
effectivement de la langue thrâke dans les idiomes gèlesl. Il importe
donc d’abord de bien distinguer entre le& mots ihrâkes faussement
appelés gèles, et qui n’onl jamais fait partie de l’idiome
gèle, et les mots thrâkes qui ont passé de la langue thrâke dans celle
des peuples gèles. Ensuite il faut surtout distinguer entre ces deux
classes de mots, qui sont toutes deux d’origine ihrâke, c’est-à-dire
kamare (v, p. 37), et les mots qui appartiennent par leur origine à
l’idiome gète ou scythe. Comme l’idiome geie est sorti de la langue
scythe,'on conçoit que, dans l’origine, les mots gèles, quant aux
consonnes, se soient trouvés sur la même ligne que les mots de la
languescythe elle même. C’est aussi pourquoi, dans l'un comme dans
l’autre idiome, les consonnes dures ont prédominé de beaucoup.
Cependant dans quelques cas, ainsi que cela s’était déjà fait dans la
langue scythe, les consonnes dures ont été remplacées, du moins
dans certains dialectes gètes, par des consonnes aspirées ou molles.
Ainsi dans les auteurs plus anciens on trouve encore, par exemple,
les formes plus anciennes de Kolhèlas (Petit-Goth), de Metopa (Prairie;
cf. angl. medow, ail. mat-aue, v. p. 44), tandis que dans les
1 II faut considérer comme appartenant à la langue thrâke, par exemple les
• noms propres de villes se terminant en bria (p. briha, briga), tels que le nom
grécisé de Mesembria et les noms terminés en dava. Le mot sanapa (ivrogne;
Hésych., II, 1148) est sans doute un nfot thrâke qui a passé dans l’idiome gète
(cf. vieux h. ail. canipa, cave au vin; ail. kneipe, et vieux h. ail. hanap; ail.
humpen, v. fr. hanap). Un scholiaste grec (Apoll. Rhod. , 2, 946) dit que lés
ivrognes (buveurs de vin ; Hésych., oïnopotaï) sont nommés sanapai dans l’idiome
thrâke, dont se servent, selon lui, aussi les Ama&ones, et que la ville de Sinope
en a tiré son nom. Le mot de Saraparai (coupeurs de tête; Strabon, XI, 1 4 ,14|
parait aussi être d’origine thrâke et avoir été adopté par les Gètes. Ce mot dérive
d’un thème auquel appartiennent le latin scalpere et l’allemand scharf; il
correspond, par conséquent, par sa forme et, en partie, par sa signification, au
mot anglais sharpers. 11 va sans dire que les Gètes, vivant au milieu des Thrâkes
plus civilisés qu’eux, ont dû emprunter à la langue de ceux-ci beaucoup de
noms communs, et, entre autres, des noms propres pour désigner les plantes
officinales. C’est ainsi que presque tous les noms que Dioskoridès , ’dans sa Matière
médicale (voy. Grimm, Gesch. d. d. Sp.), nous donne pour des noms dâkes,
sont proprement des mots thrâkes. Tels sont, par exemple, les noms de Dun,
Rathivida, Bou-dalla (Langue de boeuf), Propè-doula. (Cinq-Feuilles) et Krous-
tanè (gr. Chelidonion). Ce dernier nom est à la fois thrâke, pélasge et keltique,
et ne se trouve que par emprunt dans le lithuanien. Parmi les noms énumérés
par Dioskoridès, je ne puis reconnaître comme appartenant réellement à la
langue 'dâke que le nom de Toul-bèla, qui semble signifier Plaisir ( vîla ), dé
l’assoupissement (tvâl) et avoir désigné originairement une plante qui avait une
vertu narcotique et enivrante, r
auteurs postérieurs ces noms gètes sont écrits Gothilas, Metfbpa.
A mesure que les peuples de la branche gèle se sont de plus en
plus mêlés avec des Thrâkes et des Relies, leur idiome a aussi subi,
d’une manière de plus en plus marquée, l’influence de ces langues
d’origine kamare. Or, ce qui distingue surtout ces langues d’origine
kamare des autres idiomes de la famille iafétique, c’est la
grande importance ou extension qu’elles ont donnée au principe
de l’euphonie, au point que, dans ces langues, les formes des mots
y subissent, selon le rapprochement de telles ou. de telles consonnes,
les modifications les plus variées. Celte euphonie consiste
principalement dans l’aspiration des consonnes dures et dans l’expiration
(sansc. visarga) ou effacement complet des consonnes aspirées.
C’est ainsi, par exemple, que patair (le père) s’est changé
par aspiration en phathair, et qu’ensuile phathair s'est changé par
expiration en halhair (gaël. athair)1. Or, à l’époque où les idiomes
gètes ont été en contact avec les langues thrâkes et keltiques, ces
langues-ci n’observaient pas encore le principe euphonique de Texpiration,
mais seulement celui de T aspiration et de l’amollissement
des consonnes dures. Aussi l’idiome gète, après avoir subi l’influence
euphonique des idiomes thrâkes et keltiques, donna-t-il dès
lors, comme eux, une grande extension au principe de l’aspiration
et à celui de T amollissement des consonnes. Voilà pourquoi un
grand nombre de dures initiales, et notamment toutes les labiales
dures, se changèrent en aspirées ou en molles. Cependant beaucoup
de consonnes dures parvinrent encore à se maintenir intactes,
ainsi que les molles qui s’étaient formées déjà dans la langue scythe.
C’est ainsi, par exemple, que l’ancien mot gète ou scythe patar
(gr. patèr), s’est changé en fadar (goth. fadar), et quepratar (gr.
frater) s’est changé en brolhar (goth. brothar); mais l’ancienne
forme km« (gotfi. kniu, sansc. djânou, gr. gonu, lat. genu) s’est
maintenue. L’ancienne forme de Tapiti (v. § 142) s’est changée en
lheud (p. thevid) ; Katu-vares s’est changé en CHatu-ares, et
Pleistai s’est changé en Bleistai (angl. Blessed). Tous les changements
qui se sont opérés dans les dialectes gètes consistaient donc
a remplacer un grand nombre de consonnes duixs par des aspirées
et des molles; mais jamais les aspirées, ni les molles, ne s’y sont
1 Voy. Ad. Pictet, De l’Ajjinité des langues celtiques avec le sanscrit.