de l’axe (1), soit, ce qui est
plus probable, par un refroidissement successif. Mais
avant cet abaissement de la température, ces végétaux et
ces arbres gigantesques dont les analogues ne se développent
que sous le soleil des tropiques, croissaient dans
nos campagnes comme aujourd’hui les chênes et les
hêtres. Sous leurs ombrages reposaient ces grands carnassiers
et ces énormes pachidermes qui, eux non plus,
ne pouvaient alors exister que sous un ciel brûlant.
Est-ce dans cette période que vivaient les hommes
dont nous retrouvons les oeuvres, ou n’ont-ils commencé
à y paraître que bien des siècles après et lorsque le
(1) Si l ’on admet une période de froid ex ce ssif et l’Europe ainsi
transformée en un vaste glacier, la fonte des neiges accumulées
pendant des siècles a dû, à mesure que la température s’est radoucie
et dans ces alternatives de froid et de chaud, amener une
suite de déluges ou de torrents dont le volume d’eau et la rapidité
variaient selon l’action du soleil. Ceci pourrait expliquer les mouvements
de la superlicie et même, comme nous le dirons bientôt,
l ’absence de tout débris organique dans certains bancs. La superposition
des couches limoneuses après une forte pluie et les pentes
que sillonne l’eau de neiges pendant le dégel, doivent nous présenter
en miniature les formations diluviennes : les petits eftets
nous révèlent souvent de grandes causes et vice-versâ.
climat était retombé à la température propre à ces
mammouths au pelage rude et épais, à ces ours des cavernes,
à ces cerfs gigantesques, espèces éteintes, mais
dont nous rencontrons aussi de nombreux débris ?
Les hommes contemporains de ces grandes races habitaient
ils les forêts où elles pullulaient, ou peuple
vagabond et chasseur, suivaient-ils le gibier dans ses
migrations, à peu près comme font encore les sauvages
des prairies américaines? Questions difficiles, mais qu’un
jour aussi on saura résoudre.
Quittant un instant ces bancs diluviens, si nous abordons
une période moins ancienne et si nous revenons à ces
dépôts végétaux, ces tourbières de la Somme qui, avons-
nous dit, s’étendent jusque sous la Manche, dans cette
tourbe aussi nous retrouvons des masses d’ossements.
Mais une nouvelle modification s’est opérée dans le sol
et dans le climat, la nature a pris une autre face, toutes
les anciennes espèces ont disparu : plus d’éléphants, plus
de grands carnassiers, plus de rhinocéros, mais des
cerfs, des boeufs autres que ceux du diluvium, des sangliers,
des bufles, des castors, etc., entourés de végétaux
semblables à ceux qu’on voit encore. La température,
depuis ce temps qui a dû précéder de peu l’âge historique,
n’a donc pas changé.
Comme leurs prédécesseurs, ces peuples étaient chasseurs.
Que pouvaient-ils être, et de quoi auraient-ils
vécu? L’absence de débris d’animaux domestiques annonce
qu’ils n’étaient point pasteurs. —Laboureurs? —
Comment l’était-on avant la charrue ou sans le fer de
son soc? Nul instrument d’agriculture n’indique qu’ils
cultivaient la terre : dès-lors ils ne pouvaient vivre que
de chair.