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» Au furplus , dans la réduction qui fera faite
■ » des anciens papiers , fi nous avons à confidérer
» ceux auxquels il eft légitimement dû , nous*ne
as fommes pas moins obligés de faire attention à la
» fituation de nos peuples, fur qui tombent les
» impofitions qu’on doit employer à l ’acquittement
3» des dettes ; 8c tenant cet équilibre, nous renas
drons , autant qu’ il nous fera poffible , la jultice
33 que nous devons également à tous nos lujets.
33 Et comme nous voulons payer régulièrement les
» intérêts des nouveaux billets, & en éteindre fuc-
» ceffivement les capitaux, nous emploierons à cet
» effet les moyens les plus convenables, & nous y 3ï deftinons dès à préfent des fonds reftraints,outre 3> une partie de ceux qui reviendrcmt de la réduc- 3>, tion des dépenfes les plus onéreufes , des grands
ai retranchemens que nous faifons,8c que nous con-
33 tinuerons de faire fur nous-même , 8c de la fa^e
3» difpenfation de nos revenus y>.
Chacun de ces billets devoit être timbré , figné
du prévôt des marchands 8c d’ un éçhevin , 8c
porter un intérêt de quatre pour ceut, affigné
îur le produit de divers revenus , à'commencer
du premier janvier ,17 16 ; mais cette forme fut
changée,
Il fut fait pour deux cents cinquante millions
de ces billets, regiftrés à I*hôtel-de-ville , lignes
par le receveur de la v ille , un député des fîx
corps, & le prévôt des marchands.
Indépendamment des fonds affignés pour le paiement
des intérêts à quatre pour cent , par les
payeurs des rentes , & le rembourfement du capital
, il fut ordonné qu’ il y feroit employé trois
millions , à prendre fur les recettes des pays d’é-
ieélions , 8c que ces billets de l ’état feroient brûlés
à l’hôtel-de-ville , à mefure qu’ils rentreroient,
fans qu’il en pût être réfervé aucuns, ou faits de
nouveau.
Au mois de juin fuivant, on remit aux payeurs
des rentes trois millions cinq cents quatre-vingt
mille liv r e s , pour acquiter les fîx premiers mois
de l’intérêt de ces billets au premier juillet fuivant.
Afin de commencer à en retirer quelques-uns
<lu commerce, i l fut enfuite réglé que dans les
ventes des meubles , faites en exécution des arrêts
de la chambre de ju fliçe , toute partie au-deffus
de trois cents liv re s , pouvoit être payée, aux
trois quarts , en billets de l’état.
On leur ouvrit un nouveau débouché dès le
commencement de l’année 1-717 , en autorifant
les gentils-hommes, les officiers de guerre 8c de
jufticç, à qui il étoit dû des arrérages de pensons
, gages ou gratifications, de payer en billets
dç l’é ta t, ce qu’ils dévoient d’arrérages de la ea*
pîtation 8c du dixième ; 8c cette opération foutint
le crédit de ces effets.
Ces billets furent encore admis, i Q. en rentes
viagères , à raifon du denier fe iz e , fans distinction
d’ âge,
l ° . En paiement de quelques parties de forêts,
qui furent vendues , 8c de plufieurs portions de
domaines*. qu’on aliéna.
Enfin , en échange d’aétions des compagnies
établies pour différens commerces privilégiés, avec
un intérêt, de quatre pour cen t, payable tous les
fîx mois. La compagnie d’Occident., qui avoit
le privilège exclufif du commerce de la Louifiane,
fit rentrer ainfi des billets de l ’état pour cent
millions.
Le même édit , qui offroit Ces divers genres
d’emploi aux billets de l’état, annonçoit qu’après
un certain terme il .n’en feroit plus payé d’intérêt,
8c ce terme fut enfuite réglé au premier janvier
1718. Mais la crainte que les propriétaires ne
fuffent alarmés de cette efpece de contrainte, ou
qu’éloignés de la capitale, ils n’euffent pas l ’oc-
cafion d’ufer des yQies preferites, dans le teins
limité, détermina à proroger le paiement^de ces
intérêts environ quinze à dix-huit mois:, 8c c’efl:
ainfi que le plus grand nombre s’éteignit.
