
2 a v e r t i s s e m e n t .
La finance burfale ou fifcale , eft celle qui n’a en vue que de procurer des
fecours au gouvernement, foit en levant, pour un tems limité, une forte fomme,
pour fubvenir à des befoins du moment, ou à l’acquittement de dettes extraordinaires
, foit en établiffant-un impôt, dont l’unique but eft de former une branche
de revenu. L’impofition du doublement de la capitation, d’un fécond & troifieme
vingtième , eft dans le premier cas. Le privilège exclufif de la vente du fel &
du tabac, les droits d’aides, la taille , la capitation , le premier vingtième , font
dans le fécond.
La finance , dans fes rapports avec le gouvernement c iv il, devient un moyen
d’empêcher qu’une province, une v ille , n’obtienne un avantage trop fenfible
dans fa condition & dans fon commerce fur d’autres provinces & d’autres villes ,
à moins que ce ne foit pour l’intérêt général. Elle d o it, en conféquence,-s’inf-
truire des produits & des reffources de chacune, de ce qu’elle tire de fa pofition
lo ca le , afin que l’égalité de traitement règne par-tout, & que la nullité ou la
modicité des tributs d’une efpèce, foient balancées par l’augmentation de ceux
d’un autre genre. Ainfi, les provinces non fujettes aux aides , ou exemptes de
gabelles , doivent fupporter, toute proportion gardée avec leurs facultés, plus
de tailles ou de capitation, que les provinces où ces perceptions font établies.
La finance liée à la politique, eft celle, qui embraflant d’un coup-d’oeil toutes
les relations extérieures de l’Etat, empêche qu’elles ne puiffent devenir préjudiciables
à la nation , tant en impofant des droits fur les objets de l’induftrie
& du crû des étrangers, lorfque ces mêmes objets fe trouvent dans le royaume
en quantité fuffifarite pour la confommation du dedans , & pour l’exportation
au dehors ; qu’en établiffant une réciprocité qui rende la condition des fujets des
puiflancës alliées ou voifines , parfaitement femblable à celle qu’éprouvent chez
elles les fujets de l’Etat (a).
(a) O n n ’ignore pas que plufieurs écrivains ont penfé que la fuppreflion abfolue des douanes
te de tous les droits qui en dépendent , feroit une opération infiniment avantageuïe en for.
On trouve à ce fujet le paflage fuivant dans les mémoires fur la vie & les ouvrages de M . Turgot,
in-8. 1781 , pag. ISJ. »
„ Il auroit propofé au roi de fupprimer tous les droits de-traites.jl-eur abolition étoit une grande
„ vue politique qui devoit nous donner fur l’Angleterre une fupériorité fi prodigieufe , qu’il eut
„ été impoffible à cette puiflance de lutter à l’avenir contre nous ; elle a environ foixante-douze
A V E R T I S S E M E N T . 3
Sous ce triple point de vue , le Diftioxmaire des Finances devient très-étendu.
Il ne doit plus être borné, comme dans la première édition de l’Encyclopédie ,
à un petit nombre d’articles propres à expliquer quelques opérations publiques,
à faire connoître la forme & l’effet de certaines impofitions, ou enfin à définir
3, millions de revenus établis fur les droits de traite ; elle fe feroit vue forcée de les facrifîer , ÔC
3, alors de diminuer fa puiflance de tous les efforts que folde ce revenu, ou de voir fuir en
3» France prefque tout le commerce fur lequel ce revenu même eft fondé ; car , de deux Etat*
3» auffi voifrns l ’un de l’autre , celui qui vou-droit s’obftiner à îever foixante-douze millions fur le
„ commerce, tandis q u e 'l ’autre ne lui demanderait r ie n , doit s’attendre à voir le commerce
» prefque entier paffer du côté de la franchife. »
I l elt difficile de concevoir comment s’opéreroit cette infigne révolution. Dans l’état aftuel des
chofes , ou la prohibition abfolue ôc le danger de l’enfreindre , s’oppofent à l’introdudion des
draperies & étoffes angloifes de laine ; il en entre en France une affez grande quantité poür nuire
à nos manufactures, 6c pour exciter les plaintes des manufacturiers. Cependant leur valeur eft
renchérie de plus de dix pour cent par les frais d’affurance 6c d un tranfport clandeftin. Quel
feroit le débordement de ces étoffes , fi les portes du royaume leur étoient ouvertes ? que deviendroient
nos fabriques d’ étoffes , de bonneterie , ÔC les millions de bras qu’elles emploient ? Cependant les
matières premières dont elles fe fervent, ne paient aucuns droits ; les objets de leur fabrique font
également francs à l’exportation. ; 6c, malgré ces deux grands moyens pour que nos étoffes entrent
en concurrence avec les étoftes angloifes , c e lle s -c i, par leur fupériorité ÔC par la modicité de leur
prix , obtiennent non-feulement de plus grands débouchés , mais meme la préférence en France fur les
étoffes nationales. Les ouvrages d’aCièr 6c de cuir font dans le même cas.
D ’ un autre côté , nos vïnlTde Bourgogne, de Champagne, de Bordeaux, 6c autres, de premier®
qualité ; nos huiles -s’enlevent malgré les droits qu’ils paient j il n’en refte chaque année que la
quantité néceffaire à notre confommation: que produiroit de plus leur affranchiffement abfolu, finon
une perte pour les revenus de l ’Etat , 6c un bénéfice pour le propriétaire, au profit duquel tour-
neroit la nullité des droits, car la valeur~de la denrée n’en feroit pas diminuée ?
Concluons ,de ces faits, que des circonftances locales , de bénignes influences du climat, des faveurs
de là nature ôc du f o l , attachent à certaines nations des avantages qu’on tenteroit en vain de
leur .enlever ; mais qu’il eft prudent de fe garantir à un certain point de cette fupériorité, pour
tâcher de faire valoir la concurrence qu’on peut efpérer d’acquérir dans le même genre.
C e feroit affurément le trait le plus fublime d’une politique éclairée , que de facrifîer dix - neuf
millions pour en faire perdre foixante-douze à une puiflance rivale ÔC fouvent ennemie. Mais les
fpéculations 6c les raifbnnemens des écrivains qui confeillent cé facrifîce , ne font-ils pas démentis
par l’évidence ÔC par leurs propres allégations ? |
Si l’Angleterre, malgré les foixante-douze millions qu’elle leve fur le commerce , eft la nation de
l ’Europe dont le commerce eft le plus cqnfidérabje Ôc le plus animé ; comment fe f a it - il que la
France , qui, ne leve que dix-neuf millions fur fon commerce ; où le fol ôc l’induftrie varient davantage
les objets'd’un gràhd trafi^idont la population eft plus que le double , "n’attire pas à elle 1«
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