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a été trop loin quand elle a nié que l’homme eût vécu
durant la période qui a précédé la formation diluvienne,
ou ce cataclysme qui a donné à la surface terrestre sa
configuration actuelle. C’est cette lacune de notre histoire,
cette ignorance où nous sommes des premiers
pas de l’homme sur la terre, que je vous signalais; c’est
sur ce peuple primitif, ses moeurs, ses habitudes, ses
monuments ou les vestiges qu’il avait dû laisser, que
je désirais jeter quelque lumière.
Yos conseils ne m’ont pas fait d é fau t; j’en ai la rg e ment
usé lorsque, dans nos séances de 1836 à 1840, je
vous développais cette th éo rie, comme complément de
mon livre D e l a C r é a t i o n (1), en ajoutant que cet homme
fossile ou ses oeuvres devaient se tro u v e r dans le d ilu vium
ou les te rra in s q u ’on nommait alors t e r t i a i r e s . Si
vous n ’adoptiez pas toutes mes idées, vous ne les repoussiez
pas non plu s; vous les écoutiez, non avec l’intention
de les condamner, mais avec celle de les ju g e r ; vous
admettiez le p rin c ip e , seulement vous vouliez des
preuves.
Hélas! je n’en avais pas à vous donner: j’en étais
encore aux probabilités et aux systèmes. En un mot,
ma science n’était que prévision. Mais cette prévision
chez moi était devenue conscience : je n’avais pas encore
analysé un seul banc que je tenais déjà ma découverte
pour faite.
(1) Ces lectures et les dissertations auxquelles elles donnaient
lieu sont rappele'es dans les procès-verbaux des séances et les
volumes de 1836 à 1840 des Mémo ire s de la Société d’Émulation.
(Voir, pour les dates, l’extrait des procès-verbaux, page 428, du
volume de 1837, et années suivantes.)
J ’étais bien jeune, lorsque cette pensée m’av ait p réo ccupé
pour la première fois. En 1805, me tro u v an t à
Marseille chez M. Brack, b eau-frère de Georges Cuvier
et ami de mon père, j ’allai visiter dans les environs une
grotte, dite d e R o l a n d . Mon premier soin fut d ’y ch erch er
de ces os dont j’avais si souvent entendu p a rle r p a r
Cuvier. J ’en rap p o rta i, en effet, quelques échantillons.
Etaient-ils fossiles? — Je ne sau rais le dire.
Plus ta rd , en 1810, je visitai une a u tre grotte, celle
de Palo (É ta ts-R om a in s). Cette fo is, j ’étais avec M.
Dubois-Aymé, depuis membre de l’Institut. L à , on
prétendait avoir tro u v é des squelettes h um a in s: c’est
possible, mais nous n ’en vîmes pas. Nous ramassâmes,
comme j ’avais fait à Marseille, des os d ’anim au x et j ’y
recueillis plusieurs p ierres qui me p a ru re n t taillées. Je
les montrai à M. D ubois, en lui communiquant mes
idées; il se ch arg ea d ’en faire le sujet d’une note, q u ’il
a dû envoyer à l’In stitu t.
Lo rsq u e, en 1836, je vous en treten ais des p ie rre s
taillées du diluvium, p ierres qui étaien t encore à découv
rir, j ’avais formé une collection de celles des grottes,
tombelles, to u rb ière s et te rra in s rap p o rtés. C’est en
recueillant ces dern ières qui, évidemment, n ’étaient plus
dans leu r gissement primitif, que la pensée me v in t de
rechercher quelle pouvait ê tre leu r origine ou la composition
de ce gissement. La teinte ja u n â tre de quelques-
unes, fut un p rem ier indice. Seulement ex té rieu re , cette
teinte n ’éta it pas celle de la p âte du silex : j ’en conclus
qu’elle éta it due à la n a tu re ferrugineuse du sol, avec
lequel la p ie rre avait o rig in airem en t été en contact.
Certaine couche du diluvium remplissait cette condition:
la nuance en était bien celle de mes haches. Elles y