Ce qui en reftoit fut bientôt fondu dans la banque*
de L aw , devenue royale, depuis l ’arrêt du confeil
du mois d’avril 1717 , qui ordonna à tous les receveurs
des deniers royaux , de recevoir en paiement
les billets de cette banque ; 8c plus particuliérement
encore après l’arrêt du 4 décembre
1718 , qui preferivoit le rembourfement de fix
millions , auxquels montoient les douze cents’ actions
qui .faifoient le fond de la banque. L a compagnie
d’occident devint le centre de toutes les
opérations de la banque royale , 8c la bafe fur
lequel étoit établi le fameux fyftême qui lui avôic
donné la naifîance.
On établit, en plufieurs provinces, des bureaux
de correfpondance , tant pour fournir des billets
de banque aux demandes qui feroient faites, qu*
pour acquiter ceux qu’on- préfenteroit. Il en ex if-
toit au commencement de 1719 , pour cent dix
millions ; de mille , de cent, 8c de dix livres.
L ’arrêt du 22 avril 1718 , portoit que ces
billets-, ftipulés en livres tournois, ne pourroient
jamais être fujets aux diminutions qui furvien-
droient fur les efpeces d’or 8c d’argent.
Cette claufe étoit faite, fans doute, pour affurer
une grande confiance aux billets de la banque
royale ; mais, comme le remarque trèsrjudicieu-
fement l’eftimable auteur des Recherches fut les
finances, la faute fenfible que l ’on commit, ce fut
de délivrer des billets de dix livres. C ’étoit faire
participer les menues denrées 8c les falaires au
renchériffement général que devoit occafionner la
multiplication des fîgnes de v aleur , 8c s’expofer
à beaucoup de danger, en affociant au crédit
public, le petit peuple , toujours trop timide, ou
trop hardi, dans toutes fes démarches.
L a compagnie d’occident avoit acquis le Sénégal
; on lui remit le privilège exclufif du commerce
des Indes 8c de la Chine ; 8c c’efl: alors
qji’ella
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qu’elle prit le nom de compagnie des Indes. Cette
nouvelle compagnie fit pour vingt-cinq millions
de nouvelles aétions, qui acquirent un crédit pro^
digieux , 8c en redonnèrent aux anciennes', au
•moyen d’une foufeription ouverte à ceux feulement
qui repréfenterent une fomme d’aélions an-*
ciennes, quatre fois, plus forte que ceüe qu’on
defîroit. Ces vingt-cinq millions furent partagés»
en trois mille billets de dix aérions , 8c vingt
mille, d’une aétion.
La compagnie des Indes obtint encore le privilège
de la compagnie d’Afrique. Elle fut bientôt
après , chargée des monnoies , 8c enfuite du bail
général des fermes , pour lequel elle offrit une
augmentation de trois millions cinq cents mille
livres.
Tant de moyens de profpérités, accumulés dans-
les mêmes mains, fortifîoient la confiance,, 8c faifoient
haufler la valeur des aétions de .cette compagnie.
On augmentait le nombre des billets de
b a n q u e à proportion de cet accroiffejnent.
Le i z feptembre 1715?, on ordonna une nouvelle
fabrication de ces billets, pour la fomme ;de
•cent vingt millions , enforte qu’à cette époque on
•en comptait pour cinq cents vingt millions. C ’efl:
alors qu’une efpece. d’ivrefle fai fit la nation.
Une grande partie des rentes 8c des dettes de Tétat,
devoit être remboürfée ou acquitée en billets de
banque , ou en a étions. Ceux qui avoient ces
paieraens à recevoir , s’empreffoient de • demander,
des aétions. L ’ardeur pour s’en procurer fut
telle , | qu’cilés montèrent jufqu’à dix 8c douze
mille livre s, quoique leur valeur primordiale ne
fut que de cinq cents livres.
