
de l’étranger. Aussi les Scandinaves savaient-ils si bien apprécier
l’influence bienfaisante des voyages sur l’esprit, qu’ils méprisaient,
non pas seulement comme des lâches (v. p. 113), mais aussi comme
des ignorants, ceux qui restaient toujours chez eux; et, dans leur
langue, l’épithète de casanier (norr. heimskr) était synonyme de
stupide et un terme injurieux. Le goût des Scandinaves pour les
courses et les voyages contribua aussi à étendre leurs connaissances
géographiques, et à agrandir leur horizon intellectuel. Il y
avait parmi eux beaucoup de marchands navigateurs, tels que le
Norvégien Othar qui explora les côtes septentrionales de 1 Europe,
depuis le cap Nord jusqu’en Permie (norr. Biarma-land'), el 1 Anglo
Saxon Vulfslân qui, ainsi qu’Othar, a laissé une relation succincte
des voyages qu’il avait faits dans les différents pays du Nord.
L’une et l’autre relation ont été insérées par le roi Alfred le Grand
dans sa traduction d’Orose (v. Dahlmann, Forschungen, etc., I,
p. 422). Longtemps avant Christophe Colomb, déjà au dixième
siècle, des navigateurs islandais avaient découvert l’Amérique septentrionale,
et y avaient formé de grands et de nombreux établis-
sements (v. Rafn, Anliquitates americanæ). Telle était cette race
scythe,- si entreprenante sur terre et sur mer, dont nous avons à
faire connaître maintenant l’état intellectuel, en montrant comment
l’intelligence de ces peuples s’est manifestée d’abord par leur commerce
et leur industrie, ensuite par leurs essais dansles beaux-arts
et par la poésie,enfin par leur langue, par leurs traditions et par
leurs connaissances ou leur science.
a) Le Commerce et l’Industrie.
§ Ç3. L’ambre jaime et Ses objets «l’écbaM«je. —
Comme échange des produits naturels contre d’autres produits de
la même espèce, le commerce est antérieur à l’industrie, laquelle,
à son'tour, en tant que production artificielle de valeurs, est anterieure
au commerce qui consiste dans l’échange et la vente de ces
valeurs. Les principaux articles du commerce des Scythes européens
étaient la pelleterie et l’ambre jaune. Dès le sixième siècle
avant notre ère, les Scythes de la mer Noire faisaient concurrence
aux Phéniciens, en cherchant sur les bords delà mer hyperbo-
réenne (Baltique, v. p. 54>, surtout à Abalie, le succin (lat. succinum,
tenant du suc) qu’ils nommaientsakiru (le suint; lat, sacrium,
v. Plin., H. N.; sansc. kchîram, p. çatchîram, sérosité; lilh. sak-
kai, résine; russ. sok, succus; cf. gr. dakru ; ail. zàhre; lat.
lacrgma). Si les Scythes ont pris le nom de sakiru dans le sens
propre de suint, cela prouverait qu’ils considéraient le succin
comme 1 exsudation de quelque arbre; si de plus ils l’ont pris dans
le sens figuré de larme, cela serait encore une preuve qu’ils ont
connu le mythe sur les Héliades (Ovid., Métamorph., 2, 340), qui,
à la mort de leur frère Phaëton, furent changées en aulnes, et
versèrent des larmes d’où provenait l’ambre jaune.
Les descendants des Scythes, les Vénètes de la mer Adriatique,
s’ouvrirent pour le commerce du succin une route directe, en
s’associant avec leurs frères les Ventes de la mer Baltique (v. p. 54).
Vers le commencement de notre ère, ce commerce, dont l’importance
avait alors déjà beaucoup diminué, était entièrement entre
les mains des peuples keltiques, qui donnaient au succin le nom
de glæs (lat. vitrum; cf. Plin., 22, 2; Pomp. Mêla, 3 ,6 ; cf. germ.
glas), et tiraient ce fossile principalement de Pile d’Ameland, appelée
alors Austravia (Ile orientale) par les Bataves germaniques,
et Ile au succin (lat. Glessaria) par les Belges keltiques. Les Scythes
nomades, qui troquaient simplement leurs marchandises contre
d’autres produits naturels, n’avaient pas besoin de monnaie. Mais
les Scythes de la mer Noire, qui étaient en rapport avec les Grecs,
faisaient usage de la monnaie qui était frappée à Olbie. Les Slaves
employaient quelquefois, en guise de monnaie, les têtes de peaux
d’écureuils (v. Karamsine, tom. I), usage qu’ils tenaient, sans doute,
des Finnois (cf. finnois rahi); et plus lard les Scandinaves employèrent,
Comme moyen d’échange, des fils d’argent roulés en
spirale en forme de bracelet, et dont on coupait un ou plusieurs
rond« (norr. baugr, bague), selon le prix à payer pour la marchandise.
Les monnaies du Bas-Empire, surtout les Bractéates, étaient
aussi employées en Scandinavie; mais on en faisait, dans Ces pays,
principalement des objets d’ornement, soit pour les hommes, soit
pour les femmes.
i *4. lies objets «le fabrication e t la métallurgie.
— L’industrie des Scythes n’était pas assez avancée pour fournir
au commerce beaucoup d’articles confectionnés : elle était exercée
seulement pour les besoins personnels, et elle ne fournissait