Les billets de,banque , de leur Coté, avoient une
valeur de dix pour cent^u-deffus de l’or 8c de ,1 arg,ent. Leur multiplication n’étoit pas épargnée,
lille deyenoit néeeffaire à rnefure que les négociations^;
s’échauffoient, 8c que. les aétions augmen-
toient de prix. Un arrêt du 24 *oétobrë ordonna
qu il en feroit fabriqué pour cent vingt millions ,
Ce qui ne devoir former , fuivant les arrêts connus
8c publics, que fix cents quarante millions. Mais
il paroit que la quantité effeétive de ces billets
fut beaucoup plus confîdérable ; car elle n’auroit
pu fuffire.'à la valeur de quatre cent mille aétions
circulant dans le commerce, 8c qui faifoient une
fomme de. plus de quatre milliards.
On reconnut en effet, par la. fuite, qu’ il avoit
été créé/pour près, de trois milliards de ces billets.
O eu fur-tout pendant le mois de novembre 17 19 ,
que le jeu des allions, & par confequent la cîr~
c.iîlation des billets, furent portés a l’excès. Chacun
vouloir y employer fes rembourfemens. Onvcndoit
les plus belles terres, pour les échanger contre du
papier. Le prix de ces actions, étoit monté jufqu’à
vingt mille livres. Cette valeur exhorbitante amena
la reflexion qu’elle -ne pouvoit être maintenue.' On
tu convertit en billets de banque, & les billets en
finances. Tome I,
113
or 4c-en argent. Cet exemple, lourdement imité
par plufieurs gros iméreffes, donna lieu à divers
arrêts propres à-ralïurer les efprits , & à maintenir
la confiance à l ’égard des aétions. •
C f premier coup une fois porté aux billets de
banque, c’efi-envain qu’il fut ordonné à la compagnie
de-ne', plus recevoir d’ efpeces, pour être
. converties, .en Jiilléts, & défendu de faire au tré-
for -royal-,'des paiemens dans une autre monrioie
qu’en billets, eh lui permettant d’exiger, à l ’avenir,
l’acquittemerit des impofitions de la même maniéré,
dans toutes les villes ,où il fe trouvoit des
caiffes de la banque. On avoit beau renôuveller
ainfi , tous les avantages qui dévoient procurer à
la morinoie de papier , la préférence fur l ’argent,
les calculateurs les plus éclairés , les étrangers
fur-tout, réaliferent toujours leurs effets, même
avec des facfîfices , tandis que d’autres, qui crai-
gnoient* des diminutions fur les monnoies , don-
noient encore huit 8c dix pour cent d’avantage
au billet fur l ’argent.
Pour confirmer, en quelque forte, la confiance
de ces derniers, un arrêt du 21 décembre ordonna
que l ’argent de la banque demeureroit fixé à cinq
pour cent au-deffus de l’argent courant, auquel
.prix il fëroit délivré des billets de banque , tant
au bureau général de Pa ris , que dans les bureaux
établis en province , fauf mix porteurs de ces
billets., après que ceux de là banque auroient été
diftribués, à les négocier au plus haut prix qu’ils
jugeroientà propos.
L e même arrêt régla que lès efpeces; ne pour-
roient plus être reçues dans les paiemens au-deffu*
de dix livres ; 8c celles d’o r , dans les paiemens
au-defliis de tçois cents livres ; que le paiement
de toutes les lettres-de-change fe feroit en billets.
On avoit penfé que cet expédient obligeroit les
étrangers à employer leurs créances en denrées
de france ; mais le commerce fuit la contrainte;
8c l’intérêt particulier trouve toujours des moyens
d’éluder la loi qui contrarie ou gêne fes opérations..
Aufli eet arrêt n’arrêta point les réalifations qui
fe firent par les étrangers , principaîement'par les-
Genevois , les Allemands , les Hollandois., 8ç paç
ceiix des François qui favôient calculer.
La prime de cinq pour cent, attachée au billet
de banque , fur les efpeces, procura même plus
de fheilité à ces opérations fecret-tes, parce qu’on
en fit grâce à ceux qui avoient de gros paiemens
à 'faire. 1
Un nouvel arrêt vint encore étayer le crédit
des billets de ba:nque , le 29 décembre, en 9rdonnant
qu’il en feroit-, fabriqué pour trois cents
foix.ante millions, 8c faire, avec ce qui e x iiio it,
la fomme d’un milliard , en affurant qu’ elle ne
feroit jamais excédée à l’avenir. Cette promeffe
n’empêcha pas de continuer de réalifer des billets,
en les échangeant, à p e r te , contre de l ’argent*